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Syncretismes et Heresies Dans l’Orient Seldjoukide et Ottoman


Auteur :
Éditeur : Peeters Date & Lieu : 2005, Leuven
Préface : Pages : 228
Traduction : ISBN : 90-429-1549-8
Langue : FrançaisFormat : 160x240 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Vei. Syn. N° 1664Thème : Général

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Syncretismes et Heresies Dans l’Orient Seldjoukide et Ottoman

Syncretismes et Heresies Dans l’Orient Seldjoukide et Ottoman

Gilles Veinstein


Peeters


Dans son étude sur l’origine du terme « socialisme », Georges Goriely estimait que « normalement, il existe peu de mots dont la définition soit plus claire, exige moins de surchage intellectuelle que les adjectifs en -iste et les substantifs en -isme. Ils constituent une des formes les plus aisées, les plus élémentaires et les moins mystérieuses de dérivation. Tout le monde sait que cela signifie “partisan de”. Qu’un rationaliste est partisan de la raison, qu’un nationaliste est partisan de la nation, qu’un surréaliste veut accéder au surréel, etc. »1 1 2. En fait, comme le reconnaît Goriely lui-même dans la suite de son analyse portant sur le contexte contre-révolutionnaire du milieu du XIXe siècle européen, ni l’origine du concept « socialiste » n’est claire, ni son usage qui va du social au politique, ou bien qui oppose le social au politique. Les concepts classificatoires à contenu religieux ou doctrinal partagent largement les aléas du terme « socialiste ».
Ils sont généralement commodes, même si leur sens peut apparaître flou. En principe, ils sont neutres, c’est-à-dire qu’ils ne comportent pas de jugement de valeur, mais ils ont été souvent ou sont parfois dépréciatifs. Un bon exemple de cet état de choses est fourni par l’article « Turcs ...



AVANT-PROPOS

Gilles Veinstein

L’idée initiale du colloque qui a donné naissance à ce recueil d’études est due à Irène Mélikoff. Celle-ci croyait reconnaître des liens étroits entre l’alévisme-bektachisme qu’elle a longuement étudié en Anatolie et dans les Balkans et les systèmes dualistes dont les origines remontent fort loin dans la pensée religieuse et philosophique, avant qu’ils n’aient suscité nombre hérésies dans le monde chrétien depuis ses origines, lesquelles ont continué d’exercer leur influence, sous des formes variées, dans l’Orient islamique. Elle souhaitait confronter ses interrogations avec quelques collègues, proches de ses intérêts. Ce qui avait été envisagé au départ comme une table ronde réduite, centrée sur une question précise, s’est sensiblement étoffé dans les faits en prenant les dimensions d’un colloque qui s’est tenu les 8-10 octobre 2001 au Collège de France, réunissant 27 participants, originaires de neuf pays différents. Cette manifestation était soutenue par le CNRS, la Fondation Hugot du Collège de France, l’UNESCO, l'École des hautes études en sciences sociales et l'Institut d’études méditerranéennes de Rethymno (Grèce).

Sans doute, la question initiale de l’héritage du dualisme est-elle restée au cœur des débats, mais il est vrai que bien d’autres sujets ayant trait aussi bien à la méthode en histoire des religions, qu’à la diversité des héritages culturels et religieux des Turcs, à la complexité ethnico-reli-gieuse des mondes seldjoukide et ottoman - ce dernier étant davantage pris en considération -, ont été également abordés. A cet élargissement, le résultat aura peut-être perdu en unité et en cohérence, mais par ailleurs il aurait été dommage de ne pas saisir une occasion prometteuse : celle de réunir un ensemble de chercheurs liés par des appartenances institutionnelles (plusieurs professeurs du Collège de France, par exemple), et/ou par un attachement commun à la personnalité et à l’œuvre d’Irène Mélikoff, mais qui, cependant travaillent rarement ensemble. Si, en effet, les spécialistes de l’alévisme-bektachisme, dans ses aspects doctrinaux et rituels, ont la possibilité d’échanger assez régulièrement leurs points de vue dans des cadres divers, plus rare est leur confrontation avec des historiens « généralistes » de l’Empire ottoman, et également avec des historiens des religions proprement dits, familiers des concepts et des méthodes de cette discipline spécifique et les appliquant à d’autres contextes que le Proche-Orient, l’Anatolie ou les Balkans des XIIIe-XVIIIe siècles. Ainsi cet élargissement avait des chances d’être porteur, non seulement d’informations et d’analyses nouvelles, mais aussi d’une clarification dans la manière de poser les problèmes et de tenter de les résoudre.

Deux conclusions d’ordre très général me paraissent pouvoir être tirées de ce large panorama, non sans lien avec des débats qui font rage à l’heure actuelle, beaucoup moins d’ailleurs dans le monde scientifique, que dans ceux de la politique, des médias et de l’opinion publique : l’islam dans son ensemble n’a certes pas le caractère monolithique qu’on nous présente assez couramment ; d’autre part quelle que soit son incontestable spécificité, il est loin d’avoir avec le judaïsme et le christianisme ce caractère d’altérité irréductible, complaisamment mis en avant. Il a trop puisé aux mêmes sources et coexisté avec ces autres religions trop longtemps sur les mêmes terres pour que cette opposition absolue ne procède pas de reconstructions artificielles et de simplifications abusives (aussi bien d’ailleurs de la part des islamophobes que d’islamistes radicaux). Tout cela est particulièrement vrai de l’islam turc d’hier et d’aujourd’hui, aux expressions multiples : si certaines d’entre elles s’éloignent à ce point de l’islam orthodoxe qu’on peut se demander si elles relèvent encore de cette religion, dans d’autres au contraire, comme plusieurs des contributions qui suivent le soulignent, la frontière entre orthodoxie et hétérodoxie est moins tranchée qu’on ne l’aurait supposé.

Ce n’est ainsi pas le moindre paradoxe de l’histoire - pour ne pas parler d’aberration - que de voir à propos de la question de l’entrée de la Turquie dans la communauté européenne, ce pays désigné par beaucoup comme l’incarnation même de l’islam, d’un islam pur et dur, indifférencié et irréconciliable, repoussoir absolu sur lequel convergent des hantises séculaires et des frayeurs plus récentes. Le colloque n’avait assurément pas été organisé pour souligner ce paradoxe, mais il aura du moins mis en évidence sur quels abîmes d’ignorance et de mauvaise foi reposaient de tels schémas.



Première partie

Concepts et Antécédents

Michel Tardieu

Les Facettes du Syncrétisme :
Méthodologie de la Recherche et Histoire des Concepts

Les dérivations en –isme1

Dans son étude sur l’origine du terme « socialisme », Georges Goriely estimait que « normalement, il existe peu de mots dont la définition soit plus claire, exige moins de surchage intellectuelle que les adjectifs en -iste et les substantifs en -isme. Ils constituent une des formes les plus aisées, les plus élémentaires et les moins mystérieuses de dérivation. Tout le monde sait que cela signifie “partisan de”. Qu’un rationaliste est partisan de la raison, qu’un nationaliste est partisan de la nation, qu’un surréaliste veut accéder au surréel, etc. »1 1 2. En fait, comme le reconnaît Goriely lui-même dans la suite de son analyse portant sur le contexte contre-révolutionnaire du milieu du XIXe siècle européen, ni l’origine du concept « socialiste » n’est claire, ni son usage qui va du social au politique, ou bien qui oppose le social au politique. Les concepts classificatoires à contenu religieux ou doctrinal partagent largement les aléas du terme « socialiste ».

Ils sont généralement commodes, même si leur sens peut apparaître flou. En principe, ils sont neutres, c’est-à-dire qu’ils ne comportent pas de jugement de valeur, mais ils ont été souvent ou sont parfois dépréciatifs. Un bon exemple de cet état de choses est fourni par l’article « Turcs …

1 Enquête sur ce type de dérivations par S. Wikander, « Les « -ismes » dans la terminologie historico-religieuse», dans Les syncrétismes dans les religions grecque et romaine, Édité par M. Simon, Paris, PUF, 1973, p. 9-14 ; s’y trouvent étudiés, à côté de « syncrétisme », les termes d’iranisme, de mithriacisme et de christianisme.

2 G. Goriely, « Sur l’origine du mot ‘socialisme’ », dans Les catégories en histoire, Études publiées par Chaîm Perelman, Éditions de l’Institut de Sociologie, Université Libre de Bruxelles, 1969, p. 127.




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