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Mémorandum, sur la situation des Kurdes


Auteur :
Éditeur : Compte d'auteur Date & Lieu : 1948-01-01, Paris
Préface : Pages : 48
Traduction : ISBN :
Langue : FrançaisFormat : 165x250 mm
Code FIKP : Lp. Fr. Gen. 637Thème : Politique

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Mémorandum, sur la situation des Kurdes


Mémorandum, sur la situation des Kurdes et leurs revendications

La délégation kurde

Compte d’auteur

Dans l'effort d'équilibre et de réparation que poursuit, au sortir de la deuxième Grande Guerre, l'Assemblée des Nations, et qui doit, par l'autorité de l'O.N.U., reprendre et compléter celui qu’après la première Grande Guerre, la Société des Nations, sur bien des points, avait ébauché, mais dans lequel elle avait échoué, il est un peuple autour duquel on avait fait le silence et on continue de le faire, peuple que l'on oublie, que beaucoup ne connaissent pas ou méconnaissent, victime séculaire dont le destin sacrifié, s'il persistait, grèverait et adultérerait la loi de justice internationale espérée du monde. J ai nomme le peuple kurde.

Nous apportons les preuves et les requêtes justifiant qu’il a ses droits comme nation libre et indépendante, et qu'on les lui a enlevés, qu'il a ses droits comme unité raciale et morale, et qu'on les a, par la force, abolis, en le démembrant, qu'il possède de hautes vertus civiques, des facultés de travail, et avec des traditions vivaces de foi et de bravoure, les aspirations les plus propres à faire fructifier le sol de sa patrie, au service de la civilisation, et qu'on les a brisées.

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INTRODUCTION

Dans l'effort d'équilibre et de réparation que poursuit, au sortir de la deuxième Grande Guerre, l'Assemblée des Nations, et qui doit, par l'autorité de l'O.N.U., reprendre et compléter celui qu’après la première Grande Guerre, la Société des Nations, sur bien des points, avait ébauché, mais dans lequel elle avait échoué, il est un peuple autour duquel on avait fait le silence et on continue de le faire, peuple que l'on oublie, que beaucoup ne connaissent pas ou méconnaissent, victime séculaire dont le destin sacrifié, s'il persistait, grèverait et adultérerait la loi de justice internationale espérée du monde. J ai nomme le peuple kurde.

Nous apportons les preuves et les requêtes justifiant qu’il a ses droits comme nation libre et indépendante, et qu'on les lui a enlevés, qu'il a ses droits comme unité raciale et morale, et qu'on les a, par la force, abolis, en le démembrant, qu'il possède de hautes vertus civiques, des facultés de travail, et avec des traditions vivaces de foi et de bravoure, les aspirations les plus propres à faire fructifier le sol de sa patrie, au service de la civilisation, et qu'on les a brisées.

Nous demandons que soit ouvert, devant les Nations Unies, le dossier du peuple kurde, qu'il soit révisé et jugé ; le dossier de son noble passé, quand il s'appartenait, le dossier de ses luttes et de sa défense obstinée, quand il a été asservi, le dossier de son écrasement qui, à l'heure actuelle le condamne au dépérissement, à la misère, a l'abandon de ses coutumes, de ses ressources, de sa langue, à l'abandon même de son nom que ceux qui le dominent, au gré d'un partage auquel il reste indomptablement rebelle, feignent d'ignorer.

Au nombre des brûlants problèmes qui demeurent en suspens dans le Moyen-Orient, celui-là est l'un des plus tragiques.

Nous nous permettrons, aussi succinctement qu'il est possible, d en exposer ici les données, les conditions, le long développement tourmenté d'époque en époque.

II
Témoignages

Il y a lieu, avant tout, de rectifier l'idée arbitraire et sommaire que l'on se fait, en beaucoup de pays, pour autant que l'on songe à lui, du peuple kurde. On a tendance à le considérer sans liens, sans organisation, sans puissance progressive, comme composé de tribus montagnardes, primitives, nomades, turbulentes.

Le mot tribu, qui lui est appliqué, en cette acception, est un mot étranger. Il n'existe pas dans la langue, kurde. Le Kurdistan comprend des villes, des villages et des clans, dont les habitantes et membres, bien que tenus, suivant les régions, à des déplacements saisonniers pour les besoins de l'élevage, sont fortement enracinés à leur terre, et l'aiment, y pratiquent en leurs variétés toutes les coutumes sédentaires, constituant un peuple stable, soucieux de vie civique, organisée, de progrès, de responsabilités sociales, de perfectionnement de l'esprit. Sa cohésion, les attachements réciproques qui en résultent sont si grands que la peine suprême pouvant frapper un citoyen coupable, la seule qui le menace et qu'il redoute, est le bannissement. On ne peut s'empêcher d'évoquer la Grèce antique, où se forma le sentiment de nation et de patrie, tel que la civilisation occidentale l'a développé ; le bannissement y était aussi inscrit dans la loi comme châtiment capital. Sur la consistance, les dons de caractère, les recherches du bien-être, les préoccupations de moralité, qui marquent la vie collective du Kurde et lui en font une vie nationale digne de s'aligner à celle des nations modernes, voici quelques témoignages donnés par des étrangers :

Dans : Les Kurdes et le Droit, un Français, M. L. Rambout, écrit : « Les Kurdes sont intelligents sous une allure parfois rustique, pleins de bon sens et de finesse. Ils ont l'imagination poétique et un esprit satirique auquel on ne s'attendrait guère. Les innombrables proverbes dont ils émaillent leur conversation dénotent un admirable don d'observation. »
Nombreux et plus insistants encore, sont les éloges venant d'observateurs anglais. Ils ne sauraient être suspects de partialité, puisque, tant de fois, comme nous le verrons, la politique britannique semble s'être acharnée à les démentir.
« Le jour où la conscience nationale des Kurdes se réveillera, dit W. H. Hay, dans Two Years in Kurdistan (page 36, Londres 1921), et où ils s'uniront, ,les Etats turc, iranien et irakien tomberont en poussière devant eux. »

Et plus loin (pages 62 et 63) : « Ce peuple surpasse de beaucoup tous ceux que j'ai connus en Orient. Son tempérament est presque nordique. Le Kurde est, d'abord, exceptionnellement laborieux, ferme et économe. Ensuite, il est toujours très propre, à moins qu'il ne soit très pauvre. En troisième lieu, le Kurde est moralement pur, presque puritain. »

Le Major Soane, dans To Mesopotamia and Kurdistan in Disguise, dit (pages 398, 399) : « A le juger comme représentant du type humain, le Kurde est probablement insurpassable. Les Kurdes ont l'air de ce qu'ils sont : les Mèdes d'aujourd'hui, dignes, pour peu qu'ils s'unissent, de redevenir une grande nation militaire dont la nature austère et dure pourrait tenir en respect les peuples plus médiocres parmi lesquels ils vivent ». « Si nous rencontrons dans le caractère kurde des traits qui, d'après le jugement des occidentaux, sont considérés comme des vertus, le crédit en revient à une disposition naturelle et fondamentale : loyauté, respect de la parole donnée, affection généreuse pour les proches, attitude très digne à l'égard de la femme, sens littéraire et amour de la poésie, désir généreux de se sacrifier pour son clan et une belle fierté de sa nation et de son, pays. » (Page 394, page 395.)

Dans Road Through Kurdistan, de A. H. Hamilton, nous lisons (page 222)' : « Le Kurde qui est un peuple montagnard est plus réservé, plus semblable à l'Ecossais. Il est moins bon vivant que l'Arabe, mais il aime la plaisanterie, particulièrement si elle le vise lui-même ou elle vise sa nation. Il est un peu mystique, un peu philosophe. Ce n'est pas un naïf. Il observe le monde d'un œil pénétrant et il s'intéresse beaucoup à la science et à la technique moderne, en dépit de l'état arriéré et primitif de son pays. »

Tout récemment, en 1944, dans The Kurds (Journal R.A.C.S.), le Major Bolton écrivait : « Toutes les grandes puissances qui se constituèrent et s'effondrèrent autour d'eux, les conquérants venant de l'Est et ceux venant de l'Ouest, essayèrent d'imposer aux Kurdes leur culture. Ils n'ont jamais réussi. Les Assyriens, les Grecs, les Romains, les Arabes, les Mongols et les Turcs, tous ont essayé de subjuguer cette race montagnarde, tous ont échoué. »

D'autres voyageurs d'autres pays ont éprouvé le même étonnement, la même admiration, devant la volonté opiniâtre, la vigueur morale de la nation kurde.

E. Epstein, dans un article 'Al Jezireh, publié en 1940 : « Les Kurdes de Jezireh sont connus pour leur bravoure, leur énergie, leur esprit d'entreprise. Les laboureurs kurdes sont supérieurs aux fellahin arabes. Bien que non fanatiques au point de vue religieux, les Kurdes conservent jalousement leurs coutumes et leur langue. »

Et Martin Hartmann, avant la première Grande Guerre, traçant un tableau des peuples d'Orient, anticipant sur la coopération de leurs qualités et de leurs droits, dans une juste loi et un ordre nouveau, écrit dans Fùnf Vortrage Ûber den Islam (Leipzig 1912) : «  En nommant les Kurdes parmi les peuples susceptibles d'être gagnés à la culture européenne, je me rends bien compte que je me heurterai à une forte opposition. Et pourtant, toutes les relations de voyageurs s'accordent à faire ressortir, sous leur rude écorce, un monde de sentiments délicats et profonds. De nombreux témoignages prouvent qu'ils sont doués d'une intelligence naturelle, d'une faculté d'assimilation rapide et d'un jugement droit. »

« Que cette nation trouve, un jour, son vrai guide, et elle étonnera le monde par sa force et par l'énergie dont elle fera preuve pour s'adapter à la civilisation mondiale. Elle ne manquera pas d'adopter les caractères latins pour écrire sa langue, qui est belle, très plastique et relativement pure d'éléments étrangers. »

(Remarquons que sur ce dernier point, le souhait de Martin Hartmann est, déjà, malgré toutes les entraves, réalisé.)
Enfin, pour ne point abuser des citations, nous rapporterons une remarque d'un des hommes les plus au courant de l'histoire kurde, et Kurdistan des plus avertis, M. Basile Nikitine, ancien consul de Russie en Perse. Elle vise le signe indéniable par lequel s'affirme raffinement d'un peuple : le sentiment des Kurdes envers la femme, et la place qu'ils lui réservent dans la vie sociale: « A la différence des autres communautés musulmanes, la femme kurde, écrit M. Nikitine, jouit d'une grande liberté en sa qualité de maîtresse de maison (Bani). En l'absence de son mari, elle reçoit les visites masculines au même titre que lui. Elle le remplace même à lai tête du clan et nous en connaissons plusieurs cas dans l'histoire kurde. Il nous est arrivé de traiter avec une dame kurde, Myriam Khanoum de Nehri, dont la dignité et la sagesse nous ont laissé le meilleur souvenir. La poésie populaire kurde lyrique ou épique, témoigne éloquemment du féminisme chez les kurdes. »

Telle est, en une rapide esquisse, visible, tranchante, possédant une originalité et un relief dont les voyageurs sont frappés, la physionomie de ce peuple. Telles sont les lignes générales qui auraient dû régler sa destinée, réaliser les espérances, les promesses qu'il recelait en son âme et en sa conscience.

Nous allons voir, maintenant, ce qu'en a fait l'histoire, et comment deux grandes guerres, deux grandes guerres dites pour le droit des peuples, ont anéanti ces espérances et rendu illusoires les promesses.




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