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Les Syriaques racontent les croisades


Auteur :
Éditeur : L'Harmattan Date & Lieu : 2006, Paris
Préface : Pages : 352
Traduction : ISBN : 2-296-01286-8
Langue : FrançaisFormat : 160x240 mm
Code FIKP : Liv. Fre. You. Syr. N° 725Thème : Religion

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Les Syriaques racontent les croisades

Les Syriaques racontent les croisades

Ephrem-Isa Yousif


L’Harmattan


Trois chroniqueurs syriaques ont écrit un récit des croisades dans la langue de leur peuple, le syriaq, dialecte araméen. Les communautés syriaques virent de nombreuses bourgades et villes en Syri et en Haute Mésopotamie détruites par les belligérants et leur position affaiblie.
Michel le Grand, l’Édessénien anonyme, Bar Hébraeus nous ont livré des textes originaux, inédits, qui présentent une vision différente et plus objective des événements, dans un souci de justice et de rarité. Elle diffère parfois de celle des chroniqueurs latins, byzantins et arabes.
Ces chroniqueurs vécurent à une époque troublée et furent témoins des grands événements qui se déroulerent en Syrie-Palestine du XIème siècle au XIIIème siècle. Ces hauts faits trouvent encore un écho passionné d l’opinion aujourd’hui.
A la lecture de ce livre, beaucoup de préjugés, de partis pris risquent de disparaitre. L’on découvre d’autre vérités.


Ephrem-Isa Yousif, originaire de Sanate, un village assyro-chaldéen du nord de l’Irak, est l’auteur de plusieurs livres sur la Mésopotamie et sur la culture syriaque. Diplômé de l’université française où il obtint un doctorat de Philosophie et un doctorat de Civilisations, il a enseigné la philosophie pendant de nombreuses années à Toulouse. Aujourd’hui, il donne des cours et des conferences dans divers pays. Il a publié des ouvrages comme Les Chroniquers Syriaques et La Floraison des Philosophes syriaques.



INTRODUCTION

Les croisades sont d’une grande actualité. De nombreuses études, des ouvrages savants, des romans, des articles, évoquent le premier pèlerinage armé qui s’ébranla, il y a neuf siècles, et les expéditions outre-mer qui suivirent. Des films ravivent les mémoires. La figure ardente et pieuse de Godefroy de Bouillon brille encore ; celle de Saladin, le conquérant kurde, l’unificateur d’une grande partie du Proche-Orient, le champion emblématique d’un Islam puissant, fascine et attire. Son tombeau à Damas est très visité.

En France, comme dans d’autres pays européens, les manuels scolaires, s’appuyant sur les récits des chroniqueurs occidentaux, présentèrent les croisades comme des guerres justes. Ils en firent une geste, exaltant la magie des héros qui s’identifiaient à une noble cause, la délivrance de Jérusalem, magnifiant leur générosité, leur dynamisme, leurs victoires. Il fallut attendre le siècle des Lumières, pour que des écrivains, tel Voltaire, dénonçassent la brutalité, la violence, l’intolérance de ce cycle épique regorgeant de tués.

Les auteurs musulmans du Moyen-âge virent dans la croisade deux forces qui cherchaient à s’imposer, à occuper le territoire, plutôt que deux civilisations prêtes à s’entrechoquer. Dès le XIVème siècle, le monde musulman, arabe ou turc, oublia presque les luttes des Francs, établis sur une bande côtière du littoral méditerranéen, contre les sultans, les émirs. Il négligea les traces de ces événements épisodiques. Au XIXeme siècle et au XXemc siècle, il commença à se réveiller politiquement et religieusement, lors des mandats confiés à l’Angleterre et à la France pour administrer certains États ou territoires, et de la décolonisation. Depuis, il est revenu sur cette page d’histoire, l’a actualisée.

Ces deux visions des événements, soit pour encenser les croisés, soit pour les accabler, dénoncer leurs fureurs épicées, leur démesure, manquent de nuances. Je veux divulguer un autre point de vue, celui des chroniqueurs syriaques qui me paraît plus objectif, plus impartial. Michel le Grand, l’Édessénien anonyme et Bar Hébraeus vécurent à cette époque-là et relatèrent l’aventure des croisades, qui toucha les chrétiens syriaques. Leurs textes, peu connus du grand public et souvent inédits, apportent au lecteur moderne un autre éclairage.

Les Syriaques …, en arabe …, formaient un peuple, une nation, avec son histoire, sa religion chrétienne, sa culture, sa langue, l’araméen syriaque. Ils ne réussirent pas à créer un royaume terrestre, un État avec une administration, une armée, comme les Arméniens ou les Grecs.
Au V6”16 siècle, ils se divisèrent en deux branches. Les Syriaques orientaux dits « nestoriens » s’étaient établis surtout en Mésopotamie et en Iran. Les Syriaques occidentaux comprenaient les « jacobites » qui résidaient en Syrie, en Haute Mésopotamie, et les maronites du Liban.
Les Syriaques vécurent en Orient, au sein des grands empires, sur des terres battues par les vents. Au fil des siècles, ils virent arriver de multiples invasions, ils subirent, vague après vague, les assauts des cavaliers grecs, romains, perses, arabes, turcs seldjoukides, et plus tard, les offensives des Mongols.

Ils connaissaient peu les Francs venus des contrées lointaines d’Europe occidentale quand, à la fin du XI6ème siècle, ils débarquèrent en Syrie et en Palestine, résolus à se battre contre les
Musulmans, pour la délivrance du tombeau du Christ à Jérusalem.

Les chroniqueurs syriaques rapportèrent les exploits des barons francs, bardés de fer : attaques des piétons pour enfoncer l’adversaire, volées de flèches et de javelots, corps à corps, galops et charges des cavaliers, éclairs des heaumes et des épées, éclats blancs des lances. Ces hommes ne craignaient pas la mort, la regardaient en face ; certains s’y brûlaient. Les Francs fondèrent en Terre sainte des royaumes, des principautés, des comtés, construisirent un réseau de forteresses qui assuraient la sécurité des pays. Entre deux batailles, ils s’enivraient des doux parfums des roses de Syrie, des jasmins, de l’odeur amère des citrons et des bigarades.

Les Syriaques, qui vivaient entre deux camps, relatèrent les premières tentatives des Musulmans pour combattre les Francs après leurs premiers succès. Ils consignèrent les défaites mais aussi les victoires des Turcs seldjoukides, ortuqides, zengides, des Kurdes ‘ayubides. Ils n’omirent pas de signaler les coalitions franco-musulmanes, entre les rois de Jérusalem, les barons et quelques émirs.

Les chroniqueurs brossèrent, au fil des pages, les portraits des grands champions des deux camps, entraînés dans des combats incessants, comme Bohémond de Tarente, Tancrède, Baudouin de Boulogne, Baudouin IV, Nur al-Din, Richard d’Angleterre, Saladin, APAdil, al-Kamil, Louis IX. Ils notèrent leurs hauts faits, donnèrent une nouvelle lecture de leurs destins. Il y avait des hommes valeureux, chevaleresques dans les deux camps, chacun défendant, pensait-il, une noble cause.

Les Syriaques écrivirent encore des histoires de provinces, de glorieuses cités qui ne dormaient jamais : Jérusalem, sa fameuse église du Saint-Sépulcre, sa mosquée d’Omar, ses jardins où chantaient dés jets d’eau cristallins ; Acre, qui foisonnait de riches marchandises, de perles et d’or.

Tyr avait son port, sa belle corniche, son imposante muraille teintée de pourpre au soleil couchant, et ses champs de canne à sucre, dans les environs. Damas s’enorgueillissait de sa mosquée Omeyyade, de ses armes aux lames ouvragées, de ses roses et de ses savons. Tripoli avait ses vergers fleuris et sa forteresse. Ville de plaisirs, Antioche se vantait de ses remparts, de ses brocarts, de sa douceur ; les langues, les cultures, les religions s’y côtoyaient.

Alep s’endormait à l’ombre de sa fameuse citadelle. Édesse, avec ses sources curatives et ses bruissantes fontaines, son école, ses monastères était la « parure » des Syriaques. Mossoul restait célèbre pour ses vieilles églises, sa mosquée penchée, ses jasmins, son naphte, ses fins tissus de mousseline, arrivés à la foire de Ratisbonne, en Bavière, vers 1250.

La dernière chronique syriaque, celle de Bar Hébraeus, raconte l’arrivée des Mongols et la reconquête par les Mamelouks des terres du littoral. Les Francs qui échappèrent à la défaite et au massacre s’enfuirent vers la mer, sous des cieux gouachés de bleu dur, de violet, zébrés de flèches et d’éclairs. Seigneurs et chevaliers qui poursuivaient du zénith au nadir, un féodal rêve d’Orient, s’étaient maintenus en Terre sainte pendant deux cents ans.

Les chroniqueurs syriaques ne consacrèrent pas de chroniques particulières à la croisade, aventure spirituelle et œuvre politique, ils insérèrent les fils brillants et colorés de cette épopée dans la trame de leur propre histoire. Ils ne la virent pas sous l’angle d’une fracture entre l’Orient et l’Occident, au sens habituel de ces termes. Selon le texte du grand patriarche d’Antioche, Denys de Tell-Mahré (818-845), repris par notre chroniqueur Michel le Grand, l’Orient désignait pour eux les régions situées à l’est de l’Euphrate ; l’Occident celles qui s’étendaient à l’ouest du fleuve, jusqu’aux confins de la Palestine.

Les Syriaques n’utilisèrent pas les mots « croisades », « croisés », ils préférèrent parler de passages, d’« exodes » des Francs, de voyages Outre-Mer. Ils ne les numérotèrent pas. Pour leurs communautés, ils écrivirent dans leur langue, avec leurs styles, leur zèle et leur amour, des récits qui procédaient par années et donnaient à certains événements contemporains les tons nuancés du souvenir.

Pour transmettre les événements dans leur succession, les chroniqueurs syriaques établirent une chronologie, parfois différente de celle des sources occidentales, ils combinèrent plusieurs computs. Héritiers de la Mésopotamie, ils utilisèrent volontiers, «pour la couleur des idées et la graine du raisonnement », le calendrier syriaque qui commençait le Ier octobre 312 avant J.-C.
Avertissement au lecteur !

Il ne faut pas repeindre aux teintes de la modernité les siècles passés, les voir avec notre regard d’aujourd’hui. Nos jugements peuvent être abusifs.
Les acteurs de ces croisades, ni meilleurs ni pires que les autres, n’avaient pas nos cadres de pensée, nos mentalités, nos valeurs. Ils ne voyaient pas, ils ne vivaient pas le monde à notre façon.

Autre point important, les adversaires des barons francs lors des croisades fiîrent surtout des sultans et émirs turcs, kurdes, et des Mamelouks.



Les trois voix

Qui étaient ces chroniqueurs, régnant depuis plus de sept siècles sur l’intelligence et le cœur des Syriaques, retenant la mémoire et la musique de leur histoire ? Que soufflent-ils à leurs oreilles, qui les instruise et les touche encore ? En eux, en nous, leurs voix uniques, immenses, vont grandissant au fil des pages....
Michel le Grand (1126-1199)

Fils du prêtre Elias, Michel naquit en 1126 à Malatiya, l’ancienne Mélitène, importante ville de la petite Arménie, dans la région de Cappadoce. Enlevée aux Arabes par les Byzantins, en 931, elle était passée en 1101 sous le gouvernement des émirs turcs, musulmans.

Michel appartenait à la famille syrienne des Qindasi. Il fut confié tout jeune au célèbre monastère syriaque occidental de Mar Bar Çauma, situé non loin de sa ville natale. Il devint archimandrite, se lança dans de grands travaux. Selon l’écrivain syriaque occidental Bar Hébraeus, c’était un homme de haute taille, doué d’un beau visage, d’une voix forte et agréable, très versé dans les Ecritures.

Michel fut élu, par tirage au sort, patriarche en 1166, consacré au monastère de Bar Çauma, situé à 70 kilomètres d’Édesse, en présence de vingt-huit évêques. Il garda le siège de Mardin, installa autour de lui ses proches. Il voulait réformer les diocèses, combattre l’ambition et la simonie tolérées par le patriarche précédent, Athanase.

En 1168, Michel traversa la Cilicie, descendit vers la Syrie et la Palestine. Il arriva à Antioche, occupée par les Croisés, rencontra les préfets à la porte de la ville et fut bien accueilli. II visita l’église syriaque occidentale dédiée à Saint-Pierre. Il ne s’attarda pas, désireux de se rendre à Jérusalem. Là, il rencontra, la veille du dimanche de Pâques, Amaury de Nesles, le patriarche latin des Francs et fut traité par lui avec honneur.

Michel revint à Antioche, y demeura un an, content des faveurs que lui faisaient les Latins, il y consacra trois évêques. Puis il rentra dans son monastère de Mar Bar Çauma où il réunit un synode durant l’été 1169.

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