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La révolte de Koçkiri (1919-1922)


Auteur :
Éditeur : EHESS Date & Lieu : 1991, Paris
Préface : Pages : 200
Traduction : ISBN :
Langue : FrançaisFormat : 210x295 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Erd. Rev. N° 2224Thème : Thèses

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La révolte de Koçkiri (1919-1922)

La révolte de Koçkiri (1919-1922)

Müslüm Erdogan

EHESS

La tribu Koçkiri vivait sur un vaste territoire au Nord-Ouest du Kurdistan de Turquie, entre Sivas, Erzincan et Dersim (Tunceli).
La tribu Koçkiri était constituée de cinq branches : les Ibos (Ibolar) considérés comme les plus puissants, aux côtés des Sarus (Sarular), Balus (Balular), Zazas (Zazalar) et Kertels (Kerteller).
Les chefs de tribus étaient Alişan et Haydar fils de Mustafa qui fut anobli par le Sultan Abdul Hamit II au titre de Paşa. Nous ne disposons pas de chiffre précis concernant la population.
Rahmi Apak avance le chiffre de 40 000 habitants (1), tandis que Nuri Dersimi ...



INTRODUCTION

"La Révolte est pour le paysan opprimé kurde une nécessité aussi incontournable que le fait de boire ou de manger quotidiennement. La première réaction instinctive du paysan est de prendre le maquis. Nous, à l’ouest, nous distribuons des tracts, eux à l’est, ils se révoltent". Dans son livre sur les Kurdes Ihtiyat Kuvvet Milliyet (Sark) écrit en 1933, le Dr. Hikmet Kivilcimli, un intellectuel turc, fait cette remarque, qui nous oblige à nous demander : pourquoi une recherche sur la révolte de Koçkiri parmi toutes les révoltes Kurdes qui ont éclaté jusqu’à nos jours ?

Tout d’abord la période de la révolte de Koçkiri est une période qui mérite d’étre étudiée pour les Kurdes. Car les recherches menées jusqu’à nos jours n’accordent pas beaucoup de place aux Kurdes de Turquie. Le point commun de tous les travaux faits est de montrer la "réussite" de la guerre d’indépendance turque et particulièrement celle de Mustafa Kemal.
Les chercheurs qui ont donné place aux Kurdes dans leurs recherches jusqu’à récemment, ont fait abstraction des événements du Kurdistan et particulièrement de la lutte d’indépendance dans les régions de Koçkiri et Dersim. En ce qui concerne les Kurdes, on a plutôt parlé pour cette période d’une lutte turco-kurde ou d’une assemblée turco-kurde contre les puissances occupantes. Pour preuve de cette "union" les chercheurs ont mis en avant les soixante-douze députés kurdes de la Grande Assemblée Nationale Turque (GANT), appelés Kurdistan mebusları (Députés du Kurdistan).

Pour nous la question est de savoir si ce sont les soixante-douze députés du Kurdistan ou bien les Kurdes de Koçkiri, de Dersim et de bien d’autres villes qui ont lutté pour leur indépendance sur le terrain qui sont les véritables représentants du Kurdistan ?
Pendant cette révolte considérée par certains, comme le "premier pas" de la lutte d’indépendance nationale kurde dans la Turquie naissante, les Kurdes sont reconnus pour la première fois officiellement sur l’échiquier international ; tandis que pour bien d’autres, les Kurdes auraient "manqué le coche" à cette occasion. Il est possible de relever les points faibles du mouvement national Kurde communs à beaucoup de révoltes kurdes, tels que les trahisons, les querelles intertribales, le rôle joué par les chefs de tribu et les hommes de religion, le problème de la contradiction religieuse (Sunni-Alévi)...

Les Kurdes organisés dans Ittihat ve Terakki (Union et Progrès) s’opposent à Abdul Hamit II en tant qu’"intellectuels ottomans". Ce n’est que vers la fin du XIXe siècle qu’ils publient leur premier journal Kurdistan et débutent le XXe siècle avec la création de leur propre organisation politique : Kurdistan Azm-î Kavi Cemiyeti (l’Association de la Force Volontaire du Kurdistan). A la suite de la Révolution jeune-turque de 1908, plusieurs journaux et organisations voient le jour.

Malgré l’interruption des activités politiques des Kurdes pendant la Première Guerre Mondiale, la création du Kürdistan Teali Cemiyeti (Association Pour le Relèvement du Kurdistan) le 17 décembre 1918 représente un tournant décisif dans l’histoire du Kurdistan.
Jusqu’à cette date, en ce qui concerne les révoltes, insurrections, et soulèvements, il était impossible de constater l’influence ou la participation d’une quelconque organisation politique. Cependant la révolte de Koçkiri se distingue des révoltes précédentes, par la participaation pour la première fois d’une organisation : le Kurdistan Teali Cemiyeti et des intellectuels tels que Nuri Dersimi, Haydar Bey, Alişer, leaders de la révolte.

Les méthodes et la force de répression utilisées contre la révolte de Koçkiri donnent une idée de la politique anti-kurde de la future République de Turquie qui sera proclamée le 29 octobre 1923. Dans notre travail, nous avons accordé une place importante à Mustafa Kemal et à la Grande Assemblée Nationale Turque (GANT) pour mieux comprendre l’idéologie officielle appelée le kémalisme.
Le premier écrit sur la révolte de Koçkiri est celui de Nuri Dersimi Kurdistan Tarihinde Dersim daté de 1952. Rahmi Apak, ancien militaire turc, dans son livre écrit sur la guerre d’indépendance turque (Türk Istiklal Harbi) en 1964, réserve une place importante à la révolte de Koçkiri et notamment à la chronologie des événements.

L’édition Komal en 1975, en se basant sur ces deux ouvrages a fait la première recherche sur la révolte de Koçkiri dans le livre, publié sans nom d’auteur, Koçkiri Halk Hareketi (Insurrection Populaire de Koçkiri).
En 1982, les mémoires d’Ebubekir Hazim Tepeyran, vali de Sivas en 1921 sont éditées. La publication des mémoires des intellectuels kurdes Nuri Dersimi (1986) et Ekrem Cemil Paşa (1989) ont été des sources précieuses de renseignements sur la période et notamment sur le sujet qui nous concerne. Ces mémoires n’ont pu être publiées que plusieurs années après leur mort.

Le travail de Sadi Borak sur les "Discours d’Ataturk aux Séances Secrètes de la GANT" (Gizli Oturumlarda Atatürk’ün Konusmalan, 1977) et la publication des "Documents des Séances Secrètes de la GANT" (Türkiye Büyük Millet Meclisi Gizli Celse Zabitlari, 1980) et de bien d’autres ont nécessité une nouvelle recherche sur la révolte de Koçkiri. Tout récemment, la publication du livre de Robert Oison : "The Emergence of Kurdish Nationalism and the Sheihk Said Rébellion (1880-1925)", nous a donné des renseignements concrets sur les "conclusions" de la révolte de Koçkiri ignorées jusque-là.
Sans doute sera-t-il possible de faire de nouvelles recherches plus approndies sur cette question avec l’ouverture des archives turques sur les Kurdes.

Nous voulons signaler que préférence a été donné à l’orthographe turque qu’à la transcription française. Pour faciliter la lecture de mots d’origine turque, nous avons pris soin d’inclure une table des conventions graphiques.
Nous tenons à remercier tout particulièrement Mr Robert Paris qui n’a pas aménagé ses efforts et nous a soutenu tout au long de notre travail.
Nous tenons à remercier également tous les amis qui nous ont réservé leur temps précieux.

Chapitre 1

Les Origines de la Revolte

1.1 La Tribu Koçkiri

La tribu Koçkiri vivait sur un vaste territoire au Nord-Ouest du Kurdistan de Turquie, entre Sivas, Erzincan et Dersim (Tunceli).
La tribu Koçkiri était constituée de cinq branches : les Ibos (Ibolar) considérés comme les plus puissants, aux côtés des Sarus (Sarular), Balus (Balular), Zazas (Zazalar) et Kertels (Kerteller).
Les chefs de tribus étaient Alişan et Haydar fils de Mustafa qui fut anobli par le Sultan Abdul Hamit II au titre de Paşa. Nous ne disposons pas de chiffre précis concernant la population.
Rahmi Apak avance le chiffre de 40 000 habitants (1), tandis que Nuri Dersimi qui était l’un des leaders de la révolte de Koçkiri, penche plutôt pour 30 000 familles (2). Même en comptant quatre personnes par famille, alors que les familles kurdes sont beaucoup plus nombreuses, cela nous donne une idée des difficultés qu’il y a pour évaluer d’une façon plus précise la population Koçkiri. D’un autre côté, Sir Mark Sykes, après un long séjour au Kurdistan, dénombre 10 400 familles dans la tribu Koçkiri dans son livre publié en 1915 (3).
Le langage utilisé par les Kurdes de Koçkiri et de ses environs est les deux dialectes (kurmanci et zaza) usités par les Kurdes de …

 




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