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Les Communistes Turcs et la Question Nationale Kurde


Auteur :
Éditeur : Université Paris VII Date & Lieu : 2002-10-01, Paris
Préface : Pages : 168
Traduction : ISBN :
Langue : FrançaisFormat : 210 x 295mm
Code FIKP : Liv. Fre. Yas. Com. N° 1544Thème : Thèses

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Les Communistes Turcs et la Question Nationale Kurde

Les Communistes Turcs et la Question Nationale Kurde

Hatice Yasar-Bekdemir

Universite Paris VII

Le marxisme naquit dans une Europe où se manifestait un double mouvement. D’une part, les luttes de la classe ouvrière contre la classe exploitante pour l’amélioration de ses conditions d’existence. D’autre part, les mouvements nationaux revendiquant l’intégrité et l’unité nationale.
La position du marxisme face à ces deux mouvements reposa sur une certitude absolue : le primat de la classe ouvrière sur toute autre catégorie historique. Ce qui veut dire : les mouvements nationaux se virent dans le marxisme subordonné aux exigences et aux ...



INTRODUCTION

Le marxisme naquit dans une Europe où se manifestait un double mouvement. D’une part, les luttes de la classe ouvrière contre la classe exploitante pour l’amélioration de ses conditions d’existence. D’autre part, les mouvements nationaux revendiquant l’intégrité et l’unité nationale.
La position du marxisme face à ces deux mouvements reposa sur une certitude absolue : le primat de la classe ouvrière sur toute autre catégorie historique. Ce qui veut dire : les mouvements nationaux se virent dans le marxisme subordonné aux exigences et aux intérêts de l’évolution générale dont la lutte de la classe prolétarienne constitua la force motrice principale.

Selon cette perspective dans laquelle se situent K. Marx et F. Engels lorsqu’ils abordent la problématique nationale, ils furent au côté de la cause polonaise parce que la Pologne partagée "... est le ciment qui lie entre eux les trois grands despotismes militaires : la Russie, la Prusse et l’Autriche. Seul le rétablissement de la Pologne peut briser ce lien et liquider ainsi le plus grand obstacle à l’émancipation des peuples européens”. (1)

Ainsi, l’existence de l’Irlande rendait plus forte l’ennemie de la classe ouvrière anglaise, et semait des germes d’hostilité entre le prolétariat des deux nations anglaise et irlandaise. Sans soutenir la libération nationale irlandaise, la classe ouvrière anglaise ne pouvait pas se libérer. Car "un peuple qui en opprime un autre ne peut se libérer lui-même".

Le Kurdistan avec son marché potentiel et les richesses de son sous-sol renforça la domination de la classe dirigeante turque. Surtout les Kurdes, main-d’oeuvre bon marché, étaient utilisés pour accentuer l’exploitation des travailleurs turcs, perses et arabes. Ce chantage à l’emploi provoquait des rivalités entre la classe ouvrière des nationalités différentes sous la même poigne.

Le prolétariat turc voit le prolétariat d’origine kurde comme un obstacle à son développement et comme un concurrent qui abaisse son niveau de vie. Il se sent à son égard membre d’une nation dominatrice, devient de ce fait un instrument de ces classes dominantes contre le Kurdistan et consolide ainsi le pouvoir sur lui-même. Le prolétariat kurde voit en lui à la fois le complice et l’instrument aveugle de la domination turque au Kurdistan.

Cette attitude d’hostilité endommage la solidarité du prolétariat des deux nations et renforce leur ennemi commun. Pourquoi les communistes turcs n’ont-ils pas suivi l’attitude proposée par Marx aux communistes anglais vis-à-vis de la question de l’Irlande ? Pourquoi ne disent-ils pas que la libération du Kurdistan est la première condition de l’émancipation sociale du prolétariat turc comme Marx l’avait dit au prolétariat anglais ?
Pourquoi les communistes turcs ne parlent-ils jamais de l’unification du Kurdistan partagé par 4 Etats ?

La lutte contre l’impérialisme devait-elle s’arrêter aux frontières désignées par les impérialistes eux-mêmes. Pourquoi prennent-ils ses frontières comme absolu ?

Après 1979, le Kurdistan de l’Est échappa au contrôle de l’autorité centrale. Les 6 millions de Kurdes qui avaient participé à la révolution iranienne contre le Chah se révoltèrent à nouveau pour leur liberté.
Pourquoi les communistes iraniens condamnèrent-ils ce mouvement et refusèrent-ils de soutenir cette revendication légitime, promise et méritée ?

Etait-il nécessaire de conditionner la libération nationale kurde à une pseudo libération sociale perse ?

N’est-il pas possible qu’un peuple dominé, rendu dépendant dans des conditions historiques particulières se libère lui-même ?

Peut-il exister une solidarité-fraternité entre un peuple asservi, incapable de se libérer et le mouvement prolétarien de la nation dominante ?

Lénine disait, à ce propos "L’un exige l’autre".
Là où cette exigence devient lien de complémentarité peut-on parler d’égalité ?

Au sujet de complémentarité, E. Badinter dit :
"La complémentarité n’était plus qu’un leurre partout où l’on faisait de l’un l’inverse de l’autre, comme s’ils n’appartenaient pas à la même espèce.

Cette complémentarité négative fut source d’une sorte de guerre entre les sexes. Elle inclina les perdantes d’hier à évacuer tout schéma similaire. L’expérience leur ayant appris que la complémentarité porte les germes de l’inégalité et de l’oppression... (2)" (3)

Peut-on étendre ces réflexions concernant la notion de complémentarité qui s’oppose à l’égalité réelle entre l’homme et la femme aux rapports entre le peuple opprimé et la classe ouvrière des pays oppresseurs ?
Le maintien de cette notion n’empêche-t-il pas le droit des femmes au divorce comme le droit des nations à disposer d’elles-mêmes ? Ces revendications ne restent-elles pas des paroles vides ?

Faut-il préférer la solidarité-fraternité entre les peuples suédois et norvégien : séparés en 1905 par la voie démocratique ou bien les Karabakh causés par l’hostilité entre les Arméniens et les Azéris qui durent vivre ensemble à cause d’un prétendu "lien de complémentarité ?"
Pourquoi le premier pays socialiste interdit-il de fêter le 1er mai en Géorgie après 72 ans de socialisme ?

Les communistes turcs ayant lutté contre tous les tabous pourquoi passent-ils le tabou kurde sous silence ?
N’avaient-ils pas autant de courage que le démocrate turc Ismail Besikçi qui luttait et continue à lutter pour la cause kurde ?

…..

(1) Karl Marx - F. Engels, "Fur Polen" cité par Georges Haupt in Les marxistes et la question nationale 1848-1914, oeuvre collectif (G. Haupt, Michael Lowy, Claudie Weil), Ed. Maspero, Paris 1974, p. 16.
(2) Souligné par nous.
(3) Elisabeth Badinter, L’un est l’autre, paru dans le livre de poche, Ed. Odile Jacob, avril 1986, page 257.

 




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