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Femmes Soufies


Auteur :
Éditeur : Entrelacs Date & Lieu : 2011, Paris
Préface : Pages : 334
Traduction : ISBN : 978-2-908606-65-2
Langue : FrançaisFormat : 140x220 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Sul. Fem. N° 4691Thème : Religion

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Femmes Soufies

Femmes Soufies

Abd al-Rahmân al-Sulamî

Entrelacs

À la fois hagiographe, érudit et maître spirituel, Abû Abd al-Rahmân Al-Sulamî est l’auteur d’une centaine de traités sur la spiritualité soufie, dont Tabaqât al-Sûfiyyah, une encyclopédie biographique dédiée aux maîtres soufis, œuvre maîtresse qui le rendit célèbre. Issu d’une famille d’initiés, Sulamî est une des sources essentielles pour la connaissance de la spiritualité des Xe et XIe siècles (IIIe et IVe siècles de l’Hégire).
Cette première traduction d’un traité phare de Sulamî demeuré longtemps inédit, y compris en langue arabe, constitue le document le plus ancien connu sur les femmes soufies, indispensable à quiconque veut connaître la spiritualité féminine des premiers siècles de l’Islam. Ce texte est aussi un recueil d’enseignements des plus précieux dont la validité et la force demeurent, en dépit des siècles, d’une permanente actualité. Composé de 84 notices sur les principales saintes musulmanes, il met à jour le rôle décisif quelles ont joué dans l’élaboration de la tradition islamique elle-même. Enrichi d’extraits de deux importants traités, Sifat al-Safiva d’Ibn al-Jawzî et Al-Kawâkib al-durrîya de Munâwî, qui achèvent de donner une image claire de ce qu’étaient certaines de ces saintes, ce traité est également accompagné d’un grand ensemble de notices sur les différents maîtres spirituels mentionnés au cours de cet ouvrage.
La postface de Michel Chodkiewicz, étude remarquable sur « la sainteté féminine dans l’hagiographie islamique », dresse un panorama de celle-ci au fil des siècles et permet au lecteur de situer ce traité au sein de la civilisation islamique. Il nous rappelle que, de tous temps, les femmes ont accédé aux plus hauts degrés de la hiérarchie initiatique.



INTRODUCTION

Par ‘Abd al-Rahmân Andreucci

Soufisme et sainteté féminine

Situation et place de la femme en islam

Malgré la représentation croissante des femmes dans la société occidentale contemporaine, force est de constater qu’avant l’essor de la modernité, les diverses civilisations ne leur ont jamais, ou peu s’en faut, accordé une place prépondérante, du moins extérieurement. En Occident même, rares sont les femmes qui ont « marqué l’Histoire » de leur empreinte, l’art, la philosophie, etc. Dans le domaine religieux, s’il est vrai que le catholicisme a connu et reconnu de nombreuses saintes, celles-ci sont toujours minoritaires par rapport à leurs homologues masculins, et n’occupent pas un rôle aussi important qu’eux dans l’hagiographie chrétienne. On peut dire que l’islam, s’il est plus explicite dans sa reconnaissance faite au « sexe faible », ne déroge pas à cette règle, et, ici comme ailleurs, les femmes ne doivent souvent leur passage à la postérité qu’à l’ombre protectrice d’un homme célèbre. Sans vouloir avancer de raisons « psychosociologiques » à ce phénomène, on pourra remarquer que ce serait aller un peu vite en besogne que faire de cette discrétion des femmes dans les civilisations traditionnelles une mise au ban systématique de celles-ci. L’anonymat n’implique aucunement le malheur, surtout dans une société dont un des buts avoués est la transmission (traditio) de données impersonnelles, à la confection desquelles l’être humain en général n’est censé avoir aucune part. Que les femmes n’aient - (ou n’aient eu), en Orient comme dans l’Occident médiéval, que peu de place dans le « domaine public » ne signifie pas forcément que leurs « droits » soient bafoués, ni même, paradoxalement, que leur rôle n’en soit pas d’autant plus important.

Le Coran, considéré par les musulmans comme la Parole divine elle-même, affirme très clairement, à la suite des autres textes sacrés, la « supériorité » intrinsèque de l’homme sur la femme. Évidemment, cette affirmation, qui passera auprès des lecteurs modernes pour la manifestation d’un vil obscurantisme, n’est en aucun cas un blanc-seing fourni aux mâles de telle ou telle civilisation pour oppresser à loisir leurs épouses ou les femmes qui les entourent. Elle manifeste en fait la conception traditionnelle des rapports entre les deux sexes dans leur principe, où la masculinité, considérée comme « antérieure » à la féminité, et comme la source directe de celle-ci, entretient un rapport hiérarchique avec elle, analogue à celui existant entre le Créateur et sa création. De là, les relations sociales entre hommes et femmes se trouvent calquées sur ce modèle idéal qu’elles tentent de reproduire afin de se conformer à l’ordre divin des choses, ordre dans lequel chaque chose a une place qui lui convient. L’islam se présente comme l’ultime manifestation de cette conception commune à la plupart les civilisations connues.

Apparue dans le monde polythéiste de la péninsule arabique où les femmes étaient la cible de traitements terriblement féroces, une des grandes originalités de la nouvelle religion fut de proscrire ces derniers et d’attribuer à la gent féminine une place qui n’était pas seulement décente, mais même incomparablement valorisante, y compris lorsqu’on la met en regard de celle qu’elle tenait au sein des deux autres religions « du Livre » à l’époque. Malgré cela, ce nouveau statut reste, comme nous l’avons dit, à l’image de la féminité in divinis, donc sous l’autorité « céleste » de la masculinité. En effet, la supériorité masculine étant considérée comme inhérente à sa propre définition, aucun changement extérieur ne pouvait venir remettre en cause cet état de fait. Cela dit, en plus d’une organisation sociale donnant aux femmes une situation plus enviable que celle qu’elles auraient pu espérer à l’époque, et plaçant ainsi des limites aux maltraitances perpétrées par les hommes, la morale muham-madienne engage à un respect sans faille pour les femmes qui, s’il ne constitue pas une obligation « légale » pour tout musulman, n’en est pas moins regardé comme la meilleure attitude possible à leur égard. A contrario, le mauvais traitement (qui n’est pas, précisons-le, forcément synonyme de violence physique1) infligé à une épouse, une fille, etc., est regardé comme avilissant, et ce quand bien même il serait commis dans les limites permises par la loi islamique.

Chaque catégorie d’être a donc son rang dans un ordre conforme à la Volonté divine. Dans cet ordre, les femmes occupent, selon l’islam, une place qui leur impose la discrétion, symbolisée par le voile dont elles sont tenues de se recouvrir tout le corps en présence d’« étrangers » (on désigne ainsi ceux qui ne font pas partie de la maisonnée constituée par le père, les frères, le mari, etc.). Ce devoir de dissimulation, comme on peut le constater, renverse les rapports symboliques entre les sexes, puisque l’homme devient alors, dans la famille, le représentant extérieur d’un intérieur secrètement gardé, dont les femmes apparaissent comme les tenantes. Ce « secret » manifeste, par sa celation même, la transcendance divine, par définition inaccessible aux regards. Dans tous les cas, la hiérarchie des sexes est considérée du point de vue principiel, comme délimitant un domaine propre aux uns et aux autres. C’est à l’intérieur de celui-ci que pourra se. déployer l’excellence de chacun du point de vue religieux. Ainsi, une épouse s’acquittant …

1. La « soumission » de l’épouse au mari, de la fille au père, etc., doit sans doute s’entendre plus comme la conformité des vues spirituelles de la femme avec celles de l’homme, que comme un accomplissement forcé de basses œuvres (seule conception qui vienne à notre esprit de nos jours). En atteste d’ailleurs le fait que le Prophète (sur lui la grâce et la paix), le « bel exemple » (selon les termes de Cor., 33, 21) de tous les musulmans - est connu pour s’être toujours acquitté des tâches ménagères afin d’alléger la peine de ses épouses. Ainsi, bien que chaque être ait un rôle déterminé dans la vie sociale de la famille, les directives religieuses se rapportent avant tout à 1’« esprit » qui doit naturellement occasionner le bon accomplissement de la « lettre ».




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