Le roi du Kurdistan
I
Les Croisés entrent au Kurdistan
Le monde était terriblement secoué. De pesantes nouvelles arrivaient de toutes parts. L'on disait que la terre commençait une nouvelle journée. Au pays des danses, des chants et de la musique, au Kurdistan, à travers des montagnes pleines de fleurs et de gazons, marchaient des colonnes de guerriers soumis à leur roi Shêrzad. Elles suivaient un objectif arrêté et de grandes caravanes chargées de nourriture les accompagnaient.
On disait que des cavaliers habillés de fer, le visage masqué d'acier, étaient venus attaquer cette terre d'Orient. Le pays où volent des oiseaux aux ailes d'or, où des vents froids revigorent, où vont entre les jacinthes mauves des femmes au charme gracieux, était envahi. Le Roi dans son splendide palais de marbre, avait réuni tous les sages, les grands, les guerriers et ses nobles.
Des conseils de guerre se tenaient au delà des limites horaires habituelles. Les jardins heureux et joyeux, où des bassins d'ivoire libéraient des jets d'eau d'argent pur, afin qu'y courent en s'y trempant les doigts élégants des jeunes femmes, les jardins eux-mêmes étaient tristes comme une jeune fille morose.
Le rythme grave du pas des sentinelles avait pour écho les cris d'enfants bouclés qui échappent à la poigne de la tristesse.
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PREFACE
« Le Roi du Kurdistan » appartient au genre épique. Plusieurs versions de cette épopée nationale ont été produit à des époques différentes. Les Kurdes ignorent quel fut le premier, auteur de ce merveilleux récit. Les 3.000 vers du poème classique remontent au Moyen Age. La destruction des bibliothèques et l'anhilation de la nation kurde ont fait disparaître les manuscrits originels. La copie sur laquelle nous avons travaillé est une leçon populaire conservée pieusement dans une des familles de troubadours kurdes qui gardent la tradition de la poésie populaire.
L'Emir Kamuran Bedir-Khan et moi avons d'abord éliminé de ci de là les vers d'un lyrisme poussant la description complaisante et enthousiaste jusqu'au pléonasme. Nous n'avons point pratiqué de coupures franches, mais sacrifié un quatrain, un vers, un hémistiche, nous attachant à traduire une image caractéristique sans cependant la séparer de son ambiance. Les prodigalités de métaphore et du verbe dont se montre opulent l'auteur primitif dès qu'il s'agit de peindre des combats ou des palais, eussent lassé le lecteur occidental qui, attentif et raisonnable n'a point besoin qu'un nouvel émerveillement vienne de proche en proche ranimer une attention que ralentissent les excès da climat ou l'indolence native des habitants de cette latitude. Aucune élimination n'a porté sur la psychologie des héros ou les évènements sentimentaux. La naïve et rude poésie des images nous a fait envier de leur donner en français un reflet exact.
On remorquera que la logique du récit s'apparente extraordinairement à un roman français. Quand on saura que nous n'avons pratiqué aucune interpolation, on comprendra que l'ethnologie n'est point seule à affirmer l'aryanisme du peuple kurde. Si, en effet Le roi du Kurdistan rappelle les écrits orientaux par l'abondance des images et le besoin de magie de son texte authentique, il en diffère comme on le verra par la caractéristique même de sa poésie : on pourrait dire la nature verte à l'occidentale, un amour franc de la nature rurale, une prédominance pour ne pas dire une exclusivité d'images poétiques célébrant le jour, la haine du désert, enfin l'emprunt au Christianisme de termes et de noms propres. Un poème arabe eut, tout au contraire, célébré la nuit et ses constellations, le sable ingrat des immensités arides et une conception philosophique et morale purement mahométane, en tout cas sémite. Les Aryens kurdes, montrent par ce poème un parallélisme étonnant entre leur organisation militaire médiévale d'Emirs, de règles nobles du combat et notre Chevalerie. La représentation de la Croisade vue par les victimes, convaincra sans aucun doute le lecteur occidental que cette grande entreprise religieuse devint, lorsqu'elle se déroula sur les terres aryennes kurdes, c'est à dire à l'Est et au Nord-Est de notre actuelle Syrie, une guerre fratricide puisque entre hommes de la même race. Une différenciation importante entre la poésie kurde et la poésie arabe est, comme on le verra, l'absence absolue dans le poème, de tout traître. De Même aucune ruse de guerre n'est employée. Le seul personnage qui rappelle par son caractère d'entremetteuse au fond d'une maisonnette blanche, les intermédiaires classiques des amoureux dans les Mille et une nuit, apparaît précisément au moment où le roman se déroule hors du territoire kurde. Il faut bien y voir la preuve d'abord de la dissemblance entre les Kurdes et les Arabes, ensuite de la tradition romanesque des procureuses dans la vie et dans la littérature arabes.
Si le lecteur qui attend une surprise étonnante à l'annonce d'un texte en une langue qui ne fait pas encore l'objet d'un enseignement à notre Ecole des Langues Orientales, éprouve quelque désillusion d'exotisme, c'est qu'il ne peut s'agir des Moeurs de peuplades sauvages, mais au contraire de la peinture de la vie de lointains parents des Occidentaux qui, autour du Mont Ararat, ont gardé malgré les plus horribles persécutions asiatiques, sous la protection bien souvent de belliqueux Européens, le plus pur idéal aryen.
Enfin, c'est la première traduction européenne d'un monument littéraire kurde.
Adolphe de Falgairolle
Emir Kamuran Aali Bedir-Khan
&
Adolphe de Falgairolle
Le roi du Kurdistan
Roman épique kurde
Collection « Trésor Du Siècle »
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Périodiques - Publications
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Aux Éditions du trésor du siècle
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