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L’Armee Turque, Conservatoire de la Tradition Kemaliste - I


Auteur :
Éditeur : Université Toulouse I Date & Lieu : 2000, Toulouse
Préface : Pages : 280
Traduction : ISBN :
Langue : FrançaisFormat : 210x295 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Izo. Arm. N° 715Thème : Thèses

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Table des Matières Introduction Identité PDF
L’Armee Turque, Conservatoire de la Tradition Kemaliste - I


L’Armee Turque, Conservatoire de la Tradition Kemaliste - I

Ramazan İzol

Université Toulouse I

La configuration et le climat politiques turcs ayant un caractère à la fois multidimensionnel et riche et formant une possibilité importante de source de données pour les scientifiques, la Turquie représente un cas de figure original et intéressant à examiner. Celle-ci, située géographiquement, politiquement et économiquement aux frontières des trois mondes et possédant également la double appartenance occidentale - orientale est susceptible de recouper maints trajets de la réflexion politique. Compte tenu de l’importance des sujets et des sources de données offerts aux scientifiques, nous ... 



INTRODUCTION

La configuration et le climat politiques turcs ayant un caractère à la fois multidimensionnel et riche et formant une possibilité importante de source de données pour les scientifiques, la Turquie représente un cas de figure original et intéressant à examiner. Celle-ci, située géographiquement, politiquement et économiquement aux frontières des trois mondes et possédant également la double appartenance occidentale - orientale est susceptible de recouper maints trajets de la réflexion politique. Compte tenu de l’importance des sujets et des sources de données offerts aux scientifiques, nous nous intéresserons plutôt à une question cruciale pour la Turquie : les relations armée-pouvoir civil, dans la perspective du problème de la démocratisation et de la démilitarisation du système politique turc. La fréquence des prises de pouvoir par l’armée et la banalisation de sa participation à la vie politique nous amènent à nous pencher sur la question qui n’est d’une manière générale liée qu’au problème du processus de démocratisation de son système.

La principale et unique condition de la restauration de la supériorité civile sur la sphère militaire est en effet directement fiée à l’existence d’un système civil fort, organisé et largement légitime auprès de la société politique.

La construction d’un Etat moderne par Kemal Atatürk, le fondateur de la nouvelle République turque, et son équipe adoptant le modèle occidental comme objectif à atteindre a forcement nécessité d’être complétée par une différenciation structurelle et une autonomisation institutionneüe forcée. L’autonomie supposée et imposée des nouvelles institutions occidentales n’a pas été réelle. Les révolutions radicales kémalistes imposées d’une manière générale n’ont jamais pris en considération le poids de la société civile, les rapports de celle-ci avec l’État et la dynamique découlant de ces rapports, en voulant à tout prix instaurer une société par le haut. De plus, la laïcité turque n’a pas vraiment été le produit d’une société civile, mais le résultat d’une politique volontariste d’État.

Dans cette perspective, une série des questions donc mérite d’être posée pour la définition du cadre de ce travail. Pourquoi les partis politiques et les organisations démocratiques civiles ne parviennent-ils pas à maîtriser habilement la situation politique en cas de crise ? Pourquoi restent-ils inefficaces et impuissants face à une telle situation dans laquelle l’armée turque se trouve à chaque reprise renforcée par la garantie des mesures constitutionnelles imposées lors et après chaque coup d’État, en se présentant naturellement comme l’origine unique de solution contre toutes les difficultés ? Si nous reformulons ces questions d’une autre façon : nous nous demandons si l’imposition de l’armée comme seule issue pour les problèmes rencontrés provient directement de l’armée elle-même ? Sinon, existe-t-il dès la résurgence de la nouvelle République turque une idéologie dominante officielle qui la préconise et la favorise toujours comme étant un remède incontournable ? N’est-ce qu’une simple coïncidence que l’armée soit une force organisée et forte et que d’autres institutions politiques soient divisées et affaiblies face à la montée inévitable de la première ? Autrement dit, l’armée se nourrit-elle d’une manière continuelle d’une idéologie officielle et intervient-elle sans hésitation par un processus automatique en cas d’un éventuel danger pour son existence ?

Le fait que l’idéologie de l’État ne puisse être assimilée à une idéologie légitime auprès de la société provoque-t-il l’impuissance des organisations démocratiques civiles dans le système politique ? Ou bien, le peuple s’opposant toujours à cette idéologie ne parvient-il point à se doter d’une force civile organisée étant à la hauteur de le représenter au sein du système politique ? Nous pouvons aussi simplifier la question ainsi : le kémalisme étant en place depuis la création de la République turque en tant qu’idéologie dominante et officielle, repose-t-il sur la société ? Sinon, a-t-il été imposé grâce à l’appui de l’armée ?

On présente, à juste titre, la Turquie comme un pays charnière entre différents continents, cultures et religions, bref, un pont entre l’Orient et l’Occident. Géopolitiquement, la Turquie fait partie intégrante de plusieurs sous-systèmes (Méditerranée orientale, Balkans, Proche et Moyen-Orient, Caucase). Détentrice des détroits et donc de l’accès aux mers chaudes de la Russie, membre de l’OTAN et à ce titre vigilant gardienne de son flanc sud, musulmane mais laïque et ayant adopté les valeurs occidentales depuis des années vingt, la Turquie est géographiquement et socio-culturellement un pays intermédiaire et un pion stratégique d’une importance considérable pour les pays occidentaux et particulièrement pour les Etats-Unis. Vers le début des années quatre-vingt-dix, l’équilibre mondial et régional a été indiscutablement perturbé (par l’effondrement du mur de Berlin) par la guerre du Golfe et dans ce nouvel ordre mondial, la Turquie retrouve toute son importance stratégique dans un nouveau rôle sur la scène internationale, celui de poste avancé de l’Occident au Moyen-Orient tout en restant clairement un allié très appréciable de l’Occident lors de la guerre du Golfe.

Après la chute du mur de Berlin, la recherche d’une stabilité politique et sociale dans le Monde et particulièrement au Moyen-Orient, a relancé le débat sur les contributions respectives des pays de la région à l’instauration d’une paix durable. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Occident ambitionne toujours d’influencer les pays du Tiers Monde d’accepter des régimes politiques démocratiques. Dans cette constellation, la Turquie est en quelque sorte appelée, par ses alliées occidentales, à jouer un rôle important tant sur le plan de la sécurité que sur les plans politique et économique1.

« La Turquie, puissance régionale ! », in Problèmes Politiques et Sociaux, No.562, juin 1987.
Quant à l’alliance militaire israélo-turque, elle change indiscutablement les rapports de forces dans la région en faveur de ces deux pays. Deux textes, dont certaines clauses restent secrètes, ont été signés en février et en août 1996 entre la Turquie et l’Israël. Ils prévoient notamment la tenue de manoeuvres aériennes et navales conjointes, des facilités portuaires, la possibilité pour l'aviation israélienne de s'entraîner au-dessus du vaste espace anatolien. La coopération dans la lutte contre le terrorisme, déjà ancienne, se voit renforcée. Ankara bénéficiera, pour le contrôle de ses frontières, de « l’expérience » de l’État juif acquise, en particulier, dans la « zone de sécurité » du Liban sud. Un système de surveillance se met en place, avec l'aide des Etats-Unis : récepteurs ultrasensibles, caméras, satellites, etc. Les échanges d'officiers de haut niveau se sont intensifiés également entre les deux pays.
On peut s’interroger sur les raisons d’un tel rapprochement entre les deux pays Pour comprendre le choix turc en faveur d'Israël, il faut remonter à la fin de la guerre froide. Pendant des décennies, l'armée turque avait été en première ligne face au danger soviétique. Du jour au lendemain, elle a perdu cette position clef qui lui valait une aide substantielle des Etats-Unis et de l'OTAN. Cette dévalorisation stratégique devait être rapidement compensée par la mise en place d’une politique internationale cohérente et courageuse. Craignant de voir le pays marginalisé, l’État-major chercha un nouveau rôle pour la Turquie, dans le cadre de la stratégie occidentale. Les généraux turcs ont, depuis longtemps, la main mise sur la politique étrangère et de la sécurité d'un pays où le chef d’État-major a la préséance sur le ministre de la défense. Régulièrement, au ministère des Affaires étrangères, généraux et diplomates se concertent sur tous les dossiers brûlants : la question kurde, l’intégrisme islamique etc. C'est au Proche-Orient et dans le Golfe, région capitale pour les Etats-Unis, que l'armée trouve tout naturellement l'occasion de faire valoir son importance. En désignant le fondamentalisme musulman comme un ennemi de l'intérieur, elle s'inscrit dans la stratégie anti-iranienne ; en s’alliant à Israël, elle s'assure un appui de poids auprès des Etats-Unis et de son Congrès.

La Turquie est ainsi devenue un élément majeur d’une des régions les plus sensibles de la planète : le Moyen-Orient, dont la recomposition de l’ordre régional est à l’ordre du jour. Quelle place se taillera la Turquie ? Quelles seront les puissances dominantes de la région ? Quelle place lui attribuent la géographie, les héritages culturel et religieux, le développement actuel et la démographie au-delà des politiques de circonstance et dans les perspectives du long terme ? Si l’on regarde au Nord, au sud, à l’Est, à l’Ouest, quelques…

 




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