
Trois essais de latinisation de l'alphabet Kurde : Iraq, Syrie, U. R. S. S.
Suggéré par Volney, voici plus d'un siècle, comme « une grande et heureuse révolution morale, seule capable de régénérer l'Asie 11(1), le remplacement pratique des caractères arabes par les caractères latins a été effectué, durant ces dix dernières années, avec un éclatant succès, par la Turquie kémaliste et par les républiques orientales de l’U. R. S. S. Ces deux réalisations - dont la première a surtout attiré l'attention de l'Europe - ne constituent cependant pas les seules entreprises de romanisation tentées dans le Proche-Orient : si le monde arabe, en effet, répugne à l'abandon de ses caractères traditionnels, consacrés par l'Islam; si l'Iran craint de perdre, avec leur usage, l'accès de son immense trésor littéraire, un peuple doté d'une littérature écrite moins volumineuse, et dont la langue est plutôt trahie que transcrite par les caractères arabes, pouvait lui aussi tenter l'expérience c'était le cas du peuple kurde, comme plusieurs de ses lettrés l'ont compris(2).
I. - L'inadaptation des caractères arabes à la phonétique Kurde
Durant de longs siècles, la langue kurde est restée presque uniquement orale; elle n'était écrite que dans d'assez peu fréquentes occasions, à l'aide de l'alphabet arabo-persan.
Mais, dès que les voyageurs européens ont abordé son étude, et que les …
(1) G. F. Volney, L'alphabet européen appliqué aux langues asiatiques : Épître dédicatoire à la société asiatique de Calcutta, p. XVIII; édition Froment-Parmantier, Paris, 1826.
(2) Les noms kurdes cités dans cet article sont transcrits selon l'alphabet des Kurdes de Syrie, sauf lorsqu'il s'agit de noms de publications éditées dans un autre système alphabétique. |