« Les larmes de toutes les nations sont des larmes vraies. » Ernest Renan
« L’unité de la personne ne nuit pas à la différence des natures. » Théodore de Mopsueste
PREFACE
6 août 1945, il y a cinquante ans : Hiroshima. Et le spectre du champignon mortifère a commencé à planer sur la planète : notre humanité allait-elle, tout entière, être l’objet, par l’atome, d’une solution finale ? Aujourd’hui ce danger nucléaire semble écarté. Mais, depuis la chute du mur de Berlin tout particulièrement, une autre atomisation s’est faite jour : des conflits ethniques éclatent partout ; divisions, dispersions, diaspora sont devenus le pain noir quotidien de millions d’êtres humains. Et, nous dit Joseph Yacoub, « le nationalisme est la loi de cette fin de siècle ». Loi d’airain. Où est l’esprit de la Déclaration universelle des Droits de l’homme, cette Déclaration qui aura bientôt un demi-siècle et qui proposait, justement, au-delà des nations, des valeurs universelles ? Il y a du nationalisme à revendre à la fin de ce XX' siècle, à l’aube du troisième millénaire, et chacun se replie sur son pré carré. Or nos contemporains, et parmi eux tout spécialement les jeunes et les femmes, aspirent évidemment à la paix, une paix universelle, une paix qui ne nie pas les particularités mais les promeut, une paix qui ennoblit les frontières pour en faire, non des limites, mais des lieux de rencontre, comme une table conviviale qui sépare et réunit des amis. Joseph Yacoub a raison : « De la question minoritaire dépendra en grande partie la paix de demain. » A nous d’y apporter chacun notre pierre, et à notre manière, pour bâtir cette paix désirée, difficile et possible. S’il existe un instrument international en matière de droits de l’homme du point de vue des minorités, cet instrument magnifique, est encore fragile et se heurte souvent au mur de la souveraineté des États ; il est un autre obstacle que ce mur évident ; c’est la sourde impulsion coconnière qui incite les peuples, les gens de tous les jours, nous, à s’enfermer dans une existence chauvine, repliée sur elle-même. Le livre de Joseph Yacoub nous invite à quitter ce que l’on a appelé justement des « psychoniches », où l’on se réfugie par peur. Ce livre n’est pas seulement un outil, il est une vision, il est une force de proposition. A nous de nous en servir au mieux. Pour créer l’avenir.
Jean-François Six, Membre de la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme, Président du Centre national de la Médiation.
Introduction générale Actualité et acuité de la question minoritaire
Parmi les nombreuses questions apparaissant sur l’arène internationale, qui se posent aujourd’hui dans la majorité des États du monde et qui touchent tous les points du globe, celle qui retient bien davantage l’attention par son actualité, son acuité, son omniprésence, par les divers conflits qu’elle engendre, c’est indubitablement celle des nationalités et des minorités. L’une des plus grandes du XXe siècle, elle a surpris le monde par son ampleur. Question extrêmement complexe et délicate de la société contemporaine, elle s’affirme à nouveau avec autant d’intensité, sinon plus et de façon peut-être aussi dangereuse qu’après les deux guerres mondiales. Question devenue d’ampleur mondiale, embrasant l’humanité entière, les minorités font désormais partie de notre paysage quotidien. En cette fin de siècle, des peuples soumis dont l’existence était masquée par l’histoire dominante, se réveillent. Ils prennent conscience, ressuscitent, émergent et revendiquent eur place dans le concert des nations. Mais les avatars de 'histoire et les vicissitudes de la politique ont fait que ces peuples pour mieux affirmer leur être identitaire et agir, se sont dressés les uns contre les autres. Des minorités aux environs de 7 500, fait très ancien, encadrées dans de nouvelles frontières étatiques (185 États), sont devenues un facteur d’inimitié et de tension entre les États. Dans bien des pays du monde, les pratiques et les mesures discriminatoires, soit pour cause ethnique, soit … |