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Le Mouvement Ouvrier et les Grèves en Turquie - I


Auteur :
Éditeur : Université d’Aix-Marselle Date & Lieu : 1975-01-01, Mehmet Şehmus Güzel
Préface : Pages : 332
Traduction : ISBN :
Langue : FrançaisFormat : 210 x 295mm
Thème : Thèses

Présentation
Table des Matières Introduction Identité PDF
Le Mouvement Ouvrier et les Grèves en Turquie - I


Le Mouvement Ouvrier et les Grèves en Turquie - I

Mehmet Şehmus Güzel


Université d’Aix-Marselle


On accepte généralement 1299 comme date de la fondation de l'Empire Ottoman, dans la région de Soyut (Phrygie, au sud-est de la Mer Marmara) « Celui-ci, petite principauté (Beylik) au début prenant progressivement sous sa domination les autres principautés de l’Anatolie et la Thrace devint vers la fin du XlVème siècle un grand EmpireₒConstantinople (aujourd’hui Istanbul, prise en 1453) en fut la capitale. L’Empire Ottoman était représenté par trois groupes sociaux : a) la Cour (le sultan) ; b) les militaires ;
c) les savants (1),”Le sultan, chef temporel et spirituel de ...



INTRODUCTION

Objectif :


Les mouvements ouvriers se sont manifestés dans plusieurs pays depuis plusieurs siècles à travers des manifestations, des soulèvements, des mouvements de grève et la formation de syndicats.
Il y a aujourd’hui plus d’un siècle, quelques six cents dockers se mettaient en grève à ISTANBUL et ceci pour la première fois dans l’histoire du mouvement ouvrier de Turquie. Dès lors les grèves se succédèrent malgré les périodes de régime autoritaire et de repression.... Depuis le coup d’Etat du 27 mai I960 les grèves 'ont pris des dimensions non—négligéables. Elles sor.t devenues très fréquentes et ont eu de plus en plus un caractère politique, notamment à partir de 1967, date de la fondation de la deuxième confédération ouvrière : la Confédération des Syndicats Ouvriers Révolutionnaires (D.I.S.K.). Ces dernières années on a pu noter d’autres formes de lutte : les grèves avec occupation d’usine réapparurent tandis que les manifestations ouvrières à objectifs syndicalo-politiques attiraient l’attention. La montée des luttes ouvrières avaient atteint un tel degré qu’un des buts du coup de force des militaires, le 12 mars 1971 » était d’y mettre fin.
Aujourd’hui, la plus grande part de la classe ouvrière, des intellectuels et de la jeunesse ne connaissent pas l’histoire des grèves - ou la connaissent peu ou mal - en particulier en raison des efforts des pouvoirs successifs en vue de faire oublier les luttes ouvrières et paysannes. La nécessité d’une recherche sur ce sujet se faisait donc sentir depuis de longues années. C’est là une des raisons fondamentales qui nous poussèrent à étudier ce sujet. De plus une telle étude peut nous aider à saisir l’influence des faits sur le législateur et sur l’évolution du droit du Travail, y compris le droit de grève. En outre, avant de déterminer les caractéristiques du système dès relations professionnelles en Turquie il nous semble très utile de faire l’historique des faits sociaux.
Avant d’entreprendre ce travail il est nécessaire de préciser ce qu’est pour nous la notion de "grève".
"La grève est une rupture de l’équilibre social" (1) considéré "non pas comme un équilibre entre deux forces, mais comme un réseau de relations entre ces deux forces et les autres forces sociales dont elles dépendent, dont l’Etat" (2). En fait la grève est "une action tendant à modifier la relation sociale entre deux groupes en affectant l’ensemble du réseau où ces forces s’insèrent". (3) On peut encore définir la grève comme "une cessation concertée du travail par les ouvriers en vue dè contraindre l’employeur à accepter les revendications". (4)
Il faut préciser qu’au fond toute grève, outre ses raisons économiques, demeure un phénomène complexe et renferme aussi des raisons plus ou moins politiques. Elle constitue une prise de position ouvrière contre tel ou tel projet de l’employeur ou de l’Etat dans les domaines sociaux et économiques.
La grève constituant l’arme et la manifestation d’une classe sociale dont l’exploitation par le Capital occupe depuis plusieurs siècles les devants de la scène politique, économique et sociale, devait, à notre avis être étudiée sous toutes ses formes et d’une façon historique en Turquie même. Il fallait déterminer le rôle et l’influence de l’industrialisation sur la condition ouvrière d’abord, le rôle et l’influence du mouvement ouvrier et des grèves sur la vie politique et économique ensuite. De plus il fallait rechercher le rôle de la grève dans la prise de conscience au sein de la classe ouvrière dont l’existence en tant que classe fut - et est toujours - niée par les dirigeants et les classes dominantes du pays. L’éclatement d’une telle série de mouvements de ^grève n’est-il pas le signe évident de son existence ?
En outre la grève a des aspects juridiques et sociologiques. Des lois furent promulguées dans plusieurs pays pour en réglementer l’exercice. De ce fait sur le plan juridique il faut préciser les problèmes de licéité, les formes de grève selon leur déclenchement, leur durée, leur caractère violent ou pacifique. La grève est sociologique car elle joue un rôle considérable de prise de conscience chez les grévistes et fait s’accroître la solidarité au sein de la classe ouvrière. Tl faut établir, sur le plan sociologique, les causes incitant à la grève, rechercher les répercussions d’une grève victorieuse ou suivie d’échec ainsi que le rôle des grèves sur la croissance des syndicats.
Notre thèse a donc comme objectif : de faire un historique du mouvement ouvrier, et de déterminer les origines historiques de la grève en Turquie - où, quand, comment sont-elles déclenchées, organisées, quel est leur nombre, à quoi ont-elles abouti, etc. Quelle est la signification des grèves dans le mouvement ouvrier en général et dans la lutte politique de la classe ouvrière, leur rôle et leur influence sur la vie politique, économique ainsi que sur la prise de conscience de la classe ouvrière de Turquie.
Pour ce faire, nous nous sommes efforcés d’une part d’analyser les grèves en même temps que le développement syndical afin d’en préciseï- le mécanisme et d’autre part de souligner les interdictions et les restrictions apportées par la législation sociale aux droits de grève et de se syndiquer.

Methode et Plan
Pour réaliser les buts recherchés dans notre thèse, nous avons essayé d’analyser les grèves , dans la mesure du possible et compte tenu de notre documentation, d’après un plan unique qui se résume en quelques points :
1 - Déclenchement, origine et initiative de la grève, les *cvendicaticns ouvrières :
Nous avons précisé l’entreprise où la grève a eu lieu, le syndicat qui l’a lancée ou l’a organisée, l’existence éventuelle d’un accord préalable de la fédération ou de la confédération, les motifs de la grève et l’attitude de la direction ; le lien avec l’application de la convention, ou de la loi... ou avec la demande de conclusion d’une première convention. Nous avons également essayé de noter les cas de répétition, de renouvellement des grèves dans certaines industries ou entreprises, et d’indiquer leur caractère économique ou politique.
2 - Conduite des grèves, importance et organisation :
Ici nous avons décrit le rôle des associations et des syndicats, le nombre d’entreprises concernées, de salariés touchés (ou leur pourcentage), la participation à la grève - son extension régionale, son type : grève de solidarité etc., ou limitation à l’entreprise ou au groupe d’entreprise d’origine.
3 - Conséquences Sociales : Nous examinons la vie matérielle des grévistes - c’est le problème des allocations de grève, des secours, etc.—er leur vie collective -manifestations, violences, réunion, etc. ».
4 - Interventions des pouvoirs publics pendant la grève ;
Niveau de l’intervention : local, régional, national ; type politique : administration du Travail, forces de l'ordre, attitudes du gouvernement, du parlement, des tribunaux, arbitrage, médiation etc.
5 - Aboutissement, résultats des grèves :
Revendications satisfaites, accord signé, victoire ou échec, etc.
6 - Suites de la grève :
Licenciements, sanctions, renforcement des syndicats, etc.
Nous avons ainsi adopté une "méthode" que nous appellerons "pragmatique" consistant à comprendre et à analyser d’abord les faits à travers des documents indirects, pour tirer des conclusions ensuite.
Notre thèse comporte trois grandes subdivisions. La première concerne l’Empire Ottoman – l’Ancien Régime - (1ère partie) ; la seconde décrit la Première République (ilème partie) et enfin la troisième traite de la Seconde République (ïllème, IVème et Verne parties).
Dans chaque grande subdivision, les problèmes politiques et économiques sont étudiés avant ceux du mouvement ouvrier et des grèves. Car il est certain que l’idéologie des dirigeants et la politique économique du régime influencent beaucoup l’évolution de la condition ouvrière et la législation sociale.
La première partie se compose de deux chapitres : le premier sur l’économie et la politique de l’Empire Ottoman, et le deuxième sur le mouvement ouvrier et les grèves sous l’Empire.
La deuxième partie comporte trois chapitres. Le premier est consacré au mouvement ouvrier et aux grèves sous le régime à parti unique (1923-1945). Dans ce chapitre les conditions politiques et économiques de la période sont étudiées avant l’histoire des grèves et la législation sociale. Le chapitre II porte sur les conditions politiques et économiques sous le "multipartisme" de 1946 à I960 et le chapitré'"lll sur le mouvement ouvrier et le développement syndical au cours de la même période.
Dans la troisième grande subdivision nous traitons de la Seconde république et d’abord en deux chapitres (troisième partie) des conditions politiques et économiques à cette époque.
La quatrième partie, composée de deux chapitres, est consacrée à la nouvelle législation sociale. Etant donné l’ampleur prise par les lois sociales, il nous était nécessaire d’accorder une partie entière à celles-ci, d’autant plus que nous avons également étudié à cette occasion, les généralités sur les grèves, sans pour autant entrer dans les détails, et fait des comparaisons, certes d’une manière insuffisante, avec plusieurs législations étrangères. Le premier chapitre est consacré à la loi n° 275 du 24 juillet 1963 concernant les conventions collectives, la 'grève et le lock-out et le deuxième à la loi n° 274 de la même date sur les syndicats ainsi qu’aux changements dans le mouvement syndical.
La cinquième partie, qui comprend égàlement deux chapitres, est intitulée "L’Histoire des grèves (1964-1971)". Dans le premier chapitre, on verrai l’histoire des grèves de 1964-1966 et la fondation de la D.I.S.K. Le deuxième chapitre relate l’histoire des grèves de 1967 à 1971 et le coup de force des militaires du 12 mars 1971. Enfin une conclusion-générale complète la thèse.
Nous avons donné en annexe une histoire de la lutte des travailleurs émigrés turcs pour démontrer l’ampleur de la prise de conscience oui se réalise chez eux, à l’étranger. Ce phénomène aura certainement dans l’avenir une grande influence sur les luttes ouvrières en Turquie même.
Ainsi cette thèse voudrait être, en somme, un essai historique sur le mouvement ouvrier et les grèves en Turquie.
Pour préparer notre thèse nous avons rencontré plusieurs obstacles dont deux doivent être soulignés. L’un concerne les sources auxquelles nous avons dû recourir. En Turquie, pour ce genre de travail, les sources disponibles sont très limitées, pour ne pas dire inexistantes. Très peu de recherches sérieuses sont consacrées aux grèves, et toujours d’une façon réduite et imparfaite. Les archives des pouvoirs publics restent inaccessibles à toute recherche. Nous avons dû de ce fait nous référer à des articles de revue, à des quotidiens ainsi qu’à quelques livres. Ce qui nous a obligé à nous adresser souvent à plusieurs sources, pour vérifier l’exactitude d’un fait, d’un conflit et à laisser de côté ce qùi n’était pas enregistré au moins dans une recherche sérieuse. Notre éloignement de Turquie depuis trois ans - malgré nos contacts épistolaires avec des syndicalistes et des enseignants - a nui également à l’approfondissement de nos recherches. Le second obstacle auquel nous nous sommes heurtés a été la difficulté linguistique. Ne connaissant le français que par l’école à notre arrivée en France, en juin 1970, nous ne sommes pas encore arrivés à le manier convenablement. Sous cet aspect des choses nous prions les membres du jury de nous excuser des imperfections linguistiques qui demeurent dans notre thèse.

Premiere Partie

Le Mouvement Ouvrier et les Greves Sous l’Empire Ottoman
(L’ancien Regime)

(1) F. Sellier : "Stragégie de la lutte sociale - France 1936-1960", PARIS, 1961, p. 291
(2) Ibid. p. 292.
(3) Ibid.
(4) F. Sellier : "Les Relations Professionnelles", notes de cours de quatrième année (1972-1973). Pour d'autres définitions de la grève et les généralités concernant les formes de grève : cf. infra p. 474 et s.

Chapitre I

L’Economie et la Politique de l’Empire Ottoman :

On accepte généralement 1299 comme date de la fondation de l'Empire Ottoman, dans la région de Soyut (Phrygie, au sud-est de la Mer Marmara) « Celui-ci, petite principauté (Beylik) au début prenant progressivement sous sa domination les autres principautés de l’Anatolie et la Thrace devint vers la fin du XlVème siècle un grand EmpireₒConstantinople (aujourd’hui Istanbul, prise en 1453) en fut la capitale. L’Empire Ottoman était représenté par trois groupes sociaux : a) la Cour (le sultan) ; b) les militaires ;
c) les savants (1),”Le sultan, chef temporel et spirituel de …

(1) Nous n’avons pas l’intention d’écrire l’Histoire de l’Empire Ottoman qui est généralement étudiée par les Historiens contemporains en trois périodes :
a) la première, période d’expansion commence en 1299 avec la fondation de l’Etat et dure jusqu'à 1592 ;
b) la deuxième, époque de stagnation se situe entre 1592 et 1682 ;
c) et, la troisième, époque de décadence qui se termine en 1919 avec l'écroulement de l'Empire Ottoman.
Nous pouvons citer à ce propos plusieurs ouvrages dont les plus connus sont ceux-ci :
- "Histoire de l'Empire Ottoman" La Jonquiere, Paris 1914 ;
- "La Turquie" M. Clerget, Paris 1947, C.A.N.
- "Histoire de la Turquie" Robert Mantran, Paris 1968, P.U.F.
"Que sais-je ?"




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