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Mem et Zîn


Auteur :
Éditeur : L'Harmattan Date & Lieu : 2001-01-01, Paris
Préface : Pages : 336
Traduction : | ISBN : 2-7475-1609-1
Langue : FrançaisFormat : 135x215 mm
Code FIKP : Liv. Fr. 9Thème : Poésie

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Mem et Zîn

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Mem et Zîn

Dans la province du Botan, un jeune Kurde, Mem, s'éprend de la soeur du prince, la belle Zîn. Celle-ci partage son amour passionné, mais les intrigues du traître Bekir déclenchent l'hostilité du prince qui refuse leur union. Cependant, ni l'éloignement, ni la prison ne parviendront à briser leur amour qui survivra au-delà de la mort.

Autour des deux jeunes gens, Ahmedê Khanî dépeint les fastes et la grandeur d'une cour princière kurde du XVIIe siècle, avec ses fêtes, ses banquets, ses chasses, ses faits d'armes... Il dresse le tableau captivant de l'âme humaine où l'amour, l'amitié, le courage s'opposent à la médisance, la jalousie et la tyrannie. Tiré d'une légende populaire, ce chef-d'oeuvre est le premier manifeste national de la littérature kurde et un grand poème d'amour mystique. Ahmedê Khanî pose un regard pénétrant et visionnaire sur le destin de son peuple, déchiré encore aujourd'hui par ses divisions et ses faiblesses.

Cette oeuvre majeure de la littérature kurde n'avait jusqu'ici jamais été traduite en français.


Ahmedê Khanî et Mem et Zîn

Ahmedê Khanî est né en 1651 dans la province de Hakkari (actuellement Kurdistan de Turquie). Il vécut à Dogubayazit (au nord de Van) où il mourut en 1706. Il fut à l'origine d'une école littéraire, l'école de Dogubayazit, qui eut une production durant tout le 18° siècle. Son mausolée s'élève non loin de l'ancien palais des princes kurdes, et encore aujourd'hui, les Kurdes de tous les pays viennent le visiter. Plus que simple poète, il est d'ailleurs considéré comme un grand cheikh, un Baba.

La légende de "Mem et Zîn", extrêmement populaire au Kurdistan, est peut-être la continuation orale d'une antique légende anatolienne. Elle a .pu faire l'objet de maintes versions orales, car les chefs féodaux kurdes avaient souvent leur poète attitré (stranbêj ou dengbêj), qui connaissaient par coeur un très grand nombre d'oeuvres, des chants d'amour (delal) aux gestes héroïques très longues, telle donc la célèbre "Memê Alan", datant du XVème-XVIème siècle, et qui est la version populaire la plus connue de cette histoire. Mais à côté de cette littérature orale et populaire, une littérature savante, écrite, commença à se faire jour dès le XV° siècle, ainsi avec le poète Ali Hariri (1405-1495). Ces poètes de cours étaient naturellement influencés par les grands noms de la littérature arabe ou persane, surtout par les oeuvres des soufis, car l'islam des Kurdes fut largement travaillé par les courants mystiques et souvent hérétiques.

Lorsque Ahmedê Khanî (1650-1706) décide de mette en vers la légende de "Mem et Zîn", le choix du sujet n'est pas anodin. Avant lui, d'autres poètes avaient composé en kurde. Ainsi, la cour raffinée des princes de Djezireh (dans la ville-même où se situe l'histoire de "Mem et Zîn") avait eu comme poètes Malayê Djazîrî (1570-1640) et Faqiyê Tayran (1590-1640). Ces auteurs, Khanî les cite d'ailleurs dans son prologue et leur rend hommage. Mais il a conscience d'accomplir quelque chose de nouveau qui dépasse le cadre de la jeune littérature kurde. Car pour lui, il s'agit plus que de littérature, mais de la revendication d'une culture nationale comme moyen d'unité. Cette "kurdité" à défendre est un concept inouï dans le monde ottoman où vivait Khanî, dans lequel les subdivisions des millets ou distinguaient les peuples par leurs religions et non par leurs langues. Un Kurde musulman sunnite, comme Khanî, était d'abord le membre d'une tribu inféodée à un prince qui reconnaissait symboliquement l'autorité des sultans ottomans ou des chahs d'Iran selon les circonstances. Un Kurde kizil bach ou alévi était en rébellion ouverte ou secrète contre le sultan d'Istanbul et ne reconnaissait comme autorité temporelle et spirituelle que le chef des Kizil Bach, c'est-à-dire le Chah d'Iran.

Or ces tribus kurdes, Ahmedê Khanî sait qu'elles ne forment qu'un seul peuple, une nation écartelée entre deux empires et s'usant dans des luttes perpétuelles dont elle ne tire aucun profit pour elle-même :

221. De toutes parts, ils sont le bouclier
De ces Persans et de ces Turcs,
222. Et les deux camps prennent les Kurdes pour cible
De leurs flèches meurtrières.

A cela, il ne voit qu'un remède : un prince kurde qui saurait fédérer et diriger les tribus. Mais dans un trait de génie, Ahmedê Khanî pressent qu'une unité politique ne serait pas suffisante, si elle ne s'accompagne pas d'une unité culturelle, la seule propre à raffermir un sentiment national. Deux siècles avant l'explosion des nationalismes, Khanî voit la langue comme un facteur puissant d'unification de la société kurde, d'où, sans doute, le choix de Mem et Zîn, cette histoire si largement connue dans toutes les couches de la société kurde.

Mais s'il souhaite à son œuvre la plus grande diffusion parmi tous les Kurdes, Khanî vise aussi une autre audience, celle des milieux lettrés, savants, qui jusqu'ici versifient plus volontiers en persan ou en ottoman qu'en kurde. Qu'il choisisse d'écrire un tel poème en kurde en traitant de soufisme n'est pas anodin car cette langue nationale est toute nouvelle dans les sphères supérieures de la littérature mystique et philosophique, et face à ce monstre sacré qu'est la langue persane, ou même l'ottoman, qui est la langue de cour, Ahmedê Khanî sait que son choix peut surprendre, voire choquer.

235. Khanî, en littérature, est imparfait.
Mais ce champ de la littérature, il le trouva vide.
236. Aussi, non par capacité et expérience,
Mais par patriotisme et amour du peuple,
237. Aussi, par persévérance et nécessité,
Il créa cette oeuvre nouvelle.

Ainsi la légende de "Memê Alan" devint "Mem û Zîn", et si cette oeuvre est la plus célèbre de la littérature kurde, et si son auteur est considéré comme le plus grand des auteurs kurdes, ce n'est pas un hasard. Ahmedê Khanî se hausse d'un coup au niveau des plus grands auteurs musulmans avec cette geste d'amour tragique de 2655 distiques, qui est à la fois, sous la plume géniale de son auteur, un roman d'amour, un poème d'amour mystique, et le récit animé et coloré de la vie quotidienne d'une cours princière dans le Kurdistan du XVII° siècle.

La traduction de Mem et Zîn

"Mem et Zîn" n'avait jamais été traduit en français, contrairement à la version populaire, "Memé Alan". Ce texte présente en effet plusieurs difficultés. Tout d'abord la langue qu'emploie Ahmedê Khanî est un kurde qui a trois cents ans et est difficile d'accès, même pour un Kurde aujourd'hui. Ahmedê Khanî, comme tous les lettrés de son époque utilise beaucoup de mots "savants" empruntés à l'arabe, au persan, au turc et emploie également des tournures qui appartiennent à la langue kurde du Botan, un des foyers culturels de l'époque. On se heurte aussi à des problèmes de compréhension du texte : l'oeuvre d'Ahmedê Khanî était à replacer dans la littérature mystique iranienne et une bonne connaissance du soufisme était indispensable pour comprendre la pensée de l'auteur. Une bonne connaissance de la vie traditionnelle kurde et de la culture du Botan était également nécessaire pour expliquer certaines coutumes, certains comportements.

Cette traduction a été établie à partir de la version kurde originale, éditée avec sa traduction en turc par Mehmet Amin Bozarslan en 1968. Cette version comportait cependant des passages qui avaient été censurés en Turquie et la version kurde traduite récemment en arabe par Jan Dost, grand spécialiste d'Ahmedê Khanî, a été également consultée, ainsi que son auteur, qui a collaboré à l'approfondissement de certains passages.

Enfin, il a paru nécessaire d'accompagner la traduction en français de "Mem et Zîn" d'un ensemble de notes et d'explications visant à rendre cette oeuvre accessible à des lecteurs français qui seraient peu familiers de la littérature musulmane et des Kurdes. Dans ce contexte, un système de retranscription des noms kurdes très phonétique et lisible en français a été adapté. Par contre, l'ordre et la numérotation des 2655 distiques que comporte le poème ont été strictement respectés.


Louange à Dieu1

1. Je commence ce livre par le nom de Dieu,
Car sans ce nom, le livre ne serait pas complet2.
2. Ô Dieu, apparu dans la beauté de l'amour !
Ô Dieu, le bien-aimé réel et symbolique !
3. Ecrire sur l'amour, c'est toujours écrire Ton nom
Et l'ornement tracé par le calame3 de l'amour, c'est aussi Ton nom.
4. Sans cet ornement, les broderies du calame sont grossières,
Et sans ce nom, le livre ne serait pas complet.
5. Ton nom est la destination de tous,
En Ton nom, tous les écrits sacrés ont été rassemblés.
6. Ton nom est l'essence de tous les versets4,
Le Créateur révélé mais non visible peut être vu dans Ton nom.
.....

1 Les poètes iraniens débutaient leurs oeuvres par une louange à Dieu.
2 Selon un hadith "Tout ce qui commence sans le nom de Dieu est incomplet".
3 Roseau taillé servant à l'écriture.
4 Du Coran.




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