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Les Kurdes : Oublies de l’Histoire


Auteur :
Éditeur : Université de Rennes Date & Lieu : 1994-01-01, Rennes
Préface : Pages : 132
Traduction : ISBN :
Langue : FrançaisFormat : 210 x 295mm
Thème : Thèses

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Les Kurdes : Oublies de l’Histoire

Les Kurdes : Oubliés de l’Histoire

Sylvie Intem

Université de Rennes

Langue ou dialecte, langue indo-européenne ou arabe ? L'existence du Kurde en tant que langue se pose : lorsqu'en 1787, le dominicain Maurizio Garzoni publiant à Rome, la première en Occident, sa Grammaticae Vocabulario Della Lingua Kurda, il reconnaissait déjà que le Kurde était une langue originale et apparentée au Persan. Tout le monde admet aujourd'hui que le kurde est une langue appartenant à ' la branche iranienne des langues ...



« En dépit de la pauvreté, des privations et de la souffrance,
Je résisterai fermement contre les temps qui me contrarient....
Quel que soit le degré de mon dénuement et de mes malheurs.
Je ne servirai jamais mon ennemi et ne lui donnerai aucun répit !
Je défie les coups, les chaînes et la torture
Et même si mon corps est mis en pièces,
Je crierai de toutes mes forces : Je Suis Kurde ».

(1) HÊMIN, "le pacifique", né près de Mahabadeu 1921

« Bîje Kurdistan »

(1) " Questions sur le Moyen-Orient : Le Kurdistan - M. Meyer -édition prospective 21 - 1992 - page 2

INTRODUCTION

"Les Kurdes : oubliés de l'histoire", titre évocateur et trompeur.

Le mur de silence qui entourait le problème Kurde n'a été levé que dans les années soixante et un, lorsque MUSTAPHA BARZANI prit les armes et posa pour la première fois la question de l'autonomie du kurdistan.

Ensuite, il fallut attendre la guerre du golfe pour que "les malheurs du peuple Kurde" refassent surface. L'opinion publique internationale découvrait une cohorte d'hommes, de femmes, de vieillards et d'enfants fuyant un pays, l'Irak. Déjà, en mars 1988, la garde républicaine avait tenté de les exterminer, à HALABDJA. Ce massacre s'était soldé par la mort de 5000 personnes. Pour la première fois de son histoire, l'ONU se penchait sur le sort du peuple Kurde. Le conseil de sécurité votait la résolution 688 et déclenchait la plus grande opération humanitaire jamais réalisée.

Mais le problème Kurde est-il un problème uniquement humanitaire ? Ne cache-t-il pas un problème politique, un problème de négation de droit, un problème d'auto-détermination ?

Qui sont les Kurdes, peuple ou minorité ? Qu'est ce qu'une minorité ? Suffit-il de se percevoir comme une minorité pour en être une ? En 1945, le sociologue Louis WIRTH définissait une minorité comme "tout groupe de personnes qui, du fait de certains traits physiques ou culturels spécifiques, se voit traité différemment et moins bien que les autres membres de la société dans laquelle il vit, et qui se considère par conséquent comme faisant l'objet d'une discrimination collective". Que peut recouvrir une telle définition ? Dans l'inconscient collectif, les femmes, les homosexuels ont été perçus comme des minorités. D'autre part, la notion de "minorité" recouvre une typologie multiple, il peut s'agir de minorités religieuses, culturelles, ethniques ou nationales (les populations aborigènes ou tribales par exemple tels les Papous de Nouvelle Guinée, les pygmés du Cameroun…) de minorités "majoritaires" (une population démographiquement majoritaire qui se trouve de facto "minorisée" au sein de l'état où elle vit tels les Noirs d'Afrique du Sud) ; de minorités territoriales.

Dans ce dédale de définitions, de subtilités terminologiques, on peut s'y perdre et l'on s'y perd.
Les Kurdes, a priori, pourraient se rattacher à la dernière catégorie. Ils occupent un territoire donné depuis des millénaires et le considèrent comme leur territoire ethnique ou national, comme leur patrie. Peuple à part entière ?

Ils traînent derrière eux une histoire de plus de 3000 ans, une langue, des coutumes propres, une conscience collective, des souvenirs collectifs. A ce titre, ils forment un peuple à l'instar du peuple turc ; du peuple allemand..., l'unique différence est qu'ils sont privés d'Etat et de tous les attributs qui s'y attachent. Pourtant, le 10 Août 1920, le traité de Sèvres, consacrant le partage de l'empire ottoman, préconisait la création d'un Kurdistan indépendant. Mais ce dernier sera balayé d'un revers de main par le traité du 24 Juillet 1923. Ce retournement de situation est dû à la Grande Bretagne qui veut mettre la main sur le pétrole de MOSSOUL, en région Kurde, à la Turquie qui ne veut pas voir une partie de son territoire lui échapper, et à la France qui ne dit mot.

Michel Verrier, en reportage au Kurdistan d'Irak, pour le compte du journal "Témoignage Chrétien", écrit à Erbil (ville de 90 000 habitants) : "un homme, la cinquantaine, teint hâlé et cheveux blancs pointe l'index dans ma direction : "ce sont les Européens qui sont responsables de tout ça. Dans les années 20, ils ont coupé notre pays en quatre". (1)

Le kurdistan est démantelé et dominé par quatre puissances : La Turquie, L'Iran, La Grande Bretagne mandatée pour L'Irak et la France mandatée pour la Syrie. Si l'Iran "accorde" un statut d'autonomie aux Kurdes sur son territoire, leur permettant de parler leur langue, de préserver leurs coutumes, leur identité, La Turquie mènera une politique de négation systématique. L'identité Kurde sera à tout point de vue contestée (1ère partie) . Une politique de terreur sera adoptée à l'égard des Kurdes (2ème partie). Tout droit politique leur sera refusé (3 ème partie)
(1) Question au Moyen -Orient : le Kurdistan - M. MEYER - édition prospective 21. 1992 page 8.

1ère partie : Négation de l'identité Kurde

"L'identité, selon Jacques Berque, ressemble à un polyêtre dont sous tel éclairage un angle s ' illumine sans que disparaissent les autres" (Jacques Berque : Echanges et communication réunis par J. Puillon et P. Maranda. Paris édition Mouton 1970 page 479) . L'identité fait, ainsi, que nous sommes reconnus comme différents des autres et fait qu'un Français est différent d'un Allemand ou d'un Anglais. En Turquie, il n'est question que d'identité turque, de langue turque, de cultur^e, de folklore ou d'histoire turque. L'expression quelqu'elle soit doit être turque.

Les Kurdes ne peuvent ni exprimer leur culture (chp I) ni leurs pensées (chp II).

- Chapitre I : Identité culturelle

La langue d'une communauté est le premier vecteur de son identité culturelle, laquelle fonde à son tour toutes les dimensions de son développement.

Si en Turquie, la langue kurde est interdite (section. I), une étape supplémentaire a été franchie. Répondant à cette volonté de nier l'identité culturelle kurde, une politique de destruction et d'interdiction a été menée à l'égard du patrimoine culturel kurde (section II) .

- Section I : Une langue sans nom

Langue ou dialecte, langue indo-européenne ou arabe ? L'existence du Kurde en tant que langue se pose : lorsqu'en 1787, le dominicain Maurizio Garzoni publiant à Rome, la première en Occident, sa Grammaticae Vocabulario Della Lingua Kurda, il reconnaissait déjà que le Kurde était une langue originale et apparentée au Persan. Tout le monde admet aujourd'hui que le kurde est une langue appartenant à ' la branche iranienne des langues indo-européennes. Ecrit depuis le 7 ème siècle, le kurde est en tous points différent du turc qui est d'origine ouralo-altaïque, et de l'arabe sémitique. Une des conséquences du fractionnement politique des kurdes est que la langue kurde n'est pas unifiée. Elle comprend plusieurs dialectes = le SORANI parlé au Kurdistan iranien et irakien et le KURMANDJI ou KURMANCI parlé en Syrie, au Nord de l'IRAK et de l'IRAN, et en Turquie.

Le Kurde est donc bien une langue à part entière ; et en tant que telle fut interdite à maintes reprises (1).

Ces interdictions ont été partiellement levées en 1991 lors de la légalisation de la langue kurde. Légalisation qui par ailleurs n'en a que le nom (2).




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