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Premier retour de Bagdad


Auteurs : |
Éditeur : Buchet & Chastel Date & Lieu : 2004, Paris
Préface : Pages : 128
Traduction : ISBN : 2-283-02065-4
Langue : FrançaisFormat : 115x195 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Rig. Pre. N° 2579Thème : Politique

Présentation
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Premier retour de Bagdad

Premier retour de Bagdad

Pierre Rigoulot,
Ilios Yannakakis

Buchet & Chastel

Un an après l’intervention américaine et la chute de Saddam Hussein, où en est l’Irak? Pierre Rigoulot et llios Yannakakis ont voulu se rendre à Bagdad pour évaluer les chances d’une transition de la dictature baasiste à un régime plus démocratique et interroger les Irakiens sur la situation.
Qu’en est-il de la violence, de l’insécurité, de la présence américaine ? De quoi est faite la vie quotidienne, celle que ne racontent pas les grands médias ?
Comment fonctionnent la médecine, l’éducation ? Quelles sont les forces politiques en présence? Les extrémistes chiites et les nostalgiques de Saddam Hussein sont-ils soutenus par la population ? L’intégrisme religieux est-il ressenti comme une menace ? Le pays est-il menacé d’éclatement ?
De toute évidence, les Irakiens ne regrettent pas Saddam et, après avoir recouvré la liberté, ils aspirent à la démocratie. C’est précisément ce dont ne veulent pas les extrémistes qui tentent de faire basculer le pays dans la guerre civile. Pierre Rigoulot et llios Yannakakis plaident pour que l’Irak ne soit pas abandonné à ces derniers.


Pierre Rigoulot est rédacteur en chef des Cahiers d’Histoire sociale. Il a publié en 2003 chez Buchet/Chastel, Corée du Nord, État voyou, et en 2004 chez Robert Laffont, L’Antiaméricanisme.

Ilios Yannakakis, né au Caire, a vécu en Tchécoslovaquie de 1949 à 1968. Après l’intervention soviétique qui a mis fin au Printemps de Prague, il s’est installé en France où il a enseigné les relations internationales. Il est l’auteur de plusieurs documentaires pour la télévision,dont Saddam Hussein, maître de Bagdad (2003). Il est l’auteur de plusieurs livres, notamment, avec Pierre Rigoulot, Un pavé dans l’histoire (Laffont, 1998) et Irak an I (éd. du Rocher, 2004).



CHIFFRES ET DATES

Superficie : 434 925 km2
Population : 24 millions d’habitants.
- Arabes : 16,5 millions (69 %);
- Kurdes : 6,4 millions (26,5 %) ;
- Assyro-Chaldéens : 0,8 million (3,3 %) ;
- Turkmènes : 500 000 (2 %).

Religions
- musulmans chiites : entre 55 et 60 % (environ 80 % des Arabes, 50 % des Turkmènes, 20 % des Kurdes);
- musulmans sunnites : 35 à 40 % (près de 80 % des Kurdes, 50 % des Turkmènes) ;
- chrétiens : 3,5 % (80 % des Assyro-Chaldéens sont de rite chaldéen, 20 % sont de rite nestorien)
- autres : yézidis (300000), catholiques syriaques (60 000), sabéens (20 000), etc.

Histoire
1920 : Mandat britannique.
1932 : L’Irak accède à l ’indépendance.
14 juillet 1958 : La monarchie est renversée par le général Abdul Kerim Kassem.
8 février 1963 : Coup d’État baasiste. Assassinat du général Kassem.
18 novembre 1963 : Coup d’État d’Abd al-Salam Aref, qui chasse les baasistes du pouvoir.
16 et 30 juillet 1968 : Après deux coups d’État, le parti baas reprend le pouvoir.
16 juillet 1979 : Saddam Hussein, président de l’Irak.
22 septembre 1980 : L’Irak attaque l ’Iran. Début d’une guerre qui ne s’achèvera qu’en 1998.
2 août 1990 : Annexion du Koweït par l’Irak.
Janvier-février 1991 : Première guerre du Golfe
(Intervention militaire d’une coalition internationale, sous mandat de l ’ONU).
19 mars 2003 : Début de l’intervention angloaméricaine.
9 avril 2003 : Prise de Bagdad et renversement de Saddam Hussein.



Avant

Dix jours avant le départ. Les pressions de nos proches, inquiets, se font plus vives. Chacun à sa manière, nos enfants, nos compagnes, protestent. L’un demande pourquoi nous n’allons pas nous jeter directement sous un wagon du métro, plutôt que d’entreprendre un voyage aussi risqué. L’autre nous reproche de jouer aux cow-boys à un âge où cela siérait nettement mieux à nos petits-enfants...

Au fond, nous admettons que nous nous lançons dans une affaire un peu folle. Tous les jours ou presque, à la télévision, le journal du soir fait pour nous le décompte des attentats et des morts... Qu’est-ce qui nous pousse à partir en Irak en cette fin du mois de mars 2004 ? Voulons-nous donner du piquant à nos vies trop tranquilles ? C’est tout simplement que, pour nous, les idées doivent se traduire en actes. Celles que nous défendons, ce qu’elles représentent, ont assez de prix pour que nous n’envisagions ni l’un ni l’autre de les trahir, ni de rester passifs. Ne pas aller en Irak pour voir sur place de quoi il retourne vraiment, ne rien risquer alors que nous avons soutenu et soutenons encore l’intervention armée des Américains et prétendons que leur action est une étape de la démocratisation nécessaire du Moyen-Orient, n’est tout simplement pas concevable.

Nous le sentons bien : cette affaire irakienne va déterminer le sort de l’Occident pour les prochaines décennies. Si l’Amérique et ses rares alliés sont obligés de se retirer piteusement, quel encouragement se sera pour les terroristes ! Quelqu’un de nos amis disait avec raison : «Attention! Si l’Amérique tombe en Irak, elle nous tombera dessus... » Si elle parvient au contraire à stabiliser le pays, à en faire un modèle pour la région, alors tous les espoirs - ou presque - seront permis au Proche et au Moyen-Orient... Nous voulons donc nous rendre compte sur le terrain de la situation réelle. Témoigner de nos observations nous semble faire œuvre utile.

Il est difficile d’atterrir à Bagdad avec la seule ligne jordanienne qui le permette, si l’on n’est pas diplomate, ou membre d’une ONG. Nous prendrons l’avion jusqu’à Amman avant de gagner Bagdad par la route.
Il nous faut donc un visa jordanien, que nous allons solliciter à l’ambassade, boulevard Maurice Barrés à Neuilly-sur-Seine. L’atmosphère n’est pas à la joie, ce jour-là, et nous n’échangeons que quelques mots : les nouvelles venues d’Espagne nous accablent. Al-Qaeda a gagné pour la première fois les élections législatives d’un pays européen. Nous nous sentons totalement isolés et impuissants devant le refus généralisé de prendre conscience des dangers de l’islamisme radical, et d’affronter le terrorisme.

Les autorités espagnoles et les dirigeants du Parti nationaliste basque eux-mêmes ont d’abord cru à un attentat de l’E.T.A. Dès le 12 mars, ils ont laissé la porte ouverte à une autre explication, mais ne l’ont pas privilégiée. Le samedi précédant le scrutin, Mariano Rajoy, le successeur alors attendu de José Maria Aznar, s’est encore prononcé en faveur de la responsabilité de l’organisation terroriste basque. Un psychanalyste parlerait de dénégation. Le gouvernement Aznar pressentait que la gauche pacifiste militante, celle qui descend dans la rue, allait utiliser la piste islamiste contre lui.
Mais cette gauche pacifiste n’est-elle pas elle aussi dans la dénégation ? Elle souhaite le retrait des troupes envoyées en Irak promis par José Luis Rodriguez Zapatero, mais par là même recule devant le terrorisme. Pour masquer cette désertion, elle fustige le « mensonge » de l’ancien …



Postface

Les responsables politiques irakiens que nous avons rencontrés évoquent en termes imprécis la transition de leur pays depuis les décombres de la dictature de Saddam Hussein vers un nouveau régime. Elle ne peut être interprétée ni comme une « instauration » ni comme une « restauration » de la démocratie.

Les centaines de milliers de morts provoquées par une longue guerre contre l’ennemi extérieur, l’Iran, et contre les « ennemis » de l’intérieur, les Kurdes et les chiites, ont marqué cruellement les années de « gloire » du maître de Bagdad, grand admirateur de Joseph Staline.
L’affaiblissement du système, consécutif aux défaites subies contre l’Iran, puis contre la coalition internationale venue au secours du Koweït, était déjà en germe dans l’entre-deux-guerres du Golfe, de 1991 à 2003. Durant cette période, la population a subi de terribles souffrances : assassinats de milliers d’opposants, impitoyables persécutions contre tous ceux qui exprimaient le moindre doute sur le « génie » du chef, nouveau Saladin. Le pouvoir totalitaire irakien se délitait sans que cela apparaisse clairement aux yeux de l’opinion mondiale. Bien au contraire, le dictateur jouissait de nombreux soutiens et sympathies dans les milieux de droite comme de gauche dans la communauté internationale. Tandis que le régime s’affaissait en Irak, l’islamisme progressait partout dans le monde musulman. Pour se maintenir, Saddam favorisa l’islamisation de la société et appuya le terrorisme international. La courte guerre menée par les forces anglo-américaines a été le point d’orgue d’un processus de décomposition de plus de vingt ans.

Plusieurs de nos interlocuteurs du pôle laïc - dont la plupart ont vécu de longues années d’exil en Europe - ont tenté de comparer la chute finale du régime de Saddam Hussein à celle du IIT Reich. Ils évaluaient avec les mêmes critères la nazification et la saddamisation des esprits et des comportements. Us mettaient en parallèle l’entrée des forces alliées en Allemagne avec celle de la coalition en Irak. Us évoquaient la démocratie imposée au Japon et à l’Allemagne, et la politique de « détotalitarisation » des mentalités entreprises en 1945. Us reprochaient aux Américains de n’avoir pas mené une politique semblable en Irak. Us ne faisaient pourtant pas allusion aux procès contre les dignitaires nazis pour crimes de guerre et contre l’humanité. Pour eux, la dissolution de l’armée irakienne et des différentes polices a été une erreur irréparable, qui a provoqué le mécontentement de dizaines de milliers d’officiers et de soldats réduits au chômage. Mais ils oubliaient que l’armée et les polices allemandes avaient, elles aussi, été dissoutes lors de la capitulation. Il fallait, après la Seconde Guerre mondiale, reconstruire l’État de fond en comble et changer les esprits pour relever le pays détruit. Cela ne s’est pas fait en un jour. Les troupes alliées d’occupation ont assumé longtemps des fonctions régaliennes avant de céder la plénitude des pouvoirs aux forces politiques locales rénovées, et à une administration épurée.

Nous avons été étonnés par le manque de vision d’ensemble de nos interlocuteurs pour bâtir la démocratie en Irak. Les imprécisions de leurs analyses de la situation présente soulignaient une absence bien réelle de perspectives. La sous-estimation du danger que représente le terrorisme de factions irakiennes aidées par des éléments étrangers, dont l’objectif est d’empêcher la dévolution du pouvoir à un gouvernement irakien à la fin du mois de juin, nous est apparue comme la manifestation de leur impuissance à peser sur les événements. Us croient avec ferveur que le sentiment national des Irakiens, toutes confessions et obédiences confondues, sera plus fort que les vicissitudes du moment et qu’il constituera un obstacle suffisant à l’extrémisme intégriste et au terrorisme.

Par l’expérience que nous avons acquise lors de nos séjours dans certains pays de l’Est, nous n’ignorons pas la difficulté de faire émerger, après des dizaines d’années de totalitarisme, des forces politiques capables d’assurer rapidement une transition démocratique. Cette difficulté est notamment à la mesure de la répression qui s’est exercée en particulier contre l’intelligentsia, comme la Roumanie en a montré le malheureux exemple : Ceauşescu et, plus encore, ses prédécesseurs s’étaient employés, d’une part, à briser tout ressort intellectuel, toute pensée indépendante dans la population, et, d’autre part, à faire entrer la terreur dans tous les esprits. Le totalitarisme roumain avait pris une dimension obsidionale, phobique ou fantasmatique qui explique, en grande partie, les difficultés rencontrées par ce pays pour revenir à la normalité. Or la situation irakienne fait, à certains égards, penser à celle qu’avait laissée derrière lui le « conducator ». Quant à l’exemple de l’ex-Yougoslavie, il indique clairement comment une partie d’un peuple marqué par la brutalité du passé (celle de la Seconde Guerre mondiale, effroyable, et celle, non moins terrible, des premières années du titisme) peut être disponible pour recourir à une violence extrême. D’une manière générale, nos interlocuteurs de jadis, qui s’étaient retrouvés d’une manière impromptue au pouvoir étaient animés, eux aussi, de visions générales et d’illusions généreuses, tout comme ils étaient relativement dans l’incapacité de maîtriser le cours des événements. Les enseignements de l’immédiat postcommunisme pourraient être précieux aux Irakiens aussi bien qu’à la communauté internationale qui s’intéresse à leur pays, pour éviter les plus gros écueils et définir des objectifs prioritaires. Or nous avons constaté que nos interlocuteurs ne sont pas ouverts à de telles réflexions : l’expérience de la transition en Europe centrale n’a jamais été évoquée.

La présence des forces militaires américaines et de celles de la coalition représente un facteur déterminant dans le processus de démocratisation. Cette présence - ou celle de troupes sous le drapeau de l’ONU, avec un mandat fort - nous semble d’autant plus indispensable que les équilibres entre les différentes composantes du gouvernement intérimaire nous ont paru fragiles. Mais elle est d’autant plus nécessaire que les tentatives des terroristes pour déstabiliser le pays et provoquer, par des attentats sanglants, la colère et l’exaspération de la population, s’intensifient à mesure que s’approche la date de la remise du pouvoir aux Irakiens. Le terrorisme est aujourd’hui, en Irak, une violence qui ne discerne plus ses cibles. Il veut détruire aveuglément tout ce qui représente un retour à une vie normale. Toutefois, en dépit de cette situation alarmante, nous retenons de notre séjour à Bagdad la volonté affirmée des citoyens de ce pays de sortir des années noires de la dictature et de vivre « normalement » dans un pays ouvert au monde. En œuvrant avec ceux qui sont déjà sur le terrain, la communauté internationale et les Européens se doivent de contribuer activement aux transformations démocratiques. C’est pour nous la meilleure façon de répondre aux espoirs de la population et de lutter contre le terrorisme.

Alors que ce livre est achevé et part à l’impression, la presse internationale se fait l’écho de l’indignation suscitée dans le monde par les mauvais traitements auxquels sont soumis certains insurgés et criminels irakiens.

Ces pratiques nous indignent aussi. De plus, elles vont à l’encontre du vaste projet de démocratisation annoncé par les États-Unis en Irak et au Moyen-Orient. En démocratie, la presse, la justice et les hommes politiques jouent leur rôle : les crimes peuvent être dénoncés. Nous souhaitons que tous les coupables soient condamnés.




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