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Droits de l’Homme et relations Nord-Sud


Auteur :
Éditeur : L'Harmattan Date & Lieu : 1985, Paris
Préface : Pages : 192
Traduction : ISBN : 2-85802-528-X
Langue : FrançaisFormat : 135x215 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Fed. Dro. N° 1181Thème : Général

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Droits de l’Homme et relations Nord-Sud


Droits de l’Homme et relations Nord-Sud

FIDH

L’Harmattan


« Nous avions ingéré en dénonçant les disparitions, nous avions ingéré en disant notre honte que le pays des héros de Stalingrad soit couvert de Goulags.

Nous ingérons en dénonçant le soutien des États-Unis aux massacreurs du Guatemala.

Nous ingérions encore, il y a dix ans, en allant dire au Général Pinochet qu’à retenir sa thèse de la guerre interne, il violait la Convention de Genève et par là même perpétrait des crimes de guerre.
Ce droit à l’ingérence, nous le pratiquons et le proclamons car les souverainetés nationales ont pour limites naturelles l’application de la Doctrine des Droits de l’Homme. »



PREFACE

de Danielle Mitterrand

Au nom de la vie donnée, — ce privilège d’une mère et d’un père, tout amour et attention pour l’être qui va naître,
Au nom de la volonté de faire de cette vie un accomplissement, d’apprendre pour enseigner, de travailler pour le progrès de tous, de penser et d’écrire pour élever les esprits, de vivre sa liberté en respectant celle des autres,

Je vous demande :
- De quel droit plongez-vous le monde dans l’injustice ?
- De quel droit aveuglez-vous les yeux émerveillés des enfants ?
- De quel droit asservissez-vous tout un peuple pour étancher votre soif de pouvoir au mépris des libertés ?
- De quel droit emprisonnez-vous ceux qui pensent autrement ?
- De quel droit torturez-vous ceux qui refusent de dénoncer leur ami ou leur frère ?
- De quel droit affamez-vous pour opprimer ?
- De quel droit bafouez-vous les hommes et les femmes au nom de leur race ou de leur religion ?
- De quel droit contraignez-vous des familles entières, des mères à parcourir la terre afin de crier leur désespoir et de dénoncer votre folie cruelle et meurtrière ?

Les auteurs de la charte universelle des Droits de l’Homme étaient-ils eux-mêmes tout à fait innocents ?
Faut-il être marginal pour oser prétendre construire une société plus tolérante, plus juste, plus solidaire ?
Il n’est pas de plus noble tâche que de tendre la main à cette mère qui trouve en sa douleur la force de clamer le martyre vécu par son fils, à ces villageois qui fuient leurs maisons incendiées pour déloger un rebelle qui ne demandait qu’un peu plus de justice et le droit de nourrir, d’élever sa famille.

La France est la terre des Droits de l’Homme. La devise de notre République l’affirme, puisqu’elle rappelle cette exigence des hommes : se vouloir libres, égaux et fraternels. Mais dans ce domaine rien n’est jamais acquis.
Luttons pour que vivent ces symboles.
A l’esprit de générosité, au respect d’autrui et de sa culture, nous devons désormais aujouter notre action pour défendre les droits imprescriptibles, les droits au développement économique, le droit à la vie.

Comment prétendre vivre libres et égaux quand la population d’un pays meurt de faim, quand sur notre globe tant d’hommes souffrent dans leur dignité ?
Aucun acte de mépris à l’égard de la personne humaine ne peut être justifié. Ne fermons pas les yeux, ne nous réfugions pas derrière des notions égoïstes. Nous sommes universellement solidaires.

La F.I.D.H. œuvre pour que progressent partout ces droits. Nous avons en mémoire les noms de celles et de ceux qui ont payé de leur personne et même de leur vie le service de cet idéal.
Solidaires de leur engagement, n’acceptons pas qu’au nom de la loi du plus fort, des hommes soient bafoués dans leurs droits, moraux, physiques ou économiques : élevons la voix.
Au mouvement de repli, aux réactions d’individualisme, de racisme, les adultes de demain ont déjà répondu chez nous par un puissant élan. Inspirons-nous de leur action.

Et faisons leur confiance : ils portent l’espérance.

Danielle Mitterrand



Présentation

Discours d’inauguration du congrès de la FIDH

Michel Blum *

A l’orée de ce Congrès international, laissez-moi vous exprimer la fierté de la FIDH d’être la doyenne des organisations internationales de défense des droits de l’homme. Et cela parce que sa mémoire collective lui rappelle qu’à la naissance du siècle, ses militants ont toujours mené le bon combat et toujours les premiers.

Qui d’entre nous ignore les luttes d’antan pour la paix par la sécurité collective, le combat prioritaire contre le fascisme et le totalitarisme ? Qui ne se souvient de l’assassinat de son Président, Victor Basch, et, plus tard encore, de nos incessantes prises de position pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ?

Et pourtant, il a fallu que la FIDH se livre sur elle-même à un travail d’archéologie pour encore mieux comprendre que nos grands anciens avaient accompli une œuvre considérable. Lors de ses Congrès de 1923 et 1927, elle demande une « Déclaration Mondiale des Droits de l’Homme », préfigurant ainsi la Déclaration Universelle que plusieurs de ses membres contribueront à rédiger en 1948.

Comment, encore aujourd’hui, relire sans émotion, les résolutions transmises à la SDN : celle du 5 novembre 1923 sur le sort des Arméniens abandonnés à la Turquie ; celle aussi de janvier 1928 où nous protestions contre l’intervention du gouvernement des Etats-Unis dans les affaires intérieures du Nicaragua.

Enfin, lors de son Congrès de 1936, la FIDH complétait sa Déclaration Mondiale des Droits de l’Homme par un « complément de Déclaration. » Elle proclame que le droit à la vie, c’est aussi « le droit de tous de bénéficier également de toutes les mesures de Protection que la Science rend possibles ». Le droit à la vie, c’est, dit-elle, surtout le Droit au Travail et, à « un travail assez rémunéré pour que tous aient largement part au bien-être, que les progrès de la Science et de la Technique rendent de plus en plus accessible, et qu’une répartition doit ou peut assurer à tous. »

Vous le voyez, Mesdames, Messieurs, le chemin de l’Histoire nous conduit bien au thème de ce congrès 1984 : « Droits de l’Homme et relations Nord-Sud ». N’est-ce pas le même esprit, la même générosité et le même souffle qui animent en 1974 l’Assemblée des Nations unies lorsque, quasi unanime, elle proclame solennellement : « Notre détermination commune de travailler d’urgence à l’instauration d’un ordre économique international... qui corrigera les inégalités et rectifiera les injustices... » L’humanité s’était mise à rêver d’un monde qui, peu à peu, chasserait la faim, la maladie et l’ignorance.

Dix ans ont passé et aujourd’hui la chute est dure : le dialogue entre pays du Nord et pays du Sud, pour rééquilibrer l’ordre inégal, marque le pas. Les pays industrialisés se claquemurent derrière leurs frontières pour sauvegarder les privilèges que leur a donnés l’histoire, la géographie et leur avance technologique. Pour les pays du Sud, en revanche, un endettement affolant de 800 milliards de dollars et des taux d’intérêt exorbitants pratiqués par les institutions financières internationales.

Aux uns, les progrès sophistiqués des sciences, aux uns encore, prospérité et meilleure sécurité de l’emploi. Aux autres, la faim, la pénurie, la dépendance et le chômage endémique, la détérioration des termes de l’échange. Vous le voyez, ce thème « Droits de l’Homme et relations Nord-Sud » méritait bien que nous nous y arrêtions ensemble pour y réfléchir le temps d’un Congrès.

Nous ne sommes pas une assemblée décisionnaire, mais les créateurs de l’ONU ont voulu que les Organisations Non Gouvernementales (ONG) représentent l’opinion publique. Il nous a été accordé (... Peut-être d’aucuns le regrettent...) le droit de déranger. Ce droit là, mettez-le en œuvre au cours de vos débats. Croyez-moi, Mesdames et Messieurs, les murs de l’UNESCO s’en réjouiront. Ils n’y sont pas toujours habitués. Ici, avec la FIDH, vous avez le devoir de parler vrai, juste et fort.

Monsieur le Président de la Ligue Espagnole, condamné à mort, emprisonné 10 ans à Carabanchel ; Monsieur le Président Bandiera, héros de la Brigade Garibaldi ; Monsieur le Président de la Ligue Française, résistant, ancien déporté à Drancy ; Vos histoires personnelles et celles des Ligues que vous présidez, vous ont donné le droit d’interpeller partout les dictatures. Vous êtes des rescapés.

Mais, je le sais, vous pensez aujourd’hui à notre Vice-Présidente, Marianella Garcia Villas, torturée, violée puis assassinée, il y a deux ans, par les militaires du Salvador. Son ardeur, sa foi, sa bonté, ont illuminé notre Congrès de Montréal. Elle pensait avec nous que le premier devoir d’une Ligue est de se battre dans son pays pour la justice, la tolérance et la démocratie.
Mais, elle pensait aussi que nous avions un devoir de solidarité encore plus grand. Que nous ne devions pas seulement interpeller la conscience universelle, mais aussi aller sur place parce que des crimes se commettent ou vont se commettre, pour dire que le silence ne les couvrira pas.
Cela, aujourd’hui au rythme de 3 missions par mois qui, depuis notre Congrès de Montréal, ont visité 38 pays différents. Et, de ce fait, depuis 25 ans, les missions d’observation judiciaires et d’enquêtes se sont développées de manière spectaculaire.

Fidèles à notre éthique, nos représentants instruisent à charge et à décharge, restent objectifs et rigoureux. Ont-ils réussi ? Je ne le sais, mais je constate que nous avons déposé à ce jour plusieurs centaines de rapports, sans qu’aucune de leurs conclusions n’ait jamais été contestée... même si l’Argentine des Généraux et l’URSS ont déposé à notre encontre des demandes d’exclusion de l’ONU.

A l’époque, nous avions pris ces initiatives pour un hommage supplémentaire rendu à notre action. Encore aujourd’hui, je veux les en remercier. Oui, nous avions ingéré en dénonçant les disparitions, oui, nous avions ingéré en disant notre honte que le pays des héros de Stalingrad soit couvert de Goulags. Oui, nous ingérons en dénonçant le soutien des USA aux massacreurs du Guatemala. Oui, nous ingérions encore, il y a dix ans, en allant dire au Général Pinochet qu’à retenir sa thèse de la guerre interne, il violait la convention de Genève et, par là même, perpétrait des crimes de guerre. Ce droit à l’ingérence, nous le pratiquons et le proclamons car les souverainetés nationales ont pour limites naturelles l’application de la Doctrine des Droits de l’Homme.

Vous l’avez deviné, nos missions continueront.
Puissent-elles, comme à Deïr el Kamar, permettre de faire progresser la paix. En libérant à notre demande 1 000 personnes, enfants, vieillards, le leader druze Wallid Joumblatt a compris, après les atrocités de la guerre du Chouf, qu’un geste en faveur des droits de l’homme pouvait concourir à instaurer la paix.

Vos travaux vont pouvoir commencer, vos interventions seront publiées et diffusées. Il s’agit d’un Congrès de réflexion, mais qu’il soit aussi le symbole d’une protestation solennelle contre le sort qui est fait à un militant des droits de l’homme : Medhi Zana, Maire de Diyarbakir.
J’ai reçu, il y a quelques années dans mon bureau, un homme solide, ardent, qui venait en France pour équiper sa ville en moyens de transport en commun. Quelques mois plus tard, il était arrêté, accusé d’avoir eu des contacts avec un groupe qui avait assassiné un policier et un procès inique, sans preuves, s’est déroulé devant une délégation de la FIDH. Le Docteur Dumont notre représentant, a constaté que lorsque le Tribunal s’est levé et que tous les inculpés et avocats se sont levés aussi, Mehdi Zana, lui, est resté assis, voûté sur son banc. Il a pu indiquer que « ses jambes étaient détruites et qu’il n’entendait plus que d’une oreille ».
Aujourd’hui, il est condamné à 24 ans de prison. Son seul crime est d’avoir voulu croire à la pérennité du peuple kurde et d’en avoir refusé l’ethnocide.

Alors, je vous le demande, cette victime, est-elle de l’Est ou de l’Ouest, du Nord ou du Sud ? Qu’importe. Il est tout simplement un homme martyrisé pour ses convictions.
Et c’est en souvenir de l’affection et de la confiance qu’il portait à notre organisation qu’en plaçant ce Congrès sous son égide, nous lui témoignons ainsi notre amitié et notre soutien indéfectibles.

* Président de la FIDH

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