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Les annales de l'autre islam, n° 2 : La question du califat


Auteur :
Éditeur : ERISM Date & Lieu : 1994, Paris
Préface : Pages : 376
Traduction : ISBN : 1246-7731
Langue : FrançaisFormat : 160x245 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Eng. Boz. Que. N° 296Thème : Religion

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Les annales de l'autre islam, n° 2 : La question du califat

Les annales de l'autre islam, n° 2 : La question du califat

Michel Bozdémir

ERISM

On doit prendre acte d’une donnée commune à tout le discours islamique contemporain ; c'est la référence obligée, obsédante à un ensemble de valeurs présentées comme fondatrices de toute existence humaine et situées dans un moment historique précis : 610-632, prolongé par la période des califes dits orthodoxes (632-661) tout ce qui s'est déroulé à Médine durant ces 51 ans et tout particulièrement entre 622-632, a été transfiguré, transcendantalisé, sacralisé, mythologisé par les générations postérieures, créant ainsi un Modèle de connaissance et d'action historique indépassable, car révélé par Dieu, explicité par le Prophète, appliqué par les califes "orthodoxes" (selon les Sunnites), par les Imams (selon les Chî'ites). Tout au long de l'histoire des sociétés une surenchère mimétique entre tous les candidats au pouvoir qui doivent prouver qu'ils actualisent avec plus d’authenticité, d'intégrité, d'intégralité, de continuité que leurs rivaux, les enseignements idéaux récapitulés dans le Modèle. C'est ce qu'ont fait les Abbassides à l'égard des Ommeyyades, les Fatimides à l'égard des Abbassides, les Almohades à l'égard des Almoravides, etc. Aujourd'hui, les mouvements islamistes portent jusqu'à l'exaspération ...


AVANT-PROPOS

Confondant en son sein religion, homme, nations, pouvoirs, le Calife représenta de manière emblématique à travers les siècles, et avec plus ou moins de bonheur, la communauté des croyants. Encore faudrait-il parler des califes car, dès avant la disparition du quatrième successeur du Prophète, l'Islam avait éclaté en plusieurs factions opposées, et peu après, la pluralité des califats devait devenir une constante. Or, si aujourd'hui l'Islam ne dispose plus de figure de proue à l'image du Saint Siège - sans assimiler pour autant le Califat à la Papauté, dont les attributions sont bien différentes -, c'est qu'un général vainqueur, épris de modernité occidentale, a mis fin à son existence le 3 mars 1924 à Ankara.
Les motifs de l'abolition énoncés par Mustafa Kemal sont aussi crus que réalistes :
"...le monarque-Calife aurait eu un droit de juridiction sur tous les musulmans et dans tous les pays musulmans, tels que la Chine, les Indes, l'Afghanistan, la Perse, l'Irak, la Syrie, la Palestine, le Hedjaz, le Yémen, l'Assyrie, l'Égypte, la Tripolitaine, la Tunisie, l'Algérie, le Maroc, le Soudan. On sait que cette utopie ne s'est jamais réalisée. La brochure (des partisans du Califat) relève elle-même que les communautés islamiques se sont toujours séparées les unes des autres sous l'effet de visées diamétralement opposées ; que les Omeyyades en Andalousie, les Alévis au Maroc, les Fatimides en Egypte et les Abbassides à Bagdad ont créé chacun un Califat, c'est-à-dire une monarchie à part, fl y avait même en Andalousie des communautés de mille âmes chacune avec un commandement des croyants et un Flambeau de la Foi. Eût-il été logique et raisonnable, de vouloir, en feignant d'ignorer cette vérité historique, désigner, sous le nom de Calife, un souverain destiné à régner sur tous les Etats ou Nations musulmans, quelques-uns indépendants, presque tous placés sous un protectorat étranger ?"
C'est peut-être pour cela que personne n'a pu restaurer depuis lors l'institution califale !
A l'occasion du 70e anniversaire de l'abolition de celle-ci, nous avons voulu tenter d'y voir plus clair, avec le recul souhaitable, en faisant appel à des spécialistes des principaux domaines géographiques de l'Islam. Malgré le nombre important des contributions qui y figurent, ce volume ne prétend cependant pas à l'exhaustivité. Mais les auteurs tentent de reconsidérer le concept et son évolution dans la pratique d'apporter des réponses à des questions importantes qui sont parfois d'actualité.
Y a-t-il une seule et unique conception de Califat ? La légitimité politique en Islam doit-elle inévitablement être basée sur cette institution ? Celle-ci a-t-elle toujours été l'objet d'un consensus chez les juristes de l'Islam ? Les différentes branches, écoles, sectes n'ont-elles pas eu leur vision propre du gouvernement pas forcément compatible avec les autres ?
Et qu'en est-il aujourd'hui ? L'institution califale conservê-t-elle encore une signification quelconque ? Ses résonnances contemporaines sont-elles de nature à produire un projet politique d'avenir ? Peuvent-elles nourrir quelques espoirs nostalgiques ou inspirer certains régimes politiques en mal de légitimité ? ou constitue-t-elle simplement une relique religieuse soigneusement rangée dans le musée de l'imaginaire populaire islamique ?
Une vingtaine de spécialistes réunis dans ce volume tentent d'apporter des réponses à ces questions et à d'autres. Ainsi, à titre posthume, le Calife aura été pour nous l'occasion de renouer avec l'ensemble du monde islamique. Nous n'estimons pas pour autant qu'un des objectifs de notre revue, - susciter une complémentarité entre les études concernant l'Islam arabe et non arabe - est entièrement atteint. Il reste encore de vastes champs d'investigation communs à explorer et de nouveaux projets à mettre en œuvre.

Michel Bozdémir

Cf. infra, "Le Calife et Mustafa Kemal", Michel Bozdémir, Jean-Louis Bacqué-Grammont.

I
Genèse et évolution d'une Institution
Repenser La Question Du Califat

Mohammed Arkoun

"On doit tenir compte des qualités et des conditions qu'il importe d'exiger des détenteurs de l'autorité uniquement en considération de l'intérêt supérieur de la religion et de la communauté. Décréter aujourd'hui que toutes les fonctions publiques (wilàyât) sont nulles de plein droit parce que les détenteurs du pouvoir ne remplissent pas les conditions requises, ce serait méconnaître les intérêts supérieurs des musulmans et sacrifier le capital à la recherche du bénéfice''.
Ghazâlî, Ihyâ, II, p. 124

Remarques introductives
On doit prendre acte d’une donnée commune à tout le discours islamique contemporain ; c'est la référence obligée, obsédante à un ensemble de valeurs présentées comme fondatrices de toute existence humaine et situées dans un moment historique précis : 610-632, prolongé par la période des califes dits orthodoxes (632-661) tout ce qui s'est déroulé à Médine durant ces 51 ans et tout particulièrement entre 622-632, a été transfiguré, transcendantalisé, sacralisé, mythologisé par les générations postérieures, créant ainsi un Modèle de connaissance et d'action historique indépassable, car révélé par Dieu, explicité par le Prophète, appliqué par les califes "orthodoxes" (selon les Sunnites), par les Imams (selon les Chî'ites). Tout au long de l'histoire des sociétés une surenchère mimétique entre tous les candidats au pouvoir qui doivent prouver qu'ils actualisent avec plus d’authenticité, d'intégrité, d'intégralité, de continuité que leurs rivaux, les enseignements idéaux récapitulés dans le Modèle. C'est ce qu'ont fait les Abbassides à l'égard des Ommeyyades, les Fatimides à l'égard des Abbassides, les Almohades à l'égard des Almoravides, etc. Aujourd'hui, les mouvements islamistes portent jusqu'à l'exaspération la plus violente la même surenchère à l'égard de pouvoirs déclarés "infidèles”, dénués de toute légitimité, encourant, par conséquent, l'excommunication majeure (takfîr).
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