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Thermidor en Iran


Auteurs : | |
Éditeur : Complexe Date & Lieu : 1993, Bruxelles
Préface : Pages : 156
Traduction : ISBN : 2-87027-502-1
Langue : FrançaisFormat : 115x180 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Ade. The. N° 2712Thème : Général

Présentation
Table des Matières Introduction Identité PDF
Thermidor en Iran

Thermidor en Iran

Fariba Adelkhah,
Jean-Francois Bayart,
Olivier Roy

Complexe

Après quelques mois à peine de sympathie, en 1978-79, la révolution iranienne rassembla contre elle, dans l’opinion occidentale, une sorte de front uni de la répulsion et de la crainte. Depuis la mort de l’Imam Khomeyni, les signaux que nous envoie la République islamique, d’apparence plus ambiguë, donnent lieu à des interprétations hésitantes : l’annonce d’une réforme décisive dans le sens de l’ouverture économique est suivie du rappel très officiel que Salman Rushdie est toujours condamné à mort...
Qu’en est-il ?
Loin des stéréotypes, ce livre nous montre de tout près une société iranienne en pleine mutation, un régime politique en proie à tous les aléas d’une lutte factionnelle féroce mais feutrée, et un Etat soucieux, après des années d'isolement, de reprendre la place qu’il a toujours ambitionnée dans une région dont il reste l’un des « poids lourds ».



Fariba Adelkhah
est chercheur à la Fondation nationale des sciences politiques (CERI) et auteur de La Révolution sous le voile. Femmes islamiques d’Iran, Karthala, 1991.

Jean-François Bayart est chercheur au CNRS (CERI).

Olivier Roy est chercheur au CNRS, associé au CERI, auteur de L'échec de l’islam politique, Editions du Seuil, 1992.



PRESENTATION

Quinze ans après son instauration, la République islamique reste un sujet de passion. En 1978-79, la foule révolutionnaire iranienne avait gagné la sympathie de l’opinion occidentale et Michel Foucault s’émerveillait de voir à l’œuvre la « volonté collective d’un peuple ». Mais la répression sanglante dirigée contre l’aile gauche du mouvement, l’islamisation des institutions, l’imposition du voile aux femmes ternirent vite cette lune de miel entre l’Imam Khomeyni et ses sympathisants tiers-mondistes de l’étranger, déjà échaudés par les révélations sur le Vietnam communiste ou les Khmers rouges. Quitte à soutenir une mobilisation politique d’inspiration religieuse, mieux valait décidément se tourner vers Solidamosc car, expliquait un philosophe iranien, « en Pologne on se bat en ce moment au nom de l’individu, de la singularité, au nom de son propre espace contre l’espace totalitaire » (Interview de Darius Shayegan, Nouvel Observateur, 25 septembre 1982).

La République islamique fut bientôt perçue en France comme non seulement totalitaire, mais encore et surtout obscurantiste. Premier contresens car, montre Fariba Adelkhah dans cet ouvrage, elle est l’expression politique d’un aggiornamento de l’islam et elle est la résultante d’un triple mouvement de rationalisation, de bureaucratisation et d’urbanisation de la société iranienne dont le principal enjeu est précisément l’affirmation de l’individu comme « être-en-société ».

Dès lors que le régime iranien était assimilé à un totalitarisme islamiste, il devenait urgent de défendre Saddam Hussein comme représentant de la laïcité : « Un extraordinaire danger pour nous tous vient d’Iran (...) et notre objectif commun devrait être (...) de prévenir le déferlement du fondamentalisme sur la région. La France fait sa part dans ce contexte en aidant l’Irak à le contenir », déclarait Jacques Chirac au Washington Times en novembre 1986. Deuxième contresens, démontre Olivier Roy : la politique étrangère de l’Iran a vite cessé de poursuivre la chimère de l’expansionnisme islamique, ne serait-ce que parce qu’elle n’a pas été en mesure de sortir du ghetto chiite dans lequel elle s’est laissé enfermer et qu’elle n’a guère trouvé d’audience auprès des masses musulmanes sunnites. Pourtant l’Iran, convaincu à plusieurs reprises de terrorisme, compromis dans de vilaines prises d’otages, empêtré dans une affaire Rushdie dont il n’a même pas eu l’initiative, continue de faire peur et d’apparaître comme le grand méchant loup dans le conte américain du nouvel ordre mondial.

La ferveur extraordinaire qui a entouré les obsèques de l’Imam Khomeyni en juin 1989 a conforté l’opinion occidentale dans cette vision fantasmatique d’un islam politique toujours « au bord de la crise de nerfs », fanatique et dangereux. Comprendre l’Iran contemporain implique que l’on revienne d’abord sur ce qu’a vraiment été la Révolution et sur ce qu’est le régime qui en est issu. Car l’ouverture que l’arrivée au pouvoir de Hashemi Rafsanjani a semblé annoncer reste jaugée à l’aune de ces malentendus. La vie politique à Téhéran se résumerait aujourd’hui à une implacable bataille entre les « modérés » et les « radicaux » qui porterait sur la libéralisation de l’économie, la démocratisation du régime, le rapprochement diplomatique avec l’Occident et, pour tout dire, sur la désislamisation progressive de la République. Troisième contresens : la lutte factionnelle qui se déroule à Téhéran, selon des clivages et une logique beaucoup plus embrouillés que ceux d’un simple « jeu à somme nulle » entre des « bons » et des « méchants » - aux yeux des Occidentaux, s’entend ! - a moins trait à une telle normalisation qu’à l’accumulation matérielle et à l’appropriation des ressources d’une économie rentière (voir le chapitre de Jean-François Bayart).

Mieux vaut reprendre le problème à la base. Oui, l’Iran a connu une « grande » Révolution en 1979, mais celle-ci a peut-être été politique et nationale autant que religieuse et sociale. Oui, l’Iran est souvent un trouble-fête dans le système international, mais il suit des objectifs classiques de puissance régionale. Oui, la République est entrée dans une phase thermidorienne depuis plusieurs années, mais à condition que l’on se souvienne que Thermidor, « partie intégrante de l’expérience politique globale de la Révolution » (Bronislaw Baczko) plus que son simple reniement, ne fut pas précisément une époque de modération !

Il est temps de reconsidérer sereinement les réalités de l’un des Etats les plus importants du Moyen-Orient et de l’Asie centrale. C’est à cet examen que nous allons nous livrer dans les pages qui suivent. Nous tenterons notamment de répondre à deux questions qui nous semblent essentielles : quelle dose de rupture la Révolution a-t-elle introduite dans la trajectoire du pays ? Et en quoi le caractère islamique de la République rend-il compté des particularités du régime et de son évolution ?

Jean-François Bayart



Entre « dirigistes » et « libéraux » :
la République islamique
par Jean-François Bayart

La Révolution iranienne de 1979 a été sans conteste une « grande Révolution » qui, comme telle, n’a pas tardé à dévorer ses propres enfants au fur et à mesure qu’elle s’est radicalisée.
Les libéraux islamiques du Mouvement de libération de l’Iran, les fractions conservatrices et populistes du clergé chiite - respectivement conduites par les ayatollahs Shariat-Madari et Taleghani - les nationalistes kurdes, les militants de la gauche révolutionnaire et du Toudeh (le parti communiste), et jusqu’à quelques-uns des proches conseillers de l’Imam Khomeyni ont été marginalisés, emprisonnés, contraints à l’exil ou liquidés. A la fin de l’année 1982, la tendance politique favorable à l’exercice direct du pouvoir par les religieux, selon le principe du velayat-e faqih (gouvernement du docteur de la loi) énoncé par l’Imam Khomeyni en 1969 dans son enseignement à Najaf, avait pris le contrôle de l’Etat, au prix de ce qu’il faut bien nommer une période de terreur : celle de la « Seconde Révolution », déclenchée en novembre 1979 par la prise en otage des diplomates de l’ambassade américaine et la démission du Premier ministre Mehdi Bazargan, et de la « Révolution culturelle », proclamé en avril …




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