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Bagdad Chretienne


Auteur :
Éditeur : IEPR Date & Lieu : 2000, Rennes - France
Préface : Pages : 100
Traduction : ISBN :
Langue : FrançaisFormat : 210x295 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Har. Bag. N° 4689Thème : Religion

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Bagdad Chretienne

Bagdad Chretienne

Peter Harling


IEPR


La diaspora iraqienne est un phénomène complexe et insaisissable s’il en est. On ne parviendra, à l’appréhender par le biais de ses expressions les plus visibles, qu’à en dresser par petites touches un tableau approximatif, trop « impressionniste » pour rendre compte de la diversité des situations et stratégies qu’il faudrait, pour être rigoureux et complet, envisager. Aussi en soulignerai-je simplement l’ampleur. Les chiffres officiels mis à disposition de l’Ambassade de France en Jordanie situent par exemple entre 200 000 et 300 000 le nombre actuel de réfugiés iraqiens concentrés dans la capitale Jordanienne. La visite du Pape à Amman fut d’ailleurs pour la presse l’occasion de découvrir l’existence parmi cette population, probablement plus importante, de forts contingents de chrétiens. D’autres indicateurs nous permettent de juger de l’intensité des flux migratoires dont souffre ...



INTRODUCTION

Proposer une typologie précise et consensuelle des chrétientés d’Iraq est malaisé. Dans le langage le plus courant, on énumérerait les « Chaldéens », les « Assyriens » ou « nestoriens » (selon que l’on se réfère à un critère ethnique ou rituel), les « Syriens catholiques », les « Syriens orthodoxes » dits « monophysites » ou encore « jacobites », les « Arméniens catholiques » et « orthodoxes », les « Grecs catholiques », les « Grecs orthodoxes » dits « melkites », sans oublier les Coptes et une constellation d’Eglises protestantes. Ces désignations diverses doivent d’abord être simplifiées.

Pour commencer, je dirai très simplement que les principales Eglises d’Iraq sont toutes de rite « syriaque », même si des divergences liturgiques mériteraient, dans un autre contexte, d’être abordées dans davantage de détails. Cette famille « syriaque », de rite comme, d’ailleurs, de langue, connaît une première sous-division, distinguant « syro-orientaux » et « syro-occidentaux », issus respectivement des schismes subséquents aux Conciles d’Ephèse (431) et de Chalcédoine (451). Une terminologie moins rigoriste qualifierait les premiers de « nestoriens », appellation que les concernés rejettent néanmoins, et les seconds de « jacobites » ou « monophysites », termes faisant référence, d’un point de vue très « romain catholique », à leur supposées dissidences théologiques.

A cette première scission se surajoutent les effets, dans chacune de ces branches, d’un rapprochement seulement partiel à Rome : on distinguera donc, chez les syro-orientaux comme chez les syro-occidentaux, une Eglise « uniate », c’est à dire soumise à l’autorité du Pape, d’une Eglise indépendante, généralement qualifiée d’« orthodoxe » par un nouvel abus de langage. Je ne tenterai pas ici de résoudre de tels problèmes terminologiques, insolubles à moins d’adopter un système pesant. Disons que la famille syriaque comprendles Eglises « chaldéenne » (ou syro-orientale uniate) et « assyrienne »¹, d’une part, les « Syriens catholiques » et les « Syriens orthodoxes »² de l’autre.

L’implantation géographique de ces communautés confère à la seule Eglise chaldéenne un caractère véritablement « iraqien ». Les Assyriens, tirant leur nom d’une ascendance revendiquée aux grands empires assyriens, sont dans les faits des « réfugiés » récents, fuyant au début du siècle les persécutions ayant cours en Anatolie. Les Syriens, pour leur part, sont surtout nombreux en Syrie, leur centre historique étant le patriarcat d’Antioche. Les Chaldéens apparaissent dès lors comme la seule communauté véritablement autochtone. Ils sont en outre de loin les plus nombreux ; ils occupent enfin, comme nous allons le voir, une place tout à fait prépondérante parmi les chrétiens sur la scène politique iraqienne et c’est de cette relation au pouvoir dont il sera ici question.

…..


¹ Je préciserai que les « nestoriens » iraniens, cultivant leur « iranité » afin de préserver une insertion déjà fragile, refusent cette ascendance « assyrienne » que leurs coreligionnaires iraqiens revendiquent comme fondatrice de leur identité. Le tout est ici d’adopter un système opératoire

² La littérature contient des typologie plus rigoureuse qui ne nous serons ici d’aucune utilité [Albert, Hourani, Valognes].

A. Un mouvement historique d'exil, déterminants et conséquences d'une acculturation

La diaspora iraqienne est un phénomène complexe et insaisissable s’il en est. On ne parviendra, à l’appréhender par le biais de ses expressions les plus visibles, qu’à en dresser par petites touches un tableau approximatif, trop « impressionniste » pour rendre compte de la diversité des situations et stratégies qu’il faudrait, pour être rigoureux et complet, envisager. Aussi en soulignerai-je simplement l’ampleur. Les chiffres officiels mis à disposition de l’Ambassade de France en Jordanie situent par exemple entre 200 000 et 300 000 le nombre actuel de réfugiés iraqiens concentrés dans la capitale Jordanienne. La visite du Pape à Amman fut d’ailleurs pour la presse l’occasion de découvrir l’existence parmi cette population, probablement plus importante, de forts contingents de chrétiens. D’autres indicateurs nous permettent de juger de l’intensité des flux migratoires dont souffre aujourd’hui l’Iraq, en direction des terres d’accueil traditionnelles notamment : depuis 1990, 80 000 personnes seraient venues grossir les rangs de la communauté iraqienne installée aux États-Unis ; on compterait 10 000 nouveaux arrivants au Canada entre 1993 et 1998 ; suite à la guerre du Golfe, l’Australie enregistrerait quant à elle 2 200 entrées par an1.

1 Ces chiffres sont tirés d’une étude qui me fat confiée par la Section des Intérêts Français en Iraq, sur la base des informations proposées par 32 postes diplomatiques sollicités. Ne présentant aucun caractère politique, je me permets de les citer ici.

2 Si la frontière avec l’Iran est tracée dès 1914, celle avec la Turquie, à proximité du Hakkâri, et celle avec la Syrie, dans la région du Djezireh, ne sont finalement établies qu’en 1926 et 1932 respectivement.

I. Panorama de la diaspora chrétienne contemporaine

L’émigration massive n’épargne naturellement pas les chrétiens. Je dirais même qu’au contraire ils sont sans doute les plus gravement touchés. Je me contenterai de souligner quels en sont les enjeux, en montrant, dans un premier temps, en quoi les rares chiffres à notre disposition nous informent, avant de me situer du point de vue des concernés.

1. Éléments d'approche quantitative

a. Une courbe démographique à peine esquissée

Ce n’est qu’à l’accession de l’Iraq à l’indépendance, en 1932, que les frontières du pays furent définitivement fixées2. Une approche quantitative offrant des perspectives comparatives n’est donc envisageable qu’après cette date. A titre indicatif, Youssef Habbi, invoquant ses propres travaux d’historien, évalue à 43 000 environ la population chrétienne des villayets ottoman de Mossoul, Bagdad et Bassora (couvrants approximativement le territoire actuel de l’Iraq) à la fin du 19ème siècle [Habbi, 1997].




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