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Le soufisme au Kurdistan irakien: Etude sur le groupement Kesnizaniya


Auteur :
Éditeur : Université de Paris-Sorbonne Date & Lieu : 2003-09-01, Paris
Préface : Pages : 66
Traduction : ISBN :
Langue : FrançaisFormat : 210 x 295mm
Code FIKP : Liv. Fre. Gen. Kad. Sou. N° 1563Thème : Thèses

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Le soufisme au Kurdistan irakien: Etude sur le groupement Kesnizaniya

Le soufisme au Kurdistan irakien : Etude sur le groupement Kesnizaniya

Awaz Kadir


Universite de Sorbonne


Comme nous l’avons indiqué auparavant, le soufisme, à travers ses confréries, joue un rôle important dans la société kurde dans tout ce qui touche à la vie sociale, religieuse et plus particulièrement à la vie politique, car les soufis forment aujourd’hui encore une partie notable de la classe dirigeante. C’est pourquoi nous avons choisi d’en étudier une branche, la confrérie du Qâderiya, dans sa forme actuelle au Kurdistan irakien. Dans un contexte de sociologie de la politique, nous l’étudierons sous l’angle d’un « groupement de domination » pour déterminer les aspects sociaux et politiques propres à une confrérie soufie.
Etudier le soufisme en ....



INTRODUCTION

Le soufisme, défini par les chercheurs comme « le mysticisme de l’Islam », est une des principales composantes explicatives de la société kurde, à travers l’histoire et encore de nos jours, dans ses aspects religieux, sociaux, politiques et culturels. Il est représenté par deux courants principaux, la confrérie du Qâderiya et la confrérie du Nâqshabandiya.
Le soufisme au Kurdistan a toujours attiré l’attention des voyageurs et des chercheurs. Citons ici la remarque de l’ethnologue russe Bastile Nikitine, spécialiste des Kurdes, soulignant l’importance des cheikhs soufis dans la société kurde :
« Toute étude du milieu kurde doit réserver une place en vue aux cheikhs, à leur influence, à leurs sympathies et antipathies, au nombre de leurs adeptes, etc. »¹

Le soufisme s’est implanté au Kurdistan au XII siècle et les kurdes ont rapidement adopté la doctrine soufie et incorporé ses pratiques à leur vie religieuse.
Chaque confrérie soufie est dirigée par un cheikh. Celui-ci en tant que « maître spirituel » joue un rôle primordial dans la recherche de « l’ultime objectif du soufisme ». On peut aller jusqu’à dire qu’il ne peut y avoir de confrérie sans cheikh.
Se sont ainsi constitués autour des cheiks des groupes de disciples, plus ou moins organisés selon les époques, les cheiks étant d’autant plus puissants qu’ils regroupaient autour d’eux un plus grand nombre de disciples.

Le soufisme en se développant n’a cessé de prendre une part de plus en plus importante dans la vie des kurdes, en particulier parce que les cheikhs représentaient une force d’opposition aux différents pouvoirs politiques qui se succédaient.
Parce qu’ils ne dépendaient pas des tribus, ils ont pu exercer un contre-pouvoir social et politique permettant de maintenant un équilibre entre celles-ci. De même soufis ou sympathisants trouvaient davantage d’utilité à revendiquer leur identité à travers leur attachement à leur cheikh soufi qu’à reconnaître les frontières politiques des conquérants historiques (Perses et Ottomans au XIX siècle, ou plus près de nous, Turquie et Irak).

Les cheiks ont par ailleurs souvent été des éléments moteurs de la vie sociale en étant à l’origine de nombreuses réformes progressistes.
Citons par exemple le cheikh Abdul Salam II, qui en 1903 dans le nord du Kurdistan irakien prône l’abolition du droit de propriété sur les terres, la distribution de celles-ci aux paysans, la suppression de la dot et celle du mariage forcé².

Mais le côté révolutionnaire du soufisme apparaît vraiment au XIX siècle quand les cheikhs soufis deviennent les dirigeants de mouvements nationalistes kurdes contre les deux occupants, Perse et Empire Ottoman, de même que contre les colonialistes anglais après la première guerre mondiale et plus tard contre les états qui se sont partagé le Kurdistan. Citons par exemple, la grande révolte du cheikh Obaïdullah, de l’ordre du Nâqshabandiya, qui, en 1880 réunit les Kurdes du nord et de l’est du Kurdistan (Kurdistan de la Turquie et de l’Iran actuel) contre les empires Ottoman et Perse, ou encore le soulèvement du cheikh Abdul Salam II, de l’ordre du Nâqshabandiya, contre l’oppression des Ottomans, qui avait envoyé un télégramme à la Sublime Porte demandant des réformes régionales et des modifications de ses relations avec le pouvoir central. Les Ottomans avaient alors accusé le cheikh de séparatisme déclenchant ainsi la révolte d’Abdul Salam II.

De même la révolte du cheikh Mahmud Barzanji, de l’ordre du Qâderiya, en 1920 contre les colonialistes anglais au Kurdistan irakien qui se proclama Roi du Kurdistan. Citons encore la révolte de cheikh Saïd Piran, de l’ordre du Nâqshabandiya, en 1923 contre les Turcs kémalistes au Kurdistan du nord (Kurdistan de la Turquie), et les révoltes de Barzani père, de l’ordre du Nâqshabandiya, contre les Anglais et contre le pouvoir central de l’Irak entre 1961-1975³.

Il faut noter que les révoltes kurdes ont toujours été conduites par l’une ou l’autre de ces deux confréries et qu’aujourd’hui encore les ordres soufis jouent un rôle considérable dans la vie politique en ayant non seulement des hauts responsables dans des partis politiques, au Kurdistan irakien particulier, mais aussi des ministres et des députés au parlement kurde du Kurdistan irakien.
En dépit de l’importance du rôle qu’il joue à travers ses confréries et ses cheikhs, le soufisme, en tant que facteur explicatif de l’évolution de la société kurde a jusqu’à présent été négligé. En conséquence, c’est tout un aspect de la société kurde qui est mal connu voire ignoré.

Si les confréries soufies et ses différentes branches ont pu survivre et continuer à être actives au sein de la société kurde, c’est parce qu’elles ont su et pu structurer leur organisation sociale. Empruntant la terminologie Wébérienne, nous parlerons alors de « groupements » ayant leurs propres règlements pour organiser les relations sociales et dotés d’un dirigeant et d’une direction administrative représentative reconnus par ses membres, dont la fonction est d’assurer l’exécution des règlements.
C’est la raison pour laquelle nous avons choisi l’étude d’une branche de l’une des confréries soufies comme sujet de notre mémoire de maîtrise.

Nous avons pris le parti d’utiliser les outils d’analyse et de conceptualisation de Max Weber sur le groupement et le type de domination exercée.
Nous avons choisi le groupement du Kesnizaniya comme champ d’investigation, et pour ce faire, nous avons recherché ses éléments constitutifs essentiels.
Nous avons structuré notre présentation en trois grandes parties selon le plan suivant qui nous a semblé le plus apte à faire comprendre les résultats de notre recherche.

La première partie de notre mémoire pose le cadre de référence de notre recherche : problématique, intérêt et choix du sujet, méthodologie. Elle précise le contexte sociologique dans lequel nous avons travaillé : groupement de domination et domination charismatique tels que définis par Max Weber.
Dans la seconde partie, nous traitons du soufisme dans un cadre général. Nous tenterons successivement d’expliquer ce qu’est le soufisme à travers sa doctrine et ses rituels, de rechercher ce qui le caractérise au Kurdistan dont nous définirons les dimensions géographiques, historiques et sociales.

Nous nous intéresserons ainsi plus particulièrement aux deux principales confréries kurdes que sont le Qâderiya et le Nâqshabandiya.
La dernière partie de cette recherche est consacrée à vérifier notre hypothèse de recherche, à savoir que le Kesnizaniya possède les caractéristiques nécessaires et suffisantes pour constituer un groupement.
Nous traiterons successivement de son aspect historique et de sa doctrine. Nous déterminerons enfin la succession au pouvoir charismatique, après examen de ses adhérents, de ses règlements, de la direction du groupement, des pouvoirs du cheikh et de sa domination charismatique.

¹ Nikitine.Bastile, Les kurdes d’aujourd’hui, éd. d’aujourd’hui, Paris, 1956, p. 218
² BARZANI.Massod, Al-Barzani wal haraka al-Taharuriya al-Kudiya (Le Barzani et le mouvement de la libération kurde), Kurdistan, 1986, p. 19
* Appellation donnée à la haute autorité Ottomane de l’époque.
³ Voir : CHALIDAND.Gérard et d’autre, Les kurdes et le Kurdistan, édition Petite Collection Maspero, 2eme éd., Paris, 1981.

Première partie

I- Problématique

Comme nous l’avons indiqué auparavant, le soufisme, à travers ses confréries, joue un rôle important dans la société kurde dans tout ce qui touche à la vie sociale, religieuse et plus particulièrement à la vie politique, car les soufis forment aujourd’hui encore une partie notable de la classe dirigeante. C’est pourquoi nous avons choisi d’en étudier une branche, la confrérie du Qâderiya, dans sa forme actuelle au Kurdistan irakien. Dans un contexte de sociologie de la politique, nous l’étudierons sous l’angle d’un « groupement de domination » pour déterminer les aspects sociaux et politiques propres à une confrérie soufie.
Etudier le soufisme en tant que groupement de domination implique qu’ayant préalablement défini les caractéristiques d’un groupement de domination, nous recherchions, parmi les éléments fondamentaux caractérisant les groupements soufis, ceux qui relèvent du groupement de domination.

Signalons toutefois que notre travail n’est pas un travail d’islamologie. Il n’est pas consacré à l’étude du mysticisme musulman. Ce n’est pas davantage une étude historique des grandes confréries soufies existantes au Kurdistan, mais une étude sociologique consacrée à étudier une branche soufie en tant que groupement. Il apparaît en effet comme certain que si le soufisme s’est maintenu jusqu’à nos jours au Kurdistan c’est que les confréries soufies devaient bénéficier de structures et de moyens assez organisés pour en assurer la pérennité.
Notre travail consistera donc à étudier les différents éléments d’une confrérie soufi, à comprendre leur nature, leur structure et leur fonctionnement dans le but de déterminer comment ils ont permis au soufisme de prendre une place importante dans la société kurde actuelle. Pour ce faire, nous ferons appel aux éléments théoriques fondamentaux de Max Weber sur le groupement de domination et la domination charismatique.

Nous avons choisi d’étudier le Kesnizaniya, branche de la confrérie du Qâderiya, en tant que groupement au sens Wébérien du terme parce que cette branche du soufisme est d’une part composée d’individus qui ont un intérêt à y adhérer et d’autre part qu’elle existe peu ou prou sous sa forme actuelle depuis plus d’un siècle.
La problématique à laquelle nous cherchons à répondre peut ainsi être formulée à travers les questions suivantes :

- Le Kesnizaniya, en tant que branche soufie, est-il un groupement de domination ?
- Quelle est la forme de ce groupement de domination? est-elle politique ou hiérocratique ?
- Si c’est un groupement de domination, quel type de domination est exercé : domination rationnelle, traditionnelle ou charismatique ?
Pour répondre à ces questions, nous partons de l’hypothèse suivante qu’il s’agira de vérifier :
La branche de Kesnizaniya est un groupement de domination de type hiérocratique dans lequel le cheikh exerce une domination charismatique de caractère héréditaire.
…..




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