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Les philosophes et traducteurs Syriaques


Auteur :
Éditeur : L'Harmattan Date & Lieu : 1997, Paris
Préface : Pages : 204
Traduction : ISBN : 2-7384-5508-5
Langue : FrançaisFormat : 135x215 mm
Code FIKP : Liv. Eng. You. Phi. N° 3913Thème : Philosophie

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Les philosophes et traducteurs Syriaques

Les philosophes et traducteurs Syriaques

Ephrem-Isa Yousif


L’Harmattan


L'auteur nous raconte l'Odyssée des philosophes syriaques qui, pendant plus de mille ans, du IIe au XIVe « siècle s'élancèrent à la recherche de la philosophie des Grecs, et principalement de celle d'Aristote. Ces Syriaques étaient des héritiers des anciens Assyriens, des Babyloniens et des Araméens. Ils parlaient le syriaque, idiome de l'araméen. Ils traduisirent, enseignèrent la pensée philosophique grecque et provoquèrent en Mésopotamie et en Orient son essor et son succès. Phénomène remarquable, ils réalisèrent la transmission de ce patrimoine au monde arabe. Ce dernier prit le relais pour le faire passer en Occident.


Ephrem-Isa Yousif est originaire de Sanate, un village situé au nord de l'Iraq. Il a commencé ses études à Mossoul et les a poursuivies à l'université de Nice. En 1980, il a obtenu un doctorat en civilisations et un autre en philosophie. Dès 1981, il a enseigné la philosophie, la langue et la littérature arabes à Toulouse. Aujourd'hui, il donne des cours dans la région parisienne. Il est membre d'une équipe de recherches sur le monde méditerranéen et oriental ERNOM, à l'université Paris-X.



PRÉFACE

Pendant plus de mille ans, du Ilème au XlVème siècle, la grande Mésopotamie se couvrit d'une floraison de philosophes syriaques. Ils s'élancèrent avec l’ardeur du désir vers la lumière du savoir. Ce fut une explosion de talents printaniers, comme un feu d'artifice et son bouquet final qui illumina le ciel d'Assur et de Chaldée.

Mais qui étaient ces Syriaques ? Les héritiers des antiques Assyriens, des Babyloniens et aussi des Araméens venus s'installer en Syrie et en Mésopotamie, le “pays entre les deux fleuves”. En effet, le Tigre et l'Euphrate l'irriguaient avec générosité. Ils descendaient respectivement des monts du Taurus et des hauts plateaux de l'Arménie.
Ces héritiers parlaient le syriaque, dialecte de l'araméen. Ils en firent une langue culturelle et scientifique.

Dès les premiers temps de notre ère, les Syriaques se convertirent au christianisme. Edesse et sa région furent des foyers d'évangélisation active.
Au Vème siècle, ce christianisme se divisa en deux branches : Les Syriaques orientaux ou “nestoriens” et les Syriaques occidentaux ou “jacobites” (1 ).
Sous les Sassanides (224-651), conquérants de la Mésopotamie, les chrétiens syriaques subirent des persécutions ; mais leur zèle missionnaire et leur ferveur ne se refroidirent pas et les poussèrent vers l'Inde et la Chine.

Très tôt, les Syriaques commencèrent à recueillir, à traduire, et à promouvoir la pensée et la philosophie grecques. Celles-ci étaient mises à mal dans le monde byzantin à cause des querelles religieuses et d'une certaine méfiance envers la “philosophie païenne”.
Après la conquête de la Syrie, de la Palestine, de l'Egypte et de la Mésopotamie par les Arabes (634-644), les Syriaques transmirent ce savoir grec aux nouveaux occupants, fis l'enseignèrent, l'exploitèrent. Sans eux, qu'en serait-il advenu ? L'ombre d'Aristote aurait-elle tardé davantage à visiter la terre ?

Puis au XHIème siècle, les premiers Mongols arrivèrent en Mésopotamie. Quelques tribus avaient été converties au christianisme nestorien. Malgré les prises de villes et les violences, plus d'un savant syriaque brilla à cette époque troublée.
Avec les premières croisades, les Occidentaux avaient découvert l'Orient, ses couleurs fortes, ses parfums épicés, ses douceurs capiteuses, ses passions.

Commerçants, diplomates, missionnaires, et bien plus tard, scientifiques et archéologues, attirés par cet Orient plus ou moins mythique qui les fascinait, se précipitèrent à la poursuite d'un rêve étincelant de clartés roses...
Le rabbin espagnol Benjamin de Tudèle (+ vers 1173), le vénitien Marco Polo (1254-1324), l'italien Pietro délia Valle (1586-1652), le français Jean-Baptiste Tavemier (1605-1689), le géographe allemand d'origine danoise Carsten Neibuhr (1733-1815), tous nous laissèrent des récits étonnants de leurs voyages au Levant. Mais la conscience que l'Occident avait de l'Orient demeurait trop vague.

Aussi des savants, au XVHIème et au XIXème siècles se mirent-ils à la recherche d'objets, d'inscriptions, d'informations ou de connaissances contenues dans les manuscrits anciens. Ce fut avec une surprise émerveillée qu'ils découvrirent ceux-ci dans les églises, les couvents et même chez les particuliers. Certains textes étaient rédigés en syriaque et traitaient de la philosophie. Les explorateurs les achetèrent, désireux de les mettre bientôt à la disposition des érudits dans les bibliothèques de Paris, de Berlin, du Vatican, de Chicago et autres villes.

Et parmi ces hommes qui jouèrent un rôle si important se trouvait un Libanais maronite, natif de Tripoli, Yousif Assemani (1687-1768). Envoyé en mission par le pape en Syrie, en Égypte et dans l'empire ottoman, il avait, lui aussi, collecté des manuscrits syriaques. Après bien des péripéties, il en ramena un grand nombre, par voie de mer, en Italie.

Dans la Ville Étemelle, Assemani travaillait alors comme conservateur à la Bibliothèque Vaticane. H inventoria les nouveaux ouvrages, les catalogua. Il rédigea en plusieurs volumes la “Bibliothèque Orientale”, source d'études ultérieures fécondes.
Après sa mort, des Maronites de culture syriaque, et d'autres savants promurent la recherche, surtout dans les domaines théologique et biblique. Le mouvement philosophique fut plutôt négligé.

Il me semble utile de l'envisager en me basant sur les traités et les chroniques syriaques. Je ne citerai ici que les plus célèbres :
La Chronique de Jacques d'Edesse (+ 708), le polygraphe, qui reprit l'histoire d'Eusèbe de Césarée.

La Chronique Syro-orientale d'Elie de Nisibe (+ 1043). Ce métropolite très fécond était originaire de Sinn, au confluent du Tigre et du petit Zab, centre d'un évêché, mais il résida longtemps à Nisibe. Il rédigea en arabe et en syriaque vers 1019, cet ouvrage.
La Chronique de Seert (1020).
La Chronique de Michel le Syrien (+ 1199), le patriarche d'Antioche pour les Syriens occidentaux.

La Chronique syriaque et ecclésiastique de Bar Hebraeus (+ 1286), grand savant qui vécut à l'époque mongole.
Enfin, une autre composition, le Catalogue d'Abdisho de Nisibe (+ 1318) m'a fourni une mine de renseignements sur les travaux de nombreux Syriaques.
Je me suis inspiré aussi des grands historiens et géographes arabes et des travaux des orientalistes.

Je suis un Assyro-Chaldéen (2). J'appartiens au peuple syriaque dont le destin fut, à certains moments, tragique. Il vécut au sein des empires, dans une conjoncture politique plus ou moins favorable. Pour garder son identité, il entra parfois en conflit avec les maturités régionales. Les événements de cette fin du XXème siècle, guerre Iran-Irak, guerre du Golfe, problème kurde, le déstabilisèrent à nouveau.

Depuis mon adolescence, je suis devenu l'ami et l'admirateur de tous les écrivains et philosophes qui, dans le passé, ont oeuvré à la création d'une brillante culture syriaque. Us ont iUustré le génie particulier de leur peuple.
Ces grandes figures, regardez-les maintenant sortir une à une de la douce nuit orientale. Je vous guide vers elles...

(1) Voir glossaire.
(2) Voir glossaire.



Chapitre I

L’apport de la Mésopotamie

La philosophie est l’amour de la sagesse et de la connaissance. Elle put prendre un tel essor chez les Syriaques grâce à l’héritage des anciens peuples de la Mésopotamie.
Dès le Illème millénaire avant Jésus-Christ, les Sumériens et plus tard les Babyloniens et les Assyriens s’étaient forgé une cosmologie et posé le problème de la condition humaine :
Comment l’univers avait-il été créé ?

Quelle était la nature de l’homme ? Ses qualités, ses défauts ?
Pouvait-on comprendre les agissements des dieux ?
Quel sens prêter à la vie, à l’amitié ?
Comment expliquer la souffrance imméritée ? les inégalités sociales ?
Comment échapper à la mort ?

Plusieurs questions venaient déjà à l’esprit de Gilgamesh, le roi d’Uruk (l'Erech de la Bible) (1), le héros de la célèbre épopée. Pour y répondre, les mésopotamiens faisaient jaillir de leur imagination des récits, des fables, des mythes, et offraient “ une philosophie en images ” selon la formule de Jean Bottero (2).

Cette philosophie était d’abord une sagesse ; et par sagesse il fallait entendre une habileté, une compétence dans les domaines liturgiques et magiques et dans la conduite de la vie quotidienne. Puis cette connaissance s'élargissait, elle abordait les problèmes philosophiques, éthiques et religieux. Elle reflétait la société …

(1) Uruk, ville de la Basse-Mésopotamie.
(2) Jean Bottero, Initiation à l’Orient ancien, Ed. du Seuil, 1992 ; p. 266.




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