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Fondements, Evolution et Aspects de la Question Kurde en Irak


Auteur :
Éditeur : Compte d'auteur Date & Lieu : 1966-01-01, Paris
Préface : Pages : 88
Traduction : ISBN :
Langue : FrançaisFormat : 210x295 mm
Code FIKP : Liv. Fre. Kar. Fon. N° 23Thème : Général

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Fondements, Evolution et Aspects de la Question Kurde en Irak

Fondements, Evolution et Aspects de la Question Kurde en Irak

Henri Karceles

Compte d’auteur

« Au coeur de l'asie anterieure se dresse une forteresse ou plusieurs millions d'hommes vigoureux attendent un signe du destin. Mais cette forteresse ne figure pas dans nos calculs, car le kurdistan n’est pas un etat ; il ne possede aucune consecration diplomatiqu ; son nom meme manque dans la plupart de nos atlas ; les frontieres le traversent et l’on oublie ses fondements antiques, son unite morale, son existence meâe. Dans le panorama de l'histoire mondiale tel que les occidentaux le retracent et dans le tableau qu’ils esquissent de la geographie universelle, les kurdes et le kurdistan n'ont guere de place »

« Kurdistan forteresse oubliee » (P. Rondot)






A - INTRODUCTION -

Le Kurdistan fait partie de ces régions charnières où les invasions indo-européennes se succédèrent apportant chacune une part de leur civilisation. Zone très montagneuse où les origines ethniques remontent à la plus haute antiquité (probablement médo—scythe), les moeurs et les croyances en sont imprégnées.

Les Kurdes sont des montagnards et leur habitat, leurs modes de vie, s'opposent tout naturellement à ceux de leurs voisins Arabes de Mesopotamie et du Plateau Iranien. Naturellement protégés par leur situation géographique, ces régions ont été le théâtre de la lente transformation d'une société entière possédant ses propres types communautaires, ses pratiques religieuses, sa langue et une culture surtout orale.

Malgré les méthodes modernes d’administration et de police, ce peuple d agriculteurs et de bergers transhumants n'a jamais pu être réellement intégré. Sa vie réglée dans le cadre des clans, ses chefs faisaient au hasard des circonstances actes d’allégeance à 1'Empire Ottoman, à la Perse ou encore restaient indépendants en vivant selon un mode autarcique typiquement féodal. Les luttes internes et les révoltes fréquentes en provoquaient le morcellement favorisé par les conditions géographiques. Suivant des siècles, le sort des Kurdes est à peu près celui des autres peuples du Proche-Orient orientés par la politique Ottomane.

Vers la fin du siècle, un facteur nouveau vient modifier les données du problème : la naissance dans l'élite intellectuelle Kurde d'un nationalisme conscient et contemporain des nationalismes Turc et Arabe ; il semble prés d'aboutir lors de la signature du traité de Sevres en 1920 qui consacre Le droit a l'indépendance du Kurdistan. Mais Mustapha Kemal ne l’entend pas ainsi et les espoirs kurdes ne résistent pas au traité de Lausanne en 1923. La Grande Bretagne vise les pétroles de Mossoul et elle réussira à contrecarrer les revendications nationales Kurdes.

Les Kurdes sont désormais engagés dans une succession de révoltes suivies de répressions sanglantes, luttent pour obtenir la reconnaissance de leurs droits nationaux dans chacun des pays qui se partagent le Kurdistan.

A l’heure actuelle un véritable mouvement de libération nationale s’est constitué en Irak et ce processus boule—rsela société Kurde comme ses voisins arabes.

I - Le Kurdistan -

Le Kurdistan couvre une superficie d'environ 500.000 Km 2 (aussi grand que la France) formant une ligne de crête qui l'isole nettement de la plaine irakienne et du plateau anatolien.

Axé sur le mont Ararrat (plus de 5.000 m d'altitude) (où selon la tradition se serait échouée l’Arche de Noë) et la région du Sandjak d'Alexaa-Drette (İskenderun), le système montagneux est composé d'une succession de chaînes dominant a l'Est le lac d'Ourmiah et formant au Sud une zone de transition avec les espaces désertiques syro-arabes.

De la région d'Alexandrette, part en arc de cercle 1'antitaurus, ligne de partage des eaux entre Mer Noire et Mesopotamie ; prolongé par la dépression de L'araxe, il forme la limite Nord du Kurdistan et avec le Taurus oriental qui s'étend D'alexandrette au lac de Van, il délimite le plateau arménien (altitude moyenne 1.500 m environ).

Le Rouad, le Fourat et l'Euphrate compartimentent le plateau en collines et plaines alluviales (Plaines d'Erzeroum et de Van).

Cette situation détermine un climat continental (étés très secs, fortes chutes de neige l’hiver). Les différences d'altitude caractérisent paysage et végétation. Les pentes basses se couvrent au printemps et en automne d'épais herbages que la chaleur de l'été transforme en espaces désertiques. La transhumance estivale se fait donc à l'intérieur même du plateau arménien en direction des hauts sommets et non horizontalement comme dans les étendues désertiques.

- La contrée particulièrement inaccessible de l’Arki Oramar forme la région de transition qui existe entre le plateau arménien et la chaîne de Zagros. Les chaînes de montagnes orientées d'Ouest en Est changent brusquement de direction pour s'infléchir vers le Sud.

Les escarpements, les ravins et gorges profondes contrastent avec les versants arrondis et herbeux du plateau arménien. Les pentes sont formées de gradins gigantesques qui s'adoucissent progressivement en direction de Mossoul. Des rivières tumultueuses Lola, Khrena, Hournarou, Roubari-Chin, se jettent dans les affluents du Tigre, Grand et Petit Zab, Bohtan-Sou.

- Sur le côté oriental enfin de l'axe Nord-Sud, s’étend l'Azerbaïdjan autour du lac d'Ourmiah. Seul le Sud Ouest du plateau est Kurde, le reste était occupé par des populations turques (Les Azeris) superficiellement iranisées. Le relief y est moins violent et le climat plus favorable. Les cols sont d'eccès assez difficile (Kel-I-Chin : 2.860 mètres). Des bassins fluviaux délimitent les hautes régions du Kurdistan, Moukri, du Kurdistan, de Kermanchahan et de l’Ardelan, environnant de toutes parts la chaîne de Zagros.

Le système géographique du Kurdistan Moukri est caractérisé par des massifs réguliers orientés du Nord-Est au Sud-Est dont les cimes atteignent 3.200 mètres d’altitude. Le Sahend voisin, d'origine volcanique tend à l'orienter nettement ensuite vers l'Est.

Le système hydrographique comprend le bassin du lac d’Ourmiah dont les eaux prennent naissance dans les monts du Berdecir et de Tchehel-Tchechme régulièrements couverts de neige et le bassin du Petit Zab, affluent du Tigre.

Le Petit Zab débouche en Mesopotamie par les passes d’Alan pour se jeter dans le Tigre en aval d’Erbil en charriant les alluvions fertilisant les plaines basses du Kurdistan Noukri.

Le Kurdistan de Kermanchahan est limité gu Nord par la chaîne de montagnes qui sépare le bassin du fleuve Dialah de la vallée du Gamasab
- à L'est par les monts du Kengaver et la rive droite du Gamasab,
- au Sud par les monts qui séparent les districts de Kelhor et de Pocht-E-Kouh
- à l'Muest enfin par la vallée du Tigre.

Cette région jouit d'un sol fertile grâce aux eaux du Gamasab et du Kara-Sou. La population y est dense et la ville Kermanchah très prospère.
En dernier lieu, l’Ardelan ou Kurdistan Persan s’étire sur 200 kilomètres entre les districts du Sain Kala au Nord, du Suleimanye et Kirkuk à l'Ouest, la vallée du Dialah au Sud et les districts de Gherrous et Hamadan à l'Est.
L’Ardelan, entouré sauf au Nord-Est par de hautes montagnes voit sa population concentrée sur les alluvions fertiles de la dépression centrale. Les conditions de vie y sont cependant rudes et une seule mauvaise récolte peut réduire la population à la famine.

La population, objet de controverses quand on veut la dénombrer, se répartit de la façon suivante :
Turquie : 6 millions de Kurdes sur une population de 30 millions d'habitants (environ 15 à 20 %). Aucune statistique n’est publiée en Turquie où l'on nie le peuplement Kurde.

Iran : 4 millions de Kurdes sur un total de 20 millions d'habitants
Iraq : 2 millions de Kurdes pour 7 millions d'habitants (soit 25 à 30
Syrie : 500.000 Kurdes pour 5 millions d'habitants (de 5 à 8 %)
U.R.S.S. : environ 150.000 Kurdes.

Soit au total une population de près de 13 millions de Kurdes. L'importance de ce groupe ethnique justifierait largement l'existence d'un Etat National. La Syrie, lIraq, Israël, la Jordanie seraient des Etats beaucoup moins peuplés.

L'habitat Kurde actuel s'étend du Sud au Nord en une large bande qui chevauche la frontière Irano-Irakienne depuis la bourgade Mendeli (à L'est de Baghdad) jusqu'au Mont Ararat, en débordant au Nord sur la Transcaucasie.

Le parallèle d’Erzeroum est leur limite septentrionale en Turquie, la plain Mesopotamienne au Sud et Sivas au Nord Ouest.

II - Le Probleme Kurde -

C'est donc dans ce cadre que se pose ce qu’il est convenu d’appeler le problème ou la question Kurde. En rébellion permanente contre les pouvoirs centraux des grands Etats environnants, mais aussi en butte à des rivalités de clans, les Kurdes n’ont jamais réussi à créer leur Etat, condition sine qua non de l'affirmation internationale d'une nation.
Les Kurdes forment pendant une ethnie possédant des caractéristiques propres, habitant depuis des temps immémoriaux la même contrée unifiée par sa langue.
Le 20ème siècle voit la naissance d'un nationalisme Kurde au sens moderne du terme et le rêve Kurde d’unité n'a jamais cessé de stimuler ce peuple et de diriger toutes les révoltes qui l'ont endeuillé.
Pour quelles raisons l'unité Kurde n'a-t-elle pu encore être réalisée ?
Nous examinerons successivement les différents empêchements qui se sont opposés à cette unité.
Le premier est d'ordre stratégique. Toutes les voies qui traversent l’Asie antérieure en provenance des cinq Etats qui se partagent le Kurdistan, toutes les routes traditionnelles d'échanges avec l’Orient qui parcourent le haut plateau arménien ou l'Azerbaïdjan Perse, toutes sans exception passent en plein territoire Kurde, Exposées à l'hostilité Kurde, ces voies de communications internationales perdraient rapidement beaucoup de leur valeur.

En second lieu,"il s’agit pour les chefs militaires d’étudier un plan permettant
- de barrer l'accès de la Méditerranée, de l'Afrique et éventuellement du Golfe Persique,
- de rapprocher les bases aériennes du territoire soviétique et s’il y a lieu d’assurer la défense des pays du Proche-Orient.
Où arrêter cette ligne de défense ? La ligne idéale serait constituée par les massifs montagneux du Taurus et du Kurdistan qui forme un arc de cercle autour des régions pétrolifères et du littoral méditerranéen."

Le Général Rondot écrit dans la Révue de la Défense Nationale de Juin 1961 : « le Pacte de Baghdad (Février 1955) provoque un rapprochement poli-tico militaire de l’U.R.S.S. exaspérée et de l’Egypte vexée qui aboutit aux livraisons d’armes de l’U.R.S.S. aux pays arabes ; il suscite de la sorte dans la région de nouveaux facteurs d’instabilité ». Le 14 Juillet 1958, la Monarchie hachémite est abattue. "l'Iraq aussitôt absent du pacte,en fait, le quitte officiellement en mars 1959. Les autres partenaires concluent le 19 Août 1959 un pacte de Baghdad sans Baghdad, le Cento (Central Treaty’s Organisation).

Moins intéressant pour la politique britannique, qui lui demeure cependant fidèle le Cento s’allège avec l’Iraq de l'aspect provoquant que le Pacte avait à l’égard du Caire. Mais sa valeur stratégique perd de sa profondeur déjà insuffisante ; les meilleurs communications Turco-Iraniennes qui empruntent la Mesopotamie devront être suppléées par de nouveaux travaux sur les confins communs à travers les régions les plus difficiles du Kurdistan. »...

… « La Turquie est militairement plus engagée que l'Iran qui accepte sur son territoire des armes et des missions d’instructeurs mais non des bases et des garnisons américaines ; l'homogénéité du système reste donc médiocre. »

« Les Etats Unis ont donc quelques raisons de demeurer pour le Cento, de simples amis et coopérateurs de l'extérieur, d'ailleurs généreux et efficaces. En dépit de l'intérêt qu'ils conservent pour la Turquie, bastion oriental indispensable de l’O.T.A.N., leurs motifs de s'attacher à une construction orientale fondée malgré tout sur le Caire, demeurent plausibles même s'ils ne paraissent pas bien servis par la conjoncture locale »

Depuis 1959 il n'y a plus de pacte de Baghdad. L'instrument diplomatique qui lui est substitué le Central Treaty’s Organization n'impliq » : plus le monde arabe puisqu'il ne comprend plus l’Irak.
Le Général Rondot écrit au début de 1966 :

« Le Cento qui sur le plan militaire a toujours souligné son caractère défensif met sans cesse davantage ses aspects stratégiques au deuxieme plan ; il n'a pas empêché 1'iran de maintenir un équilibre très étudié entre L'ouest et L'est, la Turquie d'améliorer ses relations avec l'U.R.S.S. et le PAKISTAN vexé et inquiet lors des menaces chinoises contre l’lnde de voir celle-ci, neutre, recevoir plus d'armements occidentaux que lui-même allié à 1'occident»...

Nasser, pour déconsidérer l'entreprise séoudite de rapprochement interislamique n'hésite pas à rappeler l’existence du pacte de Baghdad et du Cento qui a succédé à ce dernier. Il va même le qualifier de « Pacte enturbanne » et prétend que ses buts sont les mêmes : « détruire le nationalisme arabe. »
Sur le plan économique, l'exploitation des richesses du sous-sol Kurde, notamment le pétrole un appoint appréciable pour chacun des ppys auxquels ils sont soumis. Les nappes de petrole se situent aussi bien dans la partie Kurde de l’Irak (région de Kirkouk) où elles sont déjà exploitées que sur le haut plateau arménien où la prospection a permis un début d’exploitation.

Enfin, il est impensable pour l'arabisme qui a la vedette politique actuellement, de tolérer une atteinte physique quelconque sur un territoire et a une communauté formes depuis l'Hégire. Les nationalismes, arabe et turc ne sont pas près de trouver un terrain d'entente, semble-t-il pour admettre délibérément à leurs côtés l'existence d'un nationalisme Kurde. Aussi, les enjeux politiques et diplomatiques dont les Kurdes sont l’objet entravent considérablement leur « lutte de Libération Nationale ».
On aimerait croire que des considérations d'ordre economique ou militaire laisseraient la place dans un proche avenir aux raisons morales, humanitaires et de droit qui font qu'une nation courageuse ait enfin la possibilité de se constituer w Etat et de s'exprimer dans les grandes instances internationales.

(1) Le Pacte de Baghdad qui fait suite au traité de Portsmouth de 1948 (non ratifié comprend : La Grande Bretagne, la Turquie, l'Iran, l'Iraq, le Pakistan et l'Afghanistan.

Les Etats Unis signent avec chacun de ces pays des accords bilatéraux.
(2) Cento : remplace le pacte de Baghdad au départ de l'Iraq après sa révolution de Juillet 1958

B - fondements ethniques et sociologiques –

L'approche sciemtifique des origines du peuple Kurde se révèle délicate. Le terme d'Indo-Européens ne saurait suffire car il ne rend compté que de l'appartenance linguistique. La difficulté essentielle réside dans lé fait que ce peuple existe depuis la plus haute antiquité. Certains savants et anthropologues ont avancé que les origines Kurdes dataient de 2.500 à 600 ans avant notre ère.

De plus s leur trace se mêle à un glacis de races qui peuplent les régions voisines de L'asie Anterieure.
Pour l'encyclopédie britannique « il n'y a aucun doute que par une étude comparative des archives du Sargon II et Assarhadon d’Assyrie, d'Herodote, de Moïse De Chorene et des poèmes épiques persans, quelques unes des grandes tribus Kurdes puissent voir leur existence identifiée dès le VI° siècle avant J.C. avec le même genre de vie qu'aujourd'hui ».

W.E. Allen estime que la racine Bourde est l’une des plus obscures de 1'Antiquité et croit la retrouver dans Kartli qui est un nom de province géorgien. Kardoukhoi, nom donné par Xenophon aux tribus des vallées supérieures de l'euphrate et de l'Araxe est une indication historique de la liaison entre les différentes formes de la racine de ce nom.

Les recherches d'éminents Kurdologues, Russes pour la plupart ont mis en lumière deux thèses quant à l'origine Kurde :
- la première soutient leur origine iranienne (indo-européenne) et croit à leur déplacement au VII° siècle avant J.C. du lac d’Ourmiah au Bohtan.
- la seconde se prononce pour le caractère autochtone des Kurdes apparentés aux autres peuples asiatiques (Khaldes, Géorgiens, et Arméniens).

L'essentiel de ces thèses est contenu dans l'ouvrage de M. Basile Nikitine (l), le seul à notre connaissance à faire le point sur cette question.
Mais il ne faut pas oublier que « pour les Kurdes éparpillés à travers de grands espaces et au point de vue somatique, présentant des différences considérables, les facteurs essentiels pour définir leur caractéristique nationale sont les modes de vie aussi bien traditionnels que modernes ».

(i) Les Kurdes, étude sociologique et historique Paris 1956




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