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L’historiographie Syriaque


Auteur :
Éditeur : Geuthner Date & Lieu : 2009, Paris
Préface : Pages : 220
Traduction : ISBN : 978-2-7053-3821-3
Langue : FrançaisFormat : 160x240 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Deb. His. N° 4640Thème : Général

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Table des Matières Introduction Identité PDF
L’historiographie Syriaque

L’historiographie syriaque

Muriel Debié

Geuthner

Celle série est destinée à regrouper des études thématiques faisant le point sur différents aspects de l’histoire ou de la culture syriaques, celles des communautés chrétiennes dont la langue de culture est le syriaque (maronites, syriaques catholiques et orthodoxes, assyrochaldéens, communautés du Proche-Orient et de l ’Inde...).

Des textes historiques très nombreux ont été produits de manière continue en syriaque du VIe au XIVe siècle. L’écriture de l'histoire naît dans cette langue avec les convulsions christologiques qui entraînent le développement de l’Église syro-orientalc dans l’empire sassanide et la séparation progressive de l’Église syro-orthodoxe dans l’empire romain. C’est pour raconter l’histoire de leurs communautés que les Églises de langue syriaque ont produit histoires ecclésiastiques et chroniques. C’est aussi pour expliquer les événements dramatiques que sont famines, épidémies, catastrophes naturelles, victoires des peuples ennemis non chrétiens (sassanides, araho-musulmans. mongols), mais aussi la cohabitation difficile avec les frères ennemis des autres confessions chrétiennes (y compris les Francs ii l’époque des Croisades), que s’élabore une théologie de l’histoire à l’oeuvre dans ces textes.
L’historiographie est sans doute le seul champ littéraire où co-existent ...



INTRODUCTION

Muriel Debié
CNRS, Paris

Ce n’est pas un hasard si la table ronde de la société d’études syriaques a porté en 2008 sur les textes historiques car il s’agissait d’ouvrir un plus large programme de colloques consacrés à La formation de l’islam, entre héritages antiques et ruptures, qui se succédèrent entre le 14 novembre et le 3 décembre 2008 V Des textes historiques n’ont en effet cessé d’être écrits en syriaque, avant, pendant et après les conquêtes arabo-musulmanes par des auteurs qui, en tant que chrétiens, étaient aussi personnellement concernés par les événements jusque dans leur conception du monde, de la royauté ou de la religion et donc leur manière d’écrire l’histoire de leurs communautés. Cette période est donc à la fois un sujet de l’historiographie syriaque et un moment de production littéraire intense.

L’intérêt pour l’historiographie, c’est-à-dire pour les textes historiques en eux-mêmes, est un phénomène récent même si l’intérêt pour le contenu de ces textes ne l’est pas. Ce n’est guère en effet qu’à partir de la deuxième moitié du XXe siècle que l’on s’est avisé d’étudier les textes d’histoire, quelle que soit leur langue de rédaction, non seulement pour le matériel historique qu’ils contenaient, mais plus largement comme des textes littéraires, fruits d’un milieu et d’une époque sur lesquels ils renseignaient mais dont ils étaient aussi le produit et qui avaient influencé leur composition et leur idéologie.

Dès avant l’édition de la Chronique de Michel le Grand par l’orientaliste français Jean-Baptiste Chabot (qui fit connaître le patriarche de l’Église syro-orthodoxe sous le nom toujours en usage, en français du moins, de Michel le Syrien), la Chronique syriaque de Barhebraeus/Bar 'Ebr5yô/Abu al-Faraj avait fait l’objet, dès le XVIIIe siècle, d’une première édition par Bruns et Kirsch et les Assemani avaient fait connaître par l’étude des manuscrits de la bibliothèque Vaticane, un grand nombre de textes. Au fur et à mesure de la découverte de manuscrits, de nouveaux textes venaient en effet au jour, étaient édités et traduits par leurs découvreurs qui se disputaient le prestige de telles inventions (on pense à la compétition entre Mgr LE. Rahmani, patriarche de l’Église syro-catholique et J.-B. Chabot).

Ces textes permettaient en effet un accès privilégié à l’histoire du Proche-Orient, depuis l’histoire biblique jusqu’à l’époque des Croisades, qui intéressait au premier chef les historiens. Dès le XIXe siècle, était souligné aussi leur intérêt pour une période où l’historiographie grecque connaissait une éclipse, celle des siècles longtemps dits obscurs (VIIe-VIIIe siècles), où les Byzantins se voyaient privés des provinces orientales de l’empire par l’arrivée des arabo-musulmans.

La tradition syriaque est particulièrement riche en textes historiques qui n’ont cessé d’être produits entre le VIe siècle (nous n’avons pas de traces en tout cas de l’existence de textes avant cette période) - époque où, suite aux controverses christologiques, se constituent en Églises indépendantes aussi bien l’Église de l’Orient que l’Église miaphysite, aussi appelée syro-orthodoxe - et le XIIIe siècle, date de la dernière chronique en syriaque, celle de Barhebraeus. Les premières histoires sont au VIe siècle, côté occidental, la chronique d’Édesse de 540 et l’histoire d’Édesse du Pseudo-Josué le stylite, où la capitale de l’Osrhoène est à la fois au cœur des histoires et de leur fabrique puisque ses archives constituent une source primaire des historiens. Côté oriental, l’histoire de l’Église de Barhadbesaba et l’histoire de Karka de Bêt Slok inaugurent une tradition d’écriture de l’histoire propre aux chrétiens de l’empire sassanide. Le dernier texte produit, la Chronique dite d’Amr et Sliba, est en arabe et date du XIVe siècle. Elle marque la fin de cette riche production, brièvement ravivée au XVIIe siècle par les Annales, également en arabe, du patriarche maronite Douaihi.

Cette tradition syriaque se distingue des autres historiographies chrétiennes, au premier rang desquelles la grecque - à laquelle elle doit cependant ses bases - mais aussi de celle de l’Arménie voisine. Bien que chrétienne, elle a cependant des liens avec l’historiographie musulmane à laquelle elle a largement emprunté. Parce qu’elle a utilisé du matériel historique traduit du grec et emprunté les formes de l’historiographie grecque, qu’elle a puisé à des sources islamiques aujourd’hui perdues et qu’elle est passé progressivement de l’usage du syriaque à celui de l’arabe, l’historiographie syriaque constitue tout particulièrement un lieu de transmission interculturelle2. La recherche des sources employées par les chroniqueurs (la Quellenforschung dont l’école allemande a été au XIXe siècle le fer de lance) a été et reste au centre des études menées sur ces textes qui permettent en effet de remonter à des sources de toutes sortes dont beaucoup ont aujourd’hui disparu et de s’en faire une idée plus précise à défaut de pouvoir les reconstituer : sources grecques, d’époque hellénistique, romaine et byzantine, syriaques et arabes, chrétiennes et musulmanes, littéraires et documentaires, dont ne subsistent souvent plus par ailleurs que les noms.
Tous les genres de l’historiographie chrétienne sont représentés : chroniques longues et brèves, histoires ecclésiastiques, histoires de villes et de monastères, mais adaptés à l’histoire des communautés de langue syriaque. Les controverses christologiques sont en effet un facteur central dans la constitution des identités ethno-religieuses des populations de langue syriaque et interfèrent avec les événements politiques du temps, marquant aussi l’écriture de l’histoire.

Il s’est agi ici de présenter les différentes formes d’historiographie, - mais la partie syro-orientale, encore peu prise en compte en tant que telle, reste, il faut le reconnaître, sous-représentée —, en les mettant en perspective avec l’historiographie grecque, l’historiographie arménienne et une tardive résurgence de l’écriture en arabe. La question de l’attitude des chroniqueurs face à la situation nouvelle de la conquête puis du pouvoir arabo-musulman est l’objet d’un chapitre particulier, mais traverse plusieurs contributions. L’histoire ecclésiastique du Pseudo-Zacharie de Mytilène est présentée dans le cadre de la naissance d’une historiographie miaphysite3. Les nombreuses chroniques brèves, qui constituent un genre à part, en syriaque comme dans les autres langues, font l’objet d’une longue présentation, tandis que les grandes chronographies syro-orthodoxes des XIIe-XIIIe siècle sont vues ensemble. Dans les deux cas, les ressemblances dues au genre adopté et à l’époque de composition sont mises en lumière, tout en autant que les particularités de chaque texte. Une place plus importante qu’il n’est coutume dans l’étude de l’historiographie syriaque a été faite aux textes, partiellement ou complètement, en langue arabe appartenant à la même tradition. Ils reposent pour l’essentiel sur des sources syriaques mais aussi des sources islamiques aujourd’hui perdues sur lesquelles ils permettent de jeter un peu de lumière. L’un d’eux fait ici pour la première fois l’objet d’une étude en langue européenne.

Afin d’éviter des redites dans la bibliographie des articles, le choix a été fait de proposer une bibliographie générale des éditions et traductions des sources historiques syriaques citées. C’est là qu’il convient de se reporter pour les références aux textes proprement dits4.

1. Jan Van Ginkel, lors de cette journée, avait donné une conférence sur « La naissance de l’Église miaphysite dans les histoires ecclésiastiques syro-occidentales ».
2. À venir, M. DebiÉ, L’Écriture de l’histoire en syriaque : transmission interculturelle et construction identitaire entre hellénisme et islam, Louvain, Peeters (Late Antiquity and Religion) [2010].
3. Nous tenons à remercier très vivement G. Greatrex d’avoir accepté en dernière minute de nous faire part des résultats de ses travaux sur cette œuvre.
4. L’obscur et laborieux travail de mise en forme et d’édition n’aurait pas été possible sans l’habituelle mise à contribution des deux directeurs de la série, Françoise Briquel Chatonnet et Alain Desreumaux. Nous leur exprimons ici toute notre gratitude.

L’héritage de l’historiographie grecque

Muriel Debié
CNRS, Paris

Deux manuscrits de la fin du Ve et du VIe siècle1 montrent que l’histoire ecclésiastique d’Eusèbe avait été traduite du grec en syriaque avant même cette période. Le témoignage de l’historien arménien Moïse de Khorène disant qu’une traduction en arménien de ce texte avait été faite sur le syriaque au début du Ve siècle 2 permet de préciser que la traduction initiale pouvait dater déjà de la fin du IVe siècle. Très tôt donc, et avant même que soient composées des histoires en syriaque, l’historiographie grecque chrétienne avait été traduite et était connue. Non seulement d’autres histoires et chroniques grecques furent traduites, telles que la chronique d’Eusèbe, celle de Jean Malalas ou les histoires ecclésiastiques de Socrate, Sozomène et Théodoret ou encore de Zacharie de Mytilène 3, mais aussi du matériel historique fut employé comme des actes de concile ou des lettres. Les racines de l’historiographie syriaque sont indéniablement grecques, aussi bien du côté occidental qu’oriental puisque l’Histoire orientale de l’Église de Barhadbesabba 4 a largement puisé à des sources grecques historiques et hagiographiques. L’élaboration du vocabulaire qui sert à distinguer les genres s’est fait au contact de la tradition grecque. C’est un mot d’origine grecque, ’eqlesiastiqi, qui sert à désigner les histoires ecclésiastiques dont le modèle est grec.
C’est un calque du mot grec composé chrono-graphia, « écriture des temps », que le syriaque…

1. Il s’agit d’un manuscrit de St. Pétersbourg, daté de 773 A(nno)G(raecorum), c’est-à-dire 462 è.c. et du BL Add. 12,154, daté sur critères paléographiques par W. Wright du vie s. Wright 1872, III, p. 1039 et ss. Cf. Eusèbe, HE
2.  Histoire de l'Arménie, II, 10.
3.  Voir ici-même la contribution de G. Greatrex.
4.  Voir la bibliographie finale.

 




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