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Confluences, n° 34: Le nationalisme kurde


Auteur :
Éditeur : L'Harmattan Date & Lieu : 2000, Paris
Préface : Pages : 192
Traduction : ISBN : 2-7384-9072-7
Langue : FrançaisFormat : 160x240 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Plo. Nou. N° 4511Thème : Politique

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Confluences, n° 34: Le nationalisme kurde

Confluences : Méditerranée, n° 34
Le nationalisme kurde

Jean-Christophe Ploquin

L’Harmattan

La lutte armée : une impasse pour les Kurdes, Jean-Christophe Ploquin La question kurde : grilles de lecture, niveaux d'action, Hamit Bozarslan Le nationalisme du poète Koyî, Halkawt Hakim La genèse du nationalisme kurde, Kendal Nezan Les Occidentaux apportent un soutien modéré aux Kurdes, Henri Barkey Med-TV dans le conflit kurde, Isabelle Rigoni Vers la cantonisation du Kurdistan irakien ? Chris Kutschera La capture d'Abdullah Öcalan, Christophe Chiclet Le pouvoir turc multiplie les signaux contradictoires, Gülistan Giirbey L'idéologie officielle turque et la langue kurde, Sabri Gigerli La question kurde dans le cinéma turc, Nicolas Monceau Le mouvement kurde : de la guérilla à la démocratie, Michel Verrier Révélations sur le système Öcalan, Chris Kutschera Ankara au seuil de l'Europe, Entretien avec Daniel Cohn-Bendit Lettre au Premier ministre turc, Leyla Zana L'islamisme turc et la question kurde, Jean-Pierre Touzanne


Actuel
Enfants d'immigrés, enfants de harkis, Laurent Muller

Confluences culturelles : Alexandrie
Alexandrie, parce que... Pierre Grou
La mesure de l'histoire, Jean Guiloineau
Durrell, Tsirkas et Al-Kharrat, Cécile Oumhani
« Une utopie qui s'écrirait au féminin », Corinne Alexandre-Gamer
Alexandrie 1943, Pierre Grou



INTRODUCTION

La lutte armée, une impasse pour les Kurdes

Jean-Christophe Ploquin

Après plus de quinze ans de lutte armée, le leader kurde Abdullah Öcalan a choisi l'an dernier de privilégier le combat politique pour faire valoir les revendications des Kurdes en Turquie. En Irak et en Iran aussi, les Kurdes tentent d’inscrire leurs revendications vis-à-vis du pouvoir central dans le domaine du droit.

De nouvelles perspectives se dessinent depuis dix-huit mois pour les Kurdes, le plus grand peuple sans Etat du Moyen-Orient. Bien que leur destin se partage principalement entre quatre Etats1, une date marquante pour tous a été la capture, le 15 février 1999, du leader du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Abdullah Öcalan, depuis lors condamné à mort par la justice turque. Dans les jours qui ont suivi son incarcération sur l'île-prison d'Imrali, dans la mer de Marmara, des manifestations en Iran, au nord de l'Irak et à travers l'Europe, ont souligné combien sa défaite était durement ressentie par l'ensemble de la communauté kurde, y compris par ceux qui, en son sein, désapprouvent le recours à la lutte armée2.

Son arrestation, qui le prive du contrôle effectif du PKK, a paradoxalement donné plus de retentissement à son discours. Son procès en 1999 a été largement médiatisé par la presse internationale, malgré les contraintes très fortes imposés au travail des journalistes par les autorités turques.

Durant ses plaidoyers, Abdullah Öcalan a appelé son mouvement à l'arrêt de la lutte armée et a prôné une autonomie des Kurdes de Turquie au sein d'un Etat fédéral. Ses appels ont été partiellement suivis d'effet : la plus grande partie des troupes du PKK a quitté la Turquie pour se replier au nord de l'Irak et en Iran. Des opérations années se poursuivent toutefois, soit du fait de dissidences, soit parce que l'exfiltration de groupes implantés en profondeur sur le territoire turc a été rendue impossible par les mouvements des forces de sécurité turques. Ankara ne se considère pas tenue par l'appel au cessez-le-feu d'Abdullah Öcalan et l'état-major turc a encore lancé au printemps 2000 une offensive contre les camps de la guérilla situés au nord de l'Irak3.

Le nouveau discours d'Abdullah Öcalan marque une nouvelle étape dans un processus décrit par Elizabeth Picard, directeur du Centre d'études et de recherches sur le Moyen-Orient contemporain : « Une des caractéristiques des Kurdes dans les années quatre-vingt-dix est précisément de se déplacer de l'espace national et du champ de la lutte armée à l'espace international et au domaine du droit »4. L'évolution est particulièrement manifeste en Iran et en Turquie.

Dans la République islamique, lors des principaux scrutins organisés ces dernières années, les Kurdes ont majoritairement soutenu des candidats perçus comme réformateurs et susceptibles d'introduire un peu de souplesse dans le contrôle très strict imposé par le régime sur cette population. Aux élections présidentielles de 1993, le Kurdistan fut la seule province à voter majoritairement pour Ahmad Tavokoli, seul candidat opposé au président sortant, Ali-Akbar Hachémi-Rafsandjani. Quatre ans plus tard, les Kurdes votèrent massivement pour Mohammad Khatami, l'actuel président, qui avait fait campagne contre le candidat de l'establishment politico-religieux soutenu par le Guide de la révolution, Ali Khameneï, en défendant l'Etat de droit. La tendance se confirme lors des élections locales de février 1999, où des personnalités présentant des revendications à caractères autonomistes, comme le docteur Abdol Momen Mardoukh, sont élues. Lors des élections législatives organisées en février et en mai de l'an 2000, le taux de participation dans la province du Kurdistan5 avec 70,19%, est légèrement supérieur à la moyenne nationale. La plupart des députés font partie du camp des « réformateurs » mais certains sont des indépendants de confession sunnite6.

Après ce scrutin, les deux principaux partis autonomistes, le Parti démocratique du Kurdistan d'Iran (PDKI) et le Komala (marxiste-maoïste), deux mouvements dont les capacités militaires sont très affaiblies, ont proposé par l’intermédiaire du leader kurde irakien Jalal Talabani de commencer des négociations avec Téhéran. Le gouverneur de la province du Kurdistan, Abdollah Ramezanzadeh, une personnalité kurde chiite modérée bien acceptée par la population, a laissé entendre dans la presse qu'il y était favorable.

Début mai, sous l'impulsion notamment d'Abdollah Ramezanzadeh, le Front de la participation, mouvement dirigé par le frère de Mohammad Khatami a en outre décidé de soutenir la candidature d'un sunnite, sans doute un Kurde, pour l'un des postes à la présidence du Parlement.

Enfin, la presse évoque de plus en plus la question kurde, longtemps tabou.
Pour les réformateurs, les revendications des minorités doivent s'inscrire dans le cadre de la politique de démocratisation de l'ensemble du pays. La forte participation des Kurdes aux différentes élections peut signifier leur souhait en retour de jouer la carte d'une démocratisation du pays7. Le PDKI, dont le désir de négociation avec les autorités iraniennes a coûté la vie en 1989 et en 1992 à ses deux principaux dirigeants, privilégie quant à lui clairement une stratégie d'implantation sur la scène internationale.

Au nord de l'Irak, les deux principaux mouvements kurdes, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de Massoud Barzani et l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) de Jalal Talabani, ont dès 1992 inscrit leurs revendications dans le cadre d'un Etat irakien fédéral. Une négociation plus poussée reste toutefois pour l'instant interdite par la nature de l'Etat dans lequel devraient s'inscrire les droits des Kurdes, l'Irak de Saddam Hussein, et par les faiblesses internes du mouvement démocratique dans la région Kurde auto-administrée. Les violents combats des années 1994-96 entre le PDK et l'UPK ont mis fin à l'expérience d'un parlement autonome qui avait été élu sous leurs auspices en 1992. Les deux mouvements se sont engagés, sous la pression de Washington, à restaurer les institutions démocratiques alors mises en place mais ces promesses sont restées jusqu'à présent lettre morte.

En outre, la force militaire reste une condition sine qua non de l'influence de ces deux partis, comme élément de dissuasion d'une éventuelle incursion irakienne8 mais surtout dans le rapport de force établi entre eux ainsi qu'avec le PKK et d'autres mouvements kurdes locaux.
En Syrie, la communauté kurde apparaît aujourd'hui politiquement désorganisée, du fait du contrôle étroit exercé par Damas et par l'expulsion de ce même pays d'Abdullah Öcalan, qui y aura résidé de 1980 à 1998 en canalisant vers ses propres territoires de lutte les aspirations indépendantistes de ses affidés locaux.

C'est donc sans doute en Turquie qu'une nouvelle donne se dessine plus nettement, attentivement observée par l'ensemble de la population kurde au Moyen-Orient et en Europe. Le retrait des troupes du PKK, guérilla fondée sur le culte du chef et qui a fait régner la terreur parmi l'élite kurde, devrait permettre l'émergence de nouveau acteurs politiques. Le choix d'Abdullah Öcalan, toujours reconnu comme le leader du parti par le dernier congrès tenu en janvier 2000, de lutter dorénavant du fonds de sa geôle en faveur d'une démocratisation et d'une décentralisation de la Turquie renforce en outre fortuitement les pressions en ce sens exercées par les pays occidentaux, Etats-Unis et Union européenne en tête. Certes, lorsque de novembre 1998 à janvier 1999, Abdullah Öcalan, réfugié en Italie, a tenté de trouver un asile durable en Europe occidentale, les quinze Etats membres de l'Union européenne, en le lui refusant, ont clairement manifesté leur souci de cantonner la question kurde à sa dimension moyen-orientale. Mais en acceptant le 11 décembre 1999 au sommet d'Helsinki de reconnaître le statut de candidat à la Turquie, l'Union européenne a explicitement lié toute avancée future notamment à la démocratisation du pays et au respect du droit des minorités9. Le gouvernement turc a immédiatement réaffirmé que la Turquie n'entendait pas se laisser dicter ses choix politiques. Mais la décision d’Helsinki a été analysée par bon nombre de leaders kurdes comme une brèche dans l'idéologie kémaliste du régime d'Ankara, par laquelle pourraient être propagée et renforcée des notions comme la décentralisation administrative et culturelle de l'Etat, la reconnaissance de la complexité ethnique de la Turquie, la défense des droits de l'individu face à l'Etat, le contrôle de l'armée par les institutions civiles. Ces options font déjà l'objet de vifs débats dans la société civile, la presse et les milieux culturels d'Istanbul ou d'Ankara mais aussi dans la structure politico-militaire turque depuis une dizaine d'années. Signe récent d'une évolution positive, au regard des canons occidentaux : le parlement d'Ankara a élu le 5 mai 2000 comme nouveau président de la République, Ahmet Necdet Sezer, alors président de la Cour constitutionnelle. Ce juriste intègre, qui est entré en fonction le 17 mai, s'était signalé l'année précédente par une critique virulente des lenteurs de la démocratisation, demandant la révision de la Constitution turque élaborée deux ans après le dernier coup d'Etat militaire de 1980. En 1995, il avait regretté l'instauration aux élections législatives, d'un seuil national de 10% en-dessous duquel les partis politiques ne pouvaient être représentés au Parlement, une mesure qui visait principalement le parti pro-kurde HDP.

Si les leaders politiques kurdes faisaient le choix d'inscrire leur combat au sein d'un combat démocratique plus large, en Turquie, ils pourraient toutefois être confrontés à un dilemme : l'effacement de leur revendication initiale d’une reconnaissance de l'identité nationale kurde. « La promotion des droits civiques s'accommode mal de l’enfermement dans un cadre communautaire et de la défense des droits spécifiques d’une minorité, affirme ainsi Elizabeth Picard. Idéalement, l’octroi d’un statut particulier d’autonomie devient superflu lorsque chaque individu est en mesure de s'autodéterminer et d'accéder sans médiation à la sphère publique »10.

L'évolution de la question kurde en Turquie est en tout cas d'une grande importance pour l'Europe et pour le Moyen-Orient. Elle aura des répercussions sur les centaines de milliers de Kurdes à passeport turc vivant déjà à l'intérieur de l'Union européenne — dont 500 000 en Allemagne — dont la sensibilité à la situation en Turquie n'est plus à démontrer. Elle conditionne en outre largement l'évaluation que fera l'UE de la candidature de la Turquie et plus largement de ses relations avec ce grand pays musulman.

Au Moyen-Orient, le conflit kurde a été durant tout le vingtième siècle, et particulièrement depuis les années 70, cm facteur de déstabilisation des jeunes Etats-nations que sont la Turquie, l'Irak et la Syrie ainsi que de l'Iran. Les régions à majorité kurde sont traversées par des axes commerciaux et pétroliers potentiellement importants, du Caucase et de la mer Caspienne vers le golfe Persique et la mer Méditerranée, ainsi que du golfe Persique vers la Méditerranée. Le recours à la force militaire par les guérillas kurdes et' par les Etats qu'elles affrontaient a en outre contribué à enraciner une culture de la violence bafouer les droits les plus élémentaires des populations civiles, violant les droits de l'homme et encourageant des pratiques mafieuses.

Jean-Christophe Ploquin.

Notes :
1. Aucune statistique fiable n’existe sur le nombre de Kurdes au Moyen-Orient. Le dernier recensement irakien à base communautaire remonte par exemple à 1957. Les Kurdes seraient de 12 à 15 millions en Turquie (sur une population de 65 millions d’habitants), 6 à 7 millions en Iran (sur 66 millions), 4à5 millions en Irak (sur 22 millions) et 800.000 à un million en Syrie (sur 15 millions). Hamit Bozarslan, dans La question kurde, Etats et minorités au Moyen-Orient, Presses de sciences po, 1997, propose une grille d'analyse originale en comparant dans ces quatre Etats le poids relatif des Kurdes et celui du groupe ethno-religieux politiquement dominant. Selon ses données, en Turquie, les Kurdes représentent 20% de la population contre 80% pour les Turcs; en Iran, ils sont 13% contre 40% pour les Perses; en Irak, ils sont 20 à 25% contre 11 à 15% pour les Arabes sunnites; en Syrie, ils sont 7,5% contre 12% pour les Alaouites.

2. « Des Kurdes irakiens, au vu des masses qui défilaient dans les rues de Suleymanieh et d'Erbil, remarquaient avec quelque amertume qu'en se faisant attraper par les Turcs, Öcalan était devenu un symbole national plus important pour les Kurdes d’Irak que leurs propres leaders », rapporte Martin van Bruinessen dans « Une question kurde plus épineuse que jamais », Critique internationale, n°4, Eté 1999.

3. Selon le gouverneur en charge des provinces placées en état d'urgence, Gokhan Aydiner, il restait début mai environ 600 combattants du PKK en Turquie, Turkish daily news, 18 mai 2000.

4. « Les Kurdes et l'autodétermination, une problématique légitime à l'épreuve des dynamiques sociales », Revue Française de science-politique, volume 49, juin 1999. Elizabeth Picard a par ailleurs dirigé l'ouvrage La question kurde, Editions complexe, 1991.

5. La province administrative du Kurdistan ne représente qu 'une petite portion des territoires peuplés de Kurdes en Iran.

6. Les Kurdes sont majoritairement sunnites tandis que l’islam officiel en Iran est le chiisme.

7. L'auteur remercie Siavosh Ghazi, correspondant de Radio-France internationale et du quotidien La Croix, pour ses éléments d'information.

8. Le facteur qui rend toutefois très improbable cette hypothèse n'est pas le potentiel militaire des Kurdes irakiens mais l’interdiction de survol du nord de T Irak faite dès 1991 à l'aviation irakienne dans le cadre de l'Opération Northern watch à laquelle participent quotidiennent des avions américains et britanniques décolant de la base turque d'Incirlik.

9. Lire les conclusions de la présidence sur le site internet de l’Union européenne : www.euro-pa.eu.int

10. Opus cit.



La question kurde : grilles de lecture, niveaux d'action

Hamit Bozarslan

Les termes du débat sur la question kurde sont largement déterminés par deux grilles de lecture, émanant des protagonistes : les Etats et la mouvance nationaliste kurde.

La lecture des Etats est étroitement liée à une vision autoritaire du politique que partagent la quasi-totalité des régimes du Moyen-Orient. L'Etat, en tant que catégorie abstraite, est considéré comme l'incarnation d'une nation historique et unitaire. Le politique, à son tour, est entendu comme une guerre1, qui constitue, dans son interprétation la plus radicale, le « terrain le plus vaste, le plus complet et le plus sûr pour l'épanouissement de nos dons, de nos capacités et de notre héroïsme »2. Cette représentation qui départage le Bien et le Mal ainsi sécularisés, a pour conséquence de criminaliser les clivages linguistiques, confessionnels et politiques et de les assimiler à l'inimitié ou au hurudj (« abandonner / trahir la communauté »)3. Les groupes refusant les termes identitaires qui leur sont imposés par cette nouvelle liturgie officielle se soustraient ainsi à la nation et acceptent dès lors de subir le sort réservé à l' « ennemi ».

Comme le suggère Omar Carlier, cette hantise unitaire puise dans un double paradigme normatif et le reproduit en retour : paradigmes jacobin (indivisibilité de la nation) et religieux (tawhid, autrement dit, impératif d'unité)4. Ses conséquences sont lourdes dans la mesure où à la double culture du passé, religieuse (fraternité de la ’umma sans distinction ethnique) et impériale (multiplicité des composantes linguistiques et confessionnelles) elle substitue l'idée neuve d'une nation fraternelle, mais culturellement, sinon ethniquement, homogène.

Il reste que, comme les autres Etats, les Etats moyen-orientaux sont le produit de l'histoire, autrement dit, des rapports de force. Ils disposent chacun d'un territoire délimité, mais leurs actes de propriété sur ces espaces, acceptés comme légaux par le droit international, ne sont pas nécessairement reconnus comme légitimes à l'intérieur. Ils ne peuvent le devenir que s'ils sont admis comme tels par un droit coutumier inscrit dans une durée historique, qui permettrait de « nationaliser » l'espace ; cela ne peut être obtenu que par l'homogénéisation du territoire en termes identitaires et par la mise au ban des affiliations multiples héritées de l'histoire, seules susceptibles de remettre en cause la légalité de l'acte de propriété5.

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