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La Turquie en Europe: L'opinion des Européens et des Turcs


Auteurs : |
Éditeur : Sciences Po Date & Lieu : 2011, Paris
Préface : Pages : 174
Traduction : ISBN : 978-2-7246-1209-7
Langue : FrançaisFormat : 135x210mm
Code FIKP : Liv. Fre. Cau. Tur. N° 4705Thème : Politique

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La Turquie en Europe: L'opinion des Européens et des Turcs

La Turquie en Europe

Bruno Cautrès
Nicolas Monceau

Sciences Po

L'adhésion de la Turquie à l'Union européenne divise. Jamais élargissement n'a suscité autant de réactions contrastées, voire d'oppositions radicales. Cette candidature soulève en effet des enjeux inédits sur l'identité, les valeurs, les frontières et le déficit démocratique de l’Europe.
Ces débats nous parlent avec force des non-dits d'une construction européenne fondée sur des postulats culturels et géographiques. Ils révèlent en sous-main la place prise par la question des migrations et celle de l’islam au sein des pays de l'Union.
Tel un miroir inversé, le reqard des Turcs sur l'Europe et leur désenchantement face aux réticences des Européens forment l'angle original de cet ouvrage qui propose une analyse croisée de l'évolution des opinions européennes et turques.
À l'heure où la Turquie entend jouer un nouveau rôle de puissance régionale, il appartient désormais aux gouvernements européens d'apprécier l'opportunité, ou au contraire le risque, de gagner ou de perdre la Turquie comme partenaire à part entière.


Bruno Cautrès est chercheur au Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po) et enseignant à Sciences Po. Ses recherches portent sur l'analyse du vote et des élections en France ou en Europe et sur la formation des attitudes politiques.

Nicolas Monceau est chercheur associé au laboratoire Pacte (CNRS) de l'Institut d'études politiques de Grenoble et enseignant à l'Université de Fribourg. Ses recherches portent sur les enjeux de l'élargissement (notamment de l'adhésion de la Turquie) chez les citoyens et les élites en Turquie, en France et en Europe.



INTRODUCTION

Des opinions européennes et turques

L’adhésion de la Turquie à l’Union européenne (UE) divise et fait débat. Elle est devenue un enjeu majeur de l’intégration européenne. Jamais en effet un élargissement de l’UE n’a suscité autant de réactions contrastées, voire d’oppositions radicales, souvent sur un mode polémique et passionnel. Certes des débats publics ont accompagné les élargissements précédents (six à ce jour) mais sans jamais atteindre néanmoins une telle intensité ni soulever autant de questions concernant l’avenir de l’UE, de ses frontières et de son identité. Le plus récent d’entre eux, à la Bulgarie et à la Roumanie, n’a ainsi guère suscité d’intérêt sinon d’enthousiasme en Europe.

La perspective de l’élargissement de l’UE à la Turquie apparaît en effet spécifique à bien des égards, non seulement en raison des caractéristiques du pays candidat - son poids démographique, sa position géographique, son niveau de développement et sa religion dominante, l’islam - mais aussi du fait des questions qu’elle a soulevées et qu’elle continue de soulever concernant la construction européenne. Car la candidature de la Turquie conduit les Européens à s’interroger pour la première fois sur des enjeux qui ont été jusqu’alors relégués au second plan, sinon occultés : l’identité et les valeurs de l’Europe, réactivées par les débats sur l’« européanité » d’un pays candidat musulman ; les frontières de l’UE questionnées à l’occasion de la candidature d’un État dont l’essentiel du territoire se trouve en dehors du continent européen et aux frontières du Moyen-Orient ; enfin, le déficit démocratique en Europe, marqué par la poursuite du processus d’adhésion de la Turquie par les institutions européennes face aux réticences et aux craintes des Européens. Par ailleurs, si les conséquences institutionnelles de l'entrée de la Turquie au sein de l’UE sont difficiles à évaluer et complexes à saisir, l’on peut estimer que l’élargissement à un pays fort de près de 75 millions d’habitants n’a pas le même sens que l’intégration de pays de tailles nettement inférieures2.

Ces différentes questions ont soulevé des débats publics passionnés, sinon polémiques, dans la plupart des pays européens au cours des dernières années. À la recomposition des clivages partisans, sur les plans national et européen, se conjuguent les réticences, voire l’hostilité, d’une majorité de citoyens européens selon les sondages d’opinion. Parallèlement, la perspective de l’entrée de la Turquie dans l’UE a investi les campagnes des dernières élections européennes ainsi que celles des référendums sur le traité de Constitution européenne, surtout en France le 29 mai 2005 mais également au Pays-Bas le lerjuin 2005. Face à l’ampleur de ces débats publics, il s’avère pertinent de s’interroger sur l’impact de la « question turque » sur les citoyens européens et turcs mais aussi sur ce qu’elle révèle de l’imaginaire européen. Comment Européens et Turcs perçoivent-ils l’éventuelle appartenance de la Turquie à l’UE ? Comment se positionnent-ils sur les principaux enjeux de l’intégration européenne de la Turquie, comme les droits de l’homme ou la place de la démocratie dans un pays de tradition islamique, mais aussi sur les critères plus subjectifs mis en avant dans de nombreux débats publics autour de l’appartenance géographique, historique et culturelle de la Turquie à l’Europe ? Dans quelle mesure adhèrent-ils ou non aux discours des leaders politiques nationaux sur la candidature de la Turquie ? Enfin, peut-on observer des clivages selon les pays européens et en fonction des catégories sociologiques de la population ?

- Représentations sociales et opinions publiques
Au cours des dernières années, l’état des opinions face à la question turque est devenu un élément du débat public en Europe, et notamment en France. En étant mise en avant plutôt par les opposants à l’entrée de la Turquie dans l’UE, la question des opinions publiques est apparue souvent instrumentalisée dans les débats européens. Or, malgré leurs limites, les données d’opinion peuvent permettre de dresser un tableau plus nuancé et complexe du rapport des Européens à la Turquie et, à travers ce dernier, de leurs conceptions plurielles de l’Europe, ainsi que du rapport des Turcs à l’Europe.

Aussi l’ambition de ce livre est-elle d’engager la réflexion aux niveaux des représentations sociales et des systèmes d’attitudes des Européens. La question de l’adhésion de la Turquie à l’UE agit en effet comme un « révélateur » (au sens photographique ou chimique du terme) : saisies en grande majorité par des enquêtes d’opinion, les représentations sociales que cette question permet de révéler constituent une donnée fondamentale du débat public et politique qui devrait s’engager sur la question de la Turquie en Europe. Plutôt que de céder à la facilité d’une lecture « à plat » et parfois orientée des données de ces enquêtes, il s’agit, si l’on souhaite construire un débat public et démocratique autour du projet européen comme autour de son élargissement, d’accepter la complexité et la multidimensionnalité des représentations sociales des Européens vis-à-vis de la Turquie en Europe. Aucune réponse n’apparaît évidente, unique ou stéréotypée : tel pourrait être l’enseignement délivré par ce livre.

Au-delà de la question turque, il est évident que c’est bien à une véritable pédagogie du projet européen que les élites politiques devraient se livrer, évitant les écueils d’un discours « suiviste » - « je suis pour mais mes compatriotes sont contre » - ou d’un discours « aérien » - « je suis pour mais mes compatriotes ne peuvent comprendre » - vis-à-vis des opinions publiques. Selon l’observation très pertinente de Simon Hix, communiquer sur l’Europe n’a de chances d’éclairer le débat public, d’informer les citoyens et de créer du lien démocratique qu’à condition que soient réunis les termes d’un débat politique sur les choix, les alternatives et la répartition du pouvoir au sein de l’UE3. Les dernières élections européennes de juin 2009 ont, à cet égard, montré que la …

1. 1973 (Irlande, Royaume-Uni, Danemark), 1981 (Grèce), 1986 (Espagne, Portugal), 1995 (Finlande, Suède, Autriche), 2004 (Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie, République de Chypre, Malte) et 2007 (Bulgarie, Roumanie).

2. Des recherches ont tenté de mesurer quantitativement l'impact de l'adhésion de la Turquie sur la capacité d’action au sein du Conseil des ministres de l'UE par le biais d'une proposition ainsi que sur la distribution des droits de vote et pouvoirs relatifs des États membres au sein du Conseil de l'Union européenne. Ces recherches en concluent que, sur ce dernier point, l'impact de l’adhésion de la Turquie serait important. Élaborés dans la perspective de la Constitution européenne, mais envisageant son échec et le retour au traité de Nice et aux modifications que celui-ci devrait alors connaitre, les travaux de Richard Baldwin et Mika Widgrén apportent d'intéressantes modélisations de cet impact. D'autres travaux, comme ceux de Robert Pahre et Burcu Uçaray-Mangitli, ont tâché de relativiser l’influence de l'adhésion de la Turquie, qualifiée de « mythe », sur le fonctionnement des institutions européennes. Voir Richard Baldwin et Mika Widgrén, « The Impact of Turkey's Membership on EU Voting », dans Bernard Hoekman et Sübidey Togan (eds), Turkey : Economie Reform and Accession to the European Union, Oxford, Oxford University Press et CEPR, 2005, p. 331-340; Robert Pahre et Burcu Uçaray-Mangitli, « The Myths of Turkish Influence in the European Union», Journal of Common Market Studies, 47 (2), 2009, p. 357-384.

3. Simon Hix, What’s Wrong with Europe and How to Fix it? Londres, Polity Press, 2008.




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