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La Civilisation de l’Islam Classique


Éditeur : Arthaud Date & Lieu : 1983, Paris
Préface : Pages : 520
Traduction : ISBN : 2-7003-0447-0
Langue : FrançaisFormat : 135x190 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Sou. Civ. N° 7618Thème : Religion

La Civilisation de l’Islam Classique

La Civilisation de l’Islam Classique

Dominique et Janine Sourdel

Arthaud

La civilisation islamique est trop souvent présentée comme un ensemble mobolithique, resté presque invariable depuis le temps où l’Islam fut prêché par Muhammad jusqu’à une époque toute récente. En réalité, la doctrine sur laquelle se fonde cette civilisation ne fut élaborée que peu à peu et elle ne cessa d’être l’objet de discussions souvent passionnées, provoquant durant toute la période médiévale des disputes et des luttes politiques dont certaines furent d’une extrême âpreté. Le cadre économique et social lui-même qui conditionna l’évolution de cette doctrine se transforma très sensiblement au cours des siècles : d’une part, à un Empire unitaire succédèrent des royaumes ou des principautés à tendance féodale ; d’autre part, la population se renouvela à plusieurs reprises à la suite d’invasions. On ne saurait donc parler que d’aspects successifs de la civilisation islamique.
L’analyse que l’on trouvera ici est consacrée essentiellement à la période qui s’étend du IXe au XIIe siècle. Période de conquête et de rayonnement, période d’éclat culturel et matériel particulièrement brillant, qui a mérité le nom de classique, c’est aussi celle dont les adeptes de l’Islam conservent souvent encore la nostalgie et dont la connaissance reste indispensable à quiconque veut suivre et comprendre ses développements ultérieurs.


Table des Matières

Preface / 5
Introduction / 7

I. Naissance Et Morcellement D’un Empire
Chapitre I. Debuts De La Civilisation Arabo-Islamique (622-750) / 15
L’Arabie ancienne et le milieu hidjazien / 22
La prédication de Muhammad à la Mekke / 23
L’organisation de la communauté médinoise et le triomphe final de Muhammad / 27
Le règne des Compagnons, les dissensions et l’expansion de l’Islam / 31
Efforts et difficultés de la dynastie umayyade / 39
Les premières transformations de la société islamique / 51

Chapitre II. Vicissitudes Du Pouvoir Central (750-936) / 55
Les débuts de la dynastie bagdadienne et les mouvements sécessionnistes / 56
Le temps de Hârûn al-Rashîd et d’al-Ma’mûn / 63
Fondation de Samarra et nouveaux mouvements séditieux / 67
Dernier effort de redressement et déclin du califat abbasside / 73

Chapitre III. Foyers Provinciaux Et Dislocation De L’empire (900-1260) / 79
Le califat umayyade d’Espagne / 82
Le califat fatimide et son idéologie / 85
La dynastie arabe des Hamdanides et le protectorat iranien des Bouyides / 91
L’Iran sous les Samanides et les premières dynasties turco-iraniennes / 95
Les Saldjoukides / 97
Les épigones des Saldjoukides et l’époque des croisades en Syrie / 104
L’Occident islamique / 109
Les mutations de l’Orient / 115

II Religion et Société

Chapitre IV. Le Donne Revele Et Son Approndissement (VIIe-VIIIe Siecle) / 119
La révélation coranique, problèmes de transmission, de lecture et d’exégèse / 119
Les thèmes principaux de la prédication muhammadienne et ses grandes prescriptions / 125
Sunna et premières discussions / 133
La naissance des écoles juridiques / 141
Les débuts du mouvement ascétique et mystique     / 44
Héritage antique et influences extérieures / 146

Chapitre V. Élaboration Doctrinale et Mouvements Religieux (IXe-XIIe Siecle) / 149
La pensée mu'tazilite et sa portée politique / 149
Les partis d’opposition shi’ites / 157
L’opposition zaydite / 158
Le messianisme imamite / 161
L’ésotérisme isma’ilien et ses ramifications / 167
La position traditionaliste et fidéiste / 172
La théologie dogmatique et les progrès de l’ash‘arisme / 178
La science de la Tradition et la diffusion des écoles juridiques / 182
Essor du mysticisme, confréries et développement du culte des saints / 184
La philosophie hellénisante ou gnostique et les sciences / 190
Dogme et humanisme / 194

Chapitre VI. Droit, Institutions Politiques et Morale / 197
Grandes prescriptions culturelles et usages divers / 198
Droit social et familial / 2O7
Les bases du droit public et le problème de l’imamat / 212
L’organisation judiciaire / 222
Organisation administrative, armée et police / 226
Droit, éthique et piété personnelle / 234
Conscience de l’islamité / 238

III. Économie Et Milieux Sociaux

Chapitre VII Paysages et Ressources de l’Empire / 243
Pérennité des anciens paysages / 243
Les déserts dans l’empire / 244
L’image classique du bédouin / 247
Grandes plaines alluviales et oasis de plateau / 251
Vie paysanne ancienne et technique de l’eau / 259
La mise en valeur des terres et la place du jardin dans la mentalité classique / 267
Les ressources naturelles de l’empire et l’artisanat rural / 271
Les industries spécialisées (textiles et tapis, travail de l’ivoire, du cuir et du métal, arts du feu et arts du livre) / 276
Les activités de construction / 285
Les conditions du commerce / 288
Les grandes routes commerciales / 291
La défense du territoire / 296

Chapitre VIII. Le Palais et l’Entourage Souverain / 299
Le palais abbasside et ses différentes parties / 300
Multiplicité et fragilité des résidences princières / 302
Les premières résidences umayyades / 3J5
Transformation du palais abbasside dans les provinces / 323
La maison domestique du souverain et l’office du chambellan / 329
Les grands dignitaires / 334
Cérémonial des audiences et glorification du souverain / 341
Les sorties du prince pour les obligations rituelles / 348
Le souverain et la guerre / 351
La journée du souverain et ses divertissements / 353

Chapitre IX. La Ville et les Milieux Urbains / 361
Les éléments constitutifs et les organes essentiels de la cité classique / 363
Permanence de traditions antérieures / 378
Villes-camps et ville umayyade / 380
Métropoles abbassides d’Irak et grandes cités provinciales / 384
La ville de l’époque post-saldjoukide / 387
Le milieu urbain des hommes de religion / 391
Secrétaires, négociants et citoyens fortunés / 400
Savants, lettrés et poètes / 405
Artisans et boutiquiers / 412
Salaires, niveaux de vie et troubles populaires / 416
Esclaves et tributaires / 420
Fêtes et réjouissances / 421
Le rôle des milieux urbains / 423

Conclusion / 425
Index Documentaire / 429
Bibliographie / 487

Atlas General / 499

Tableau d’assemblage / 500

Carte I / 502
Carte II / 504
Carte III / 506
Carte IV / 508

Table Des Matieres / 515


INTRODUCTION

Religion monothéiste encore vivante de nos jours après s’être imposée par les armes à un immense empire et avoir ensuite animé des foyers locaux plus ou moins indépendants, l’Islam conserve actuellement une remarquable force d’expansion, quoique désormais pacifique, et demeure, de 1 Afrique noire au Pakistan et même à la Malaisie, la religion dominante de nombreux États modernes, même de ceux qui se sont établis apparemment sur des bææs plus nationalistes qu’islamiques. Les traits de cette foi simple, qui s accompagne d’obligations sociales et individuelles depuis longtemps codifiées, sontsuffisamment marqués pour avoir modelé, et modeler toujours à l’epoque actuelle, bien des aspects psychiques et bien des habitudes sociologiques des adeptes qui s’en réclament. D’où la tendance commune à parler d une civilisation islamique originale et toujours semblable à elle-même que l’on retrouverait dans des régions géographiquement fort diverses et qui se serait constituée des la proclamation de la révélation coranique par la bouche de Muhammad pour se perpétuer ensuite, sans modification notable, après avoir fondu en seule « communauté des Croyants » tous les représentants dun monde islanuse.

Les raisons qui militent en faveur d’une telle manière de voir sont évidemment puissantes. La civilisation islamique existe, par opposition aux formw de civilisation non touchée par cette doctrine, et il y a déjà longtemps quun orientaliste comme L. Massignon avait su mettre en valeur la reahte de ce qu’il appelait les « blasons de l’Islam » et dont d continuait à discerner l’influence de siècle en siècle jusque dans la vie, pourtant muloforme, de ce monde musulman moderne qui suscite aujourd’hui tant de curiosités. Ainsi doit-on lui faire pour une part crédit de la faveur que rencontra, pendant toutes ces dernières années, la notion de « cité islamique » intemporelle dont on peut se servir comme d’une clé pour comprendre bien des phénomènes historiques demeurés sans cela obscurs, à commencer par ce phénomène d’interpénétration qui a contribué pendant des siècles à imffier les mentalités de groupes ethniques ou politiques originellement fort différents.

A l’Islam mérite en effet d’être rattachée une forme de culture que distingue la prééminence, dans l’activité intellectuelle, de ces sciences juridiques et religieuses fondées sur le respect de la Tradition, qui lui ont fourni la base de son armature doctrinale. De l’Islam encore relève un type de société qui donne la première place, à côté d’une autorité temporelle subie plutôt que justifiée, à des docteurs, juristes et juges qui se trouvent par définition nantis, parmi leurs contemporains, d’un prestige moral indiscutable, sinon d’une autorité contraignante. D’où ce souci du conformisme légal et ce respect des interprètes de la Loi, qui colorent une morale aussi bien publique qu’individuelle dominée par l’application constante de minutieuses prescriptions.

Le phénomène fut même renforcé par le jeu d’autres facteurs, telles les conditions socio-géographiques communes à la zone subdésertique dans laquelle s’étendit d’abord l’Islam, telle aussi la nature de l’héritage, à la fois intellectuel et technique, que l’Orient de la basse Antiquité avait légué à ses envahisseurs. Ces derniers facteurs, indépendants du fait religieux proprement dit, mais si profondément liés à lui qu’il est souvent difficile de les en distinguer, expliquent sans doute la pérennité, en territoire islamique, de cette forme de régime autocratique, dominé par le pouvoir arbitraire du souverain, et de cette économie de type médiéval, fondée sur la richesse foncière et le grand commerce, qui en constituèrent longtemps certains aspects les plus frappants. Us concoururent ainsi à renforcer, dans les pays d’Islam, le sentiment de cette unité fondamentale qui devait longtemps prévaloir sur la conscience des oppositions internes et permettre de distinguer le domaine des musulmans de celui des « infidèles », avec lesquels les premiers ne pouvaient se trouver qu’en état de lutte armée ou de trêve temporaire.

De toutes ces évidences on ne saurait cependant conclure à l’uniformité dans le temps ni l’espace de la civilisation qui naquit ainsi de l’Islam. Non seulement les dynasties rivales y défendirent chacune leurs propres ambitions historiques et incarnèrent dans des États distincts la mentalité partisane qui les inspirait, mais le monde islamique lui-même, né déjà de la réunion sous une même autorité de pays au peuplement et au passé extrêmement variés, ne cessa de subir les effets de leurs tendances constantes à la sécession. Il connut au cours des siècles de nombreuses mutations d’ordre politique et social, touchant aussi bien le Proche-Orient arabo-musulman, qui en demeura toujours le cœur, que les provinces excentriques où surent s’élaborer, au contact d’habitudes étrangères, des symbioses parfois éloignées des réalisations anterieures. Aux premiers empires unitaires issus des conquêtes arabes succédèrent ainsi desi royaumes de moindre extension que le jeu des causes economiques et des appetit dynastiques fit évoluer à leur tour dans des proportions très diverses, depuis la petite principauté indépendante groupée autour de son souverain local jusqu’au fragile agrégat de provinces rassemblées par la force d’un heureux conguérant.

En même temps ne cessaient d’intervenir de nouveaux éléments de différenciation, dus surtout aux infiltrations pacifiques ou aux brutales invasions de peuplades non arabes sorties des steppes asiatiques ou des deerts africams, oui étaient prêtes le plus souvent à s’islamiser rapidement, mais qui n’en modifiaient pas moins par leur apparition les conditions de l’équihbre anterieur On sait combien la lente intrusion des Turcs transforma la phisionomie de l’Empire abbasside dans ses provinces extremes comme dans ses provence extremes comme dans ses capitales irakiennes. L’accession au pouvoir de ces mêmes Turcs, venus en force de l’Asie central en Iran, produisit des effets encore plus sensibles, à mesure qu’étaient annexés à l’Islam de nouveaux territoires – telles l’Anatolie à l’époque saldjoukide et l’Europe balkanique à l’époque ottomane – et que se manifestait surtout une transformation profonde de la société islamique au contact nouveaux usage et de nouvelles habitudes de vie. Mais les destructions successives accumulées par la vague conquérante de Gengis Khan d abord et par la sau g aventure de Tamerlan ensuite n’eurent pas des conséquences moins frappantes, tandis que l’Iran, largement ouvert désormais aux influences asiatiques, retrouvait du qôté de l’ouest une frontière abolie depuis des siècles, tandis aussi que, revenaient à la steppe, sous les déprédations des Turcomans, bien des terrr toires cultivés sur lesquels avaient vécu des générations de dénier toute valeur aux contingences historiques que de faire simplement abstraction des conséquences directes de tels bouleversement, accentuées encore par les effets, réels quoique moins spectaculaires, des conflits qui continuaient de surgir quotidiennement entre États musulmans. Sans oublier la tension permanente qui ne cessa d’opposer le monde islamique aux entreprise ambitieuse de l’Occident chrétien d’abord, puis de l’Europe commerçante et industrielle un peu plus tard, entreprise guemere telles que les croisades en Orient ou que la reconquête en Europe de l’Espagne et du bassin du Dæiubq, entreprises marchande aussi à meure que les commerce italien et français prenaient pied peu à peu dans les Echelles du Levant.

A ces diverses conjonctures, qui permirent à telle forme de société, plus spécialement implantée dans telle ou telle région, de prospérer et de s’exprimer par des œuvres marquées de son sceau, correspondirent autant de cultures locales que leur caractère islamique n’empechait pas d etre profondément enracinées dans le temps et dans l’espace. L’Islam turc de la période ottomane, celui de l’Iran sous la dynastie safavide ou encore celui de l’Inde à l’époque des Grands Moghols, pour prendre quelques exemples connus de tous, apparaissent ainsi comme des créations originales où la place de premier plan dévolue à la religion musulmane n’empêcha pas l’action d’autres courants fort particularisés. Et, plus près de nous, les problèmes des Etats islamiques modernes sont encore venus démontrer les possibilités d’évolution de principes ou de modes d’existence que l’on aurait eu tort de croire intangibles.

Certes, parmi ces cultures caractérisées le plus souvent par l’usage d’une langue originale, il n’en est point qui mérite d’être considérée dans son isolement total ou qui puisse se comprendre sans référence aux cultures antérieures ou contemporaines greffées sur la même souche islamique. Mais à vouloir atténuer Hana une vue d’ensemble la spécificité de chacune d entre elles, pour s attacher aux seuls traits pérennes qui leur soient communs à toutes, on ne saurait obtenir qu’une image affadie et artificielle de ce qui constitue peut-être l’essence d’une civilisation islamique « moyenne », considérée sub specie aetemitatis, mais qui n’a en fait jamais existé sous cette forme. S’élaborant à partir de données juridico-religieuses progressivement explicitées dans un cadre matériel changeant — ainsi que l'ont mis si heureusement en relief les recherches d’H. Laoust dans le domaine de l’islamologie —, la civilisation islamique a été autant qu’une autre soumise aux lois d’une croissance et d’un déclin qu il est maintenant banal d’assimiler aux étapes de la vie humaine. A la différence de beaucoup d autres cependant, elle a été constamment marquée par un souci d’imitation du passé qui confère une importance particulière à ses manifestations les plus anciennes, celles où il faut aller chercher, dans une perspective dynamique, les principes et les expériences qui ne cesseront d’inspirer ses formes postérieures.

En ce sens, la première civilisation impériale de l’Islam, cette civilisation arabo-musulmane qui vécut d’abord sous l’égide des Umayyades, puis des Abbassides, et qui grandit avec le triomphe temporel d’un Islam encore tout proche de ses origines, mérite seule le nom de « classique » dans l’acception la plus générale de ce dernier terme. Loin d’avoir joué le rôle d’une époque de transition plus ou moins dédaignée par les âges ultérieurs, comme le fut notre Moyen Age occidental, elle s’identifia avec un modèle toujours imité et respecté, première et parfaite réalisation du type de société qui était né des préceptes mêmes du Coran et qui en partageait donc le prestige. De cette civilisation historiquement facile à dater, les massives invasions asiatiques des Turcs et des Mongols, coincidant avec les troubles dus aux incursions franques ou aux poussées en Occident des et montagnards berbères, marquèrent le déclin, en même temps qu’elles consacraient le morcellement territorial et linguistique d’un ensemble où la volonté d’arabisation avait jusque-là servi de ferment durnte. Mais cinq siècles de prospérité matérielle et culturelle s étaient auparavant succédés, qui avaient suffi à la constitution d’un patrimoine artistique et Intellectuel d’un prodigeuse richesse.

Nombreuses sont assurément les difficultés qui s’opposent aujourd’hui à son étude exhaustive à pardi d’une documentation inégale. De la société où elle erandit et s’épanouit, seules les castes aristocratiques d’une part et intellectuelles de l’autre nous apparaissent par exemple à travers les sources narratives ou documentaires qui laissent généralement dans l’ombre la population laborieuse De trop rares données d’ordre economique — sur lesquelles pourtant un historien comme C. Cahen s’efforce depuis des années d’attirer la curiosité des chercheurs — nous empêchent encore d’apprécier avec exactitude les conditions matérielles sur lesquelles reposait la prospérité du monde musulmane de cette époque. Les comparaisons avec les faits modernes, pour lesquels on est mieux renseigné, restent dans leur ensemble trop fragile pour quony puisse chercher la base de restitutions ou d’évaluations. Les vestiges archéologiques eux-même, auquels J. Sauvaget rendit leur vraie place dans la perspective d’une « histoire complete » mais que l’on a commencé à prospecter depuis trop peu d’années dans des regions difficiles d’accès, n’éclairent qu’imparfaitement les habitudes de vie observées à l’époque lointaine sur laquelle on les interroge. D’une manière générale, le retard des études conscacré à des diverses questions, constitue encore de nos jours un obstacle majeur, dont on peut seulement espérer qu’il s’attenuera à mesure que croitrons en nombre et rigueur, des investigations scientifiques nouvelles.

Mais le tableau incomplet qu’il en attendant, se résoudre aujourd’hui à brosser n’en reste pas moins profondément révélateur, ne serait-ce que par L défauts S ce que dut être jadis la civilisation islamique « classique ». On y découvre cette civilisation sous deux aspects difficiles à faire exactement coincide : ses brûlantes réussites techniques et materielles dune part, où il faut chercher la source du luxe et de la facilité que connaissaient alors les membres des classes dirigeantes ; son orientation religieuse et intdlectuelle d autre.part, grâce à laquelle on entrevoit la manière de penser et de juger d une société tout entière. Du premier aspect relève à peu près toute l’illustration concrète dont nous disposons pour nous représenter les hommes de cette période à travers leurs œuvres, œuvres architecturales ou produits de leur artisanat, car les représentations figurées du genre « portrait » sont rares à l’époque. Le deuxième aspect se découvre en revanche à travers des observations plus variées, touchant aux faits politiques et culturels que dominaient les exigences de la condition ancienne du musulman. Ce qui revient à situer la civilisation islamique dans un état de tension entre deux pôles : celui que lui imposait d’une part une doctrine régissant les moindres actes de la vie humaine en fonction d’un absolu présupposé par une foi ; celui vers lequel tendaient d’autre part les anciennes traditions profanes dont elle était devenue l’héritière et qu’elle ne pouvait rejeter sans refuser en même temps le triomphe temporel sur lequel elle avait fait reposer la grandeur même de son message.

Première Partie

Naissance et Morcellement d’un Empire

Chapitre I

Débuts de la Civilisation Arabo-Islamique
(622-750)

Dès les premières aimées du VIIe siècle se situa l’annonce en Arabie, au sein de la désertique région du Hidjâz et par la bouche d’un homme inspiré qui s’appelait Muhammad — nom transcrit souvent en français sous la forme Mahomet —, d’une religion nouvelle fondée sur la « soumission à Dieu », ou islâm, et sur l’obéissance à son Envoyé. Cette prédication ne toucha d’abord qu’un petit nombre de contemporains, dans la cité marchande de la Mekke et l’oasis montagnarde de Yathrib devenue la « ville » du Prophète ou Médine. Tout juste atteignait-elle, à la mort de Muhammad en 632, les tribus arabes qui nomadisaient dans l’intérieur du pays et dont certains chefs avaient accepté de reconnaître l’autorité du nouvel Etat, sans que ce ralliement politique puisse être toutefois qualifié de véritable conversion à l’Islam. De tels effets apparemment mineurs, mais bientôt étendus au-delà de ce cadre local, expliquent néanmoins le bouleversement politique qui allait, moins de cinquante ans plus tard, transformer la physionomie de l’Asie antérieure et du Bassin méditerranéen presque tout entier, lorsque se serait étendu, jusqu’à la barrière pyrénéenne d’une part et jusqu’aux plaines de l’Indus et de Transoxiane d’autre part, un empire né du besoin d’expansion de la nouvelle foi.

La soudaineté de ce phénomène et le contraste existant entre les humbles débuts de la communauté musulmane et l’épanouissement d’un immense État conquérant n’ont pas manqué de susciter l’étonnement des historiens. D’où les explications diverses qui en ont été proposées et qui presque toutes choisissent d’y voir un cas particulier de l’effondrement du monde antique. Le lien en tout cas reste évident entre la création modeste de Muhammad et la complexe organisation du monde islamique ultérieur qui chercha ses principes …


Dominique et Janine Sourdel

La Civilisation de l’Islam Classique

Arthaud

Editions Arthaud
La Civilisation de l’Islam Classique
Dominique et Janine Sourdel

Collection les Grandes Civilisations
Dirigée par Raymond Bloch

© Les Editions Arthaud, Paris. 1983.
Tous droits réservés

ISBN 2-7003-0447-0.

Achevé d’imprimer le 20 octobre 1983
sur les presses de l’imprimerie Aubin à Ligugé.
Brochage par la S.P.B.R. à Chevilly-Larue.
N° d’édition : 1669 - N° d’impression : L 16030
Dépôt légal : novembre 1983.

Imprimé en France.



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