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La Turquie biblique : Itinéraire culturel


Auteur :
Éditeur : Empreinte Date & Lieu : 2010, Paris
Préface : Pages : 224
Traduction : ISBN : 978-2-35614-032-6
Langue : FrançaisFormat : 200x200 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Cou. Tur. N° 2208Thème : Général

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La Turquie biblique : Itinéraire culturel

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  • [Paris, 2010]

La Turquie biblique : Itinéraire culturel

Sébastien de Courtois

Empreinte

La Turquie actuelle ne serait-elle pas le berceau du jardin d’Éden d’où les grands fleuves de la Genèse se précipitent : le Tigre « qui coule à l’Est de la ville d’Assour » et l’Euphrate qui irrigue terres et jardins, là où la trace des temps anciens se laisse percevoir dans l’archéologie, la géographie, l’âme humaine ?
À côté de lieux majeurs à symbolique universelle : le mont Ararat, la ville d’Harran, les cités d’Antioche et d’Éphèse, d’autres paysages, d’autres sites antiques s’offrent à nous.
Avant le passage des peuples turcs, ce fragment d’Asie accueillit les cités grecques, les Byzantins, les Arméniens, les Kurdes, les Géorgiens, les tribus araméennes. De ces anciens royaumes, il nous reste des pierres, encore assemblées comme des cathédrales de sable.
Ici, prophètes, apôtres, moines, anachorètes et derviches ont chanté, creusé et dansé près d’oasis enchantées. Cet ouvrage nous rapproche de ce monde ancien et fascinant d’où les premiers textes de l’histoire de l’humanité proposent un récit commun.
Pérégrination au rythme de la marche et des photographies, c’est une fenêtre ouverte sur le temps. Nous y retrouvons les paysages et les collines où les apôtres ont prêché, lieux d’une émotion biblique, d’un dénuement premier, d’une autre Terre sainte. Cette épopée est la nôtre, celle de nos racines culturelles et spirituelles.


Né en 1974, Sébastien de Courtois vit entre Paris et Istanbul où il poursuit ses recherches sur le christianisme oriental. Chercheur (doctorant en Anthropologie historique à l’EPHE) et journaliste (correspondant de Réforme et du Monde de la Bible, ainsi que collaborateur de Géo et de Grands Reportages), il est aussi l’auteur de plusieurs récits de voyages sur la trace de communautés dispersées.



INTRODUCTION

Si nous avions le pouvoir des anges de nous élever dans les cieux, à n’en pas douter, le territoire de la Turquie actuelle nous semblerait le lieu idéal pour situer le jardin d’Éden, où « une sorte de source jaillissait de la terre et arrosait la surface du sol » (Genèse 2:6). Que d’eau en effet: mers, lacs, fleuves et rivières qui coulent en abondance. Lorsque le ciel s’éclaircit et que les côtes apparaissent dans un petit matin scintillant, puis s’embrase avec éblouissement, il paraît probable que le doigt de Dieu ait touché ces provinces d’Asie. L’eau donc, source de vie, issue de cette contrée du « pays d’Eden » d’où les grands fleuves de la Genèse se précipitent : le Tigre « qui coule à l’Est de la ville d’Assour » et l’Euphrate qui irrigue terres et jardins.
Source de pouvoir aussi, responsabilité de cette position stratégique qui fait de la Turquie le château d’eau du Proche-Orient et peut jouer à son tour les démiurges. Peut-être une nouvelle Tore promise, avant d’en faire une seconde Terre sainte, là où le récit des époques passées se retrouve dans l’archéologie, la géographie et l’observation de l’âme humaine. Biblique donc ? Au lecteur de juger.

À première vue, il ne semble pas évident d’accoler l’épithète « biblique » à un pays comme la Turquie. On pourrait même douter des intentions cachées d’une telle association. S’agit-il d’une trouvaille d’éditeur afin de placer un « nouveau » sujet sur les rayonnages des libraires, d’une campagne de publicité d’un ministère du tourisme voulant promouvoir des destinations, ou bien d’une tentative de captation des Lieux saints vers des cieux plus cléments... ? Il est vrai que le flot constant des pèlerins drainés vers la Terre sainte suscite les jalousies. Surtout que la masse de ces voyageurs s’envole directement vers Israël, évitant ainsi la case Constantinople / Istanbul, les ports d’Asie Mineure, de Crète, de Chypre et même ceux d’Égypte, selon l’itinéraire des pèlerins d’antan lancés au cours d’un périlleux voyage. Mais il ne s’agit pas de compétition. La lutte est inégale. Jérusalem reste Jérusalem, une ville trois fois sainte, et surtout, par-delà ce cliché maintes fois rebattu, il s’agit d’un lieu unique, dense et majestueux : un centre du monde.

La Bible évoquée dans cet ouvrage est plus discrète, diffuse comme une senteur surannée, indéfinissable. Elle est celle des « marches », des frontières d’empires, des reliefs accidentés et volcaniques, celles, enfin, des premiers jours de la Création (surtout lorsque l’on observe les amas gigantesques de roches volcaniques aiguisées comme des lames dressées près de Dogubayazit). À côté de lieux majeurs à la symbolique universelle, comme le mont Ararat et la ville d’Harran pour l’ancien Testament, puis Antioche et Éphèse mentionnés plusieurs fois dans les textes de Luc, ce ne sont parfois que des traces, des paysages, des mentions de villes antiques liées au passage des apôtres. Rien de plus.

Et pourtant. Il est devenu nécessaire — sinon indispensable - de combler cette lacune, rétablir un équilibre, sinon une vérité. L’association de ces deux mots reste porteuse d’un sens profond. Ressusciter ce pays dans l’inconscient collectif pour autre chose que ses plages et ses clubs de vacances. Car la géographie de la Turquie recouvre de larges territoires où ont éclos de vastes cultures ayant servi au décor biblique : l’histoire de la Terre sainte - comme celle de l’Égypte - ne fonctionnent pas sans celle de l’Anatolie, réservoir de peuples et de richesses, ni même sans celle de l’Asie Mineure, où nous touchons à un autre univers, un temps « majeur », qui fut à son tour un centre vital de civilisation. Celui de la Méditerranée et des « peuples de la mer », Mycéniens et autres Hellènes, le fameux « miracle grec » d’Ernest Renan ; celui d’un lien avec le continent européen, d’un zeugme, oserais-je dire, en mémoire d’une ville hellénique engloutie sous les eaux d’un barrage sur l’Euphrate près de Birecik, à l’est d’Urfa...

Dire que l’Anatolie est une passerelle n’enlève rien à l’importance de sa situation. Des peuples importants comme les Hittites s’y sont sédentarisés. Assyriens, Persans, Macédoniens, Romains, puis Turcs l’ont conquise, bousculant les ordres établis pour mieux installer leur propre gouvernement et finalement se fondre dans les amples vêtements de leurs prédécesseurs. Avant la présence de peuples turcs - justifiant le nom même de « Turquie », faut-il le rappeler -, ce fragment d’Asie était le territoire des cités grecques, des Byzantins, des Arméniens, des Kurdes, des Géorgiens et de tribus araméennes. De multiples idiomes y sont encore parlés. Dans un jadis plus lointain encore, nous aurions croisé le destin d’aventuriers : empereurs romains et persans en campagne, guerriers parthes, marchands phéniciens, juifs, assyriens et égyptiens, prêtres hittites ou roitelets ourartes occupés à guerroyer au pied du mont Ararat, Agri Dagi pour les Turcs. De ces anciens royaumes, il ne reste rien, sinon des monceaux de pierres assemblés comme des cathédrales de sable : ce sont les théâtres de Milet et de Laodicée, les temples helléniques de Didymes et de Hiérapolis, ce sont les basiliques d’Ani, la forteresse de Van ou encore le temple d’Artémis à Éphèse. Au tournant du Xe siècle, des tribus chamanistes déboulent des steppes, bousculent cet ordre établi en quête d’un ciel plus ouvert. Turcomans, Seldjoukides et Ottomans se sédentarisent pour bâtir de grandes et belles mosquées. L’art et la culture viennent d’Iran ; le tempérament est celui des déserts brûlants de l’Asie centrale.

Il reste la poussière. Cette poussière d’Anatolie que je foule depuis longtemps et qui seule demeure. Cette cendre aux arômes théologiques qui habite ma vision fantasmée d’un Orient immobile. Elle est le début et la fin, l’Alpha et l’Oméga de toutes choses. Si elle avait une mémoire, elle se confondrait avec l’histoire de notre monde. Elle est ce qui retombe en nuage après la course du soldat, le passage d’une caravane, l’élan du pèlerin. Je reste un fervent partisan du chemin terreux contre le goudron. De cet infiniment petit à l’immensité d’empires, des civilisations se sont bâties sur cette terre sacrée. Prophètes, apôtres, moines, anachorètes et derviches ont chanté, creusé et dansé près d'oasis enchantées. L’Asie Mineure est une géographie avant d’être une histoire, tour à tour passerelle puis cul-de-sac. La Turquie biblique est donc une aventure dans le temps et l’espace. Elle nous rapproche de ce monde ancien et légendaire, là où les textes les plus vieux de l’histoire de l’humanité nous proposent un récit commun, testaments inouïs des origines et des premiers hommes où se mêlent les passions et les folies. « Nous » donc, notre héritage: hommes d’Occident et d’Orient jetés dans un même élan vers un destin commun. Il ne s'agit pas d’exotisme mais bien au contraire de connaissance, d’apprentissage de notre origine commune depuis l’échouement de Noé sur sa montagne et sa nombreuse descendance...

Pour ce qui est du christianisme, le message de Jésus et des apôtres ne serait plus rien sans la rencontre des villes grecques et romaines de l’Asie Mineure. L’objet de ce récit est donc une pérégrination au rythme de la marche et des photographies - fenêtres sur le Temps - entre passé et présent pour retrouver les paysages et les collines où les apôtres ont prêché : Paul à Tarse, Pierre à Antioche ou Philippe à Hiérapolis, dans l’ancienne Phrygie. Contempler les cimes enneigées des volcans éteints, courir sur les plateaux d’altitude, les steppes et les forêts de l’ancienne Galatie. Retrouver les lieux d’une émotion biblique, d’un dénuement premier, une autre Terre sainte, sans murs ni guerre. De ces profondeurs archéologiques, j’entends sourdre le souffle de milliers de poitrines : bâtisseurs, cavaliers et poètes. Voyager en Turquie reste une aventure insoupçonnée dans le temps et l’espace. Beaucoup de religions s’y trouvaient mêlées et s’y trouvent encore. C’est en Asie Mineure que les pontifes païens ont probablement rendu leur ultime hommage aux déesses de l’Antiquité ; c’est aussi sous la voûte éclairée de l’Anatolie que le christianisme fit ses premiers pas hors de Terre sainte. Cette épopée est la nôtre, celle de nos racines spirituelles.



Géographie et histoire

Revenons à des données plus concrètes, à la géographie de nos manuels. La Turquie donc : une vaste péninsule constituant la pointe occidentale du continent asiatique, plus de 1 700 kilomètres d’est en ouest, des montagnes du Caucase (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan et Iran) jusqu’en Europe orientale (Bulgarie et Grèce). Au sud-est, nous trouvons une frontière avec l’Irak (au travers des montagnes du Hakkâri) et avec la Syrie. L’Orient est le côté de l’horizon d’où vient la lumière : pour les anciens, le Levant désignait les côtes de l’Asie Mineure, Ana-toli en grec, « là où le soleil se lève »... D’où le nom resté d’Anatolie... Si vous leur demandez, les stambouliotes vous diront qu’ils sont Européens. Nous sommes tous à l’Orient de quelqu’un. Du nord au sud, ce sont près de 500 kilomètres lancés entre deux chaînes côtières : la chaîne pontique en bordure de la mer Noire et le Taurus vers la Méditerranée, puis la Cilicie, et les contreforts de Haute Mésopotamie (là où coule le Tigre, vers Mossoul et Bagdad). Au centre, se trouve une zone de plateaux d’altitude et de plaines galopants de Turquie orientale, jusqu’à …

 




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