|
TROISIEME PARTIE
La Seconde Republique : les Conditions Politiques et Economiques
Chapitre I
Le Coup d'Etat du 27 Mai 1960
Le Droit De Greve Et Les Mouvements Sociaux De 1960 – 1963 :
I - Le Coup D'etat Du 27 Mai I960 :
Le 27 Mai 1960, de jeunes officiers (des colonels) entraînant des généraux et d'accord avec des universitaires, la jeunesse estudiantine et une partie des dirigeants syndicaux prirent le pouvoir. Les principales personnalités du régime dont le président de la République et le chef du gouvernement furent arrêtées. Une junte militaire composée de trente sept membres, le Comité de 1'Union Nationale (C.U.N.) remplaça la Grande Assemblée Nationale dissoute, sous la présidence du général Cernai GURSEL, l'ex-chef d'état major, récemment mis à la retraite. D'autre part un gouvernement semi-militaire formé par le CUN et responsable devant lui fut créé.
A) - Les Raisons du Coup d'Etat :
Ce sont les résultats de la politique gouvernementale et des réalisations économiques, sociales du Parti Démocrate que nous avons examinées dans la partie précédente. En effet, à partir des années 1954, l'économie turque était dans une impasse totale et les conditions de vie de la population turque étaient difficiles. Comme nous l'avons déjà souligné le marasme économique frappait surtout les salariés et les employés dont les revenus sont fixés. D'autre part, le mécontentement des travailleurs indépendants et des paysans pauvres s'amplifiait de jour en jour. Mais ces classes sociales demeuraient passives, attendant avec confiance le retour de jours meilleurs. C'est surtout La Classe Intellectuelle - les élites - qui passant outre ses intérêts encore une fois commença à s’élever contre "la dictature parlementaire" du P.D. qui avait été instaurée par les dirigeants démocrates pour contenir certains effets de la situation économique, caractérisée par :
a) les investissements inutiles ou mal répartis ;
b) une diminution de l’aide américaine ;
c) la protestation des travailleurs dont la plupart des organisations avaient été dissoutes et les dirigeants emprisonnés ;
d) et enfin l’opposition véhémente du Parti Républicain du Feuple (P.R.P.) soutenue par les intellectuels civils et militaires ; (1)
e) censure sur les journaux progressistes et d’opposition, saisie des livres, etc.
Ainsi, il n’y avait que la classe intellectuelle dont les jeunes officiers et les étudiants qui contesta le régime du P.D. En ces jours de 1959 - I960, on assistait en Turquie à une prise de conscience atteignant la classe ouvrière, la paysannerie et l’Armée ainsi qu’à la naissance d’une opinion publique jeune et dégagée largement de l’influence des partis politiques traditionnels.
Il faut replacer ce mouvement dans la situation internationale de l’époque où les tentatives d’émancipation des peuples occupaient – et occupent toujours - le premier plan. C’était une époque où les peuples commençaient à sortir de l’état d’ignorance, de misère et de passivité dans lequel ils étaient maintenus depuis des siècles. Le nombre des analphabètes diminuait, certes d’une manière lente, mais progressivement, en Turquie. Les Mass Media commençaient à toucher de plus en plus la population des petites villes et de la campagne. Nous avons souligné l’envoi des troupes turques en 1950, en Corée, l’influence des évènements dans ce pays, et du Coup d'Etat de 1958 en Irak. Il est d'autre part, certain que la Révolution chinoise, la guerre d'Indochine et les Coups d’Etat de 1952 en Egypte (2) et au Pakistan (3) influencèrent également les intellectuels civils et militaires de Turquie.
Nous essayons, en premier lieu d'analyser les exigences et les buts des chefs militaires du Coup d'Etat du 27 Mai et leurs réalisations par la suite.
B) - Les Exigences et les Buts des Chefs Militaires :
Ce mouvement militaire qui balaie un régime discrédité "n'est pourtant ni une mutinerie capricieuse de Janissaires, ni le sursaut social des armés révolutionnaires de l'Orient arabe". (4) On peut à peine parler d'une …
(1) Les militaires, surtout les jeunes officiers d’état-major, constituent en Turquie comme dans plusieurs pays du Tiers-Monde une partie de l’élite intellectuelle du pays. Il faut aussi noter, pour comprendre leur intervention, leur inquiétude devant l'affaiblissement de leur "patrie". Le P.D. bafouait ouvertement les principes kémalistes, notamment ceux concernant la laïcité et l’indépendance économique et politique auxquels les officiers turcs étaient très attachés.
(2) Sitki Ulay, le commandant de l'école des cadets en 1960 à Ankara était attaché militaire au Caire en 1952, et on peut penser qu'il a eu l'occasion de voir de près le mécanisme du Coup d'Etat de Nasser. En effet, il fut un des chefs du premier rang du 27 Mai.
(3) Il est à noter que la Turquie devînt le troisième pays de l'ex-pacte de Bagdad - devenu C.E.N.T.O. - qui soit pris en main par des militaires, après l'Irak et le Pakistan.
(4) Le Monde du 28 Mai 1960.
| 
