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La Presse et la Liberté au Kurdistan d’Irak (1991-2004)


Auteur :
Éditeur : Université de Paris VII Date & Lieu : 2005-10-01, Paris
Préface : Pages : 106
Traduction : ISBN :
Langue : FrançaisFormat : 215 x 295mm
Code FIKP : Liv. Fre. Abd. Pre. N° 847Thème : Thèses

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La Presse et la Liberté au Kurdistan d’Irak (1991-2004)

La Presse et la Liberté au Kurdistan d’Irak (1991-2004)

Zubeida Abdulkhaliq

Université de Paris VII

Le Kurdistan irakien est une région marginalisée du monde extérieur, politiquement, géographiquement, mais aussi culturellement. Treize ans après sa création, elle n’était reconnue ni par les pays voisins, l'Iran, la Syrie et la Turquie, ni par le gouvernement central irakien. Les moyens de communication, y compris la poste et le téléphone y étaient officiellement très limités et souvent inaccessibles pour la majorité de la population. Jusqu’à la chute de Saddam en 2003, les entrées et sorties de la région étaient restreintes.
Comment une région aussi marginalisée peut-elle s’exprimer, sachant que depuis 14 ans elle se trouve dans une situation culturelle, politique, économique et sociale des plus ...



INTRODUCTION

La liberté de la presse est l'un des fondements de la démocratie libérale. C’est un phénomène propre aux pays occidentaux que la presse qui après avoir profité des progrès techniques pendant plus de trois siècles et demi, a réussi à jouer le rôle de quatrième pouvoir dans les pays industrialisés.
Comme la presse est dépendante du contexte qui la définit, il est nécessaire d’analyser la situation du pays, au niveau national et international, et surtout de mettre l’accent sur les incidents les plus importants. En effet, il s’agit en l’occurrence de présenter les événements qui ont marqué le Kurdistan d’Irak de 1991 jusqu’à janvier 2004. Cette période a été témoin de la publication de 405 journaux et magazines qui ont été partie prenante de ce qui a constitué un mouvement journalistique sans précédent dans toute l’histoire du journalisme kurde. Ce sera une analyse qui permettra d’établir le lien entre l'état de la liberté de la presse kurde dans cette région, et la situation politique de cette dernière.

Suite à la Guerre du Golfe et aux changements politiques intervenus en 1991, les Kurdes ont pu créer une zone autonome dans le nord de l’Irak, avec le soutien des alliés américain et britanniques. La coalition des différents partis politiques a permis des élections générales, légales et démocratiques, dont a été issu le premier gouvernement national kurde de 1992. La reconstruction du Kurdistan irakien a été planifiée et des changements significatifs sont intervenus grâce au nouveau gouvernement et au parlement kurde. Ils ont procédé à quelques modifications de la loi précédemment rédigée par le gouvernement irakien. L'une d'entre elles concernait la loi sur le droit de publier. Il s'agit de la loi numéro 10 du 25 avril 1993. Dans un paragraphe de cette loi qui traite de l’interdiction de la censure, il est spécifié : « Tous les habitants ont les mêmes droits de publier (leur publications) sans aucune censure dans la région du Kurdistan ».¹

Cette loi a ouvert un nouvel horizon à la presse kurde. D’une part, au vu de la diversité de la composition de la société kurde dans cette région, qui fait que ses habitants parlent différentes langues (kurde, turc et arabe) et pratiquent diverses religions (musulmane, chrétienne, yezidie), les populations locales à cette échelle ont eu la possibilité de s’exprimer dans leur propre langue. D’autre part, la naissance d’une société civile, la création de nouveaux syndicats et de mouvements catégoriels, ainsi qu'une concurrence plus dynamique entre les partis politiques, ont introduit dans cette région un élan journalistique sans précédent. En outre, l’utilisation de nouveaux moyens technologiques a contribué au développement d’un intérêt nouveau, (inconnu à ce jour), pour des matières telles que l’histoire, la littérature et la linguistique. Au cours de cette courte période, des dizaines de journaux et magazines ont été publiés. Des documents découverts dans les deux ministères de la culture², fin 2004, ont permis d'établir que le nombre de périodiques publiés depuis treize ans s'élevait à 405 journaux et magazines.

Donc, au vu de cette loi, promulguée par le parlement du Kurdistan, l'espoir était de mise concernant la réalisation d'un progrès démocratique significatif dans la région, et la valorisation de la liberté de publication. En ce moment, tous les partis kurdes ont travaillé dans une direction commune. Mais de nombreux obstacles se sont élevés face à cette loi qui n'a pu être appliquée pleinement, et ceci pour des raisons bien précises. La liberté de la presse exige dans chaque pays des conditions particulières et favorables, en l'occurrence, la nécessité d’une stabilité politique, d'une indépendance financière et enfin d'une société démocratique. Ces facteurs sont fondamentaux. Mais au Kurdistan d'Irak pour des raisons diverses, ces conditions n'ont pas été réunies. En premier lieu, du point de vue politique, le fonctionnement autonome de la région, depuis près de 13 ans, n'était accepté ni par le gouvernement central ni par les pays voisins. Par la suite, le début de la guerre civile et la division du Kurdistan entre les deux grands partis (PDK et UPK), qui finançaient eux même la plus grande partie des médias, conjugués à l’absence de presse privée, ont barré la route à une liberté absolue. D’autre part, certains problèmes étaient du fait de la société kurde elle même, encore très éloignée de l'image d'une société moderne. De type traditionnel et religieux, elle souffre encore à notre époque de l’ignorance. C'est ainsi que la mauvaise situation politique qui régnait depuis plusieurs années en Irak en général, et au Kurdistan en particulier, eut une influence psychologique considérable sur la personnalité kurde elle même, non habituée à écrire librement. De plus, l’absence de journalistes compétents disposant de la liberté d'écrire, se faisait cruellement sentir.

En effet, « la liberté de la presse au Kurdistan d’Irak à partir de 1991 » est un sujet qui ne peut laisser indifférent quiconque s’intéresse aux mass média en général et à la presse en particulier. Ce sujet, suscite chez les individus cultivés, étudiants, chercheurs ou simplement passionnés par ce sujet, une curiosité et un engouement grandissant. L’importance du développement de la presse, ainsi que ce qu’il reste à découvrir dans ce domaine, constituera l’un des éléments fondamentaux de notre recherche. On aimerait savoir comment une région aussi isolée du monde extérieure cherche t-elle à s’exprimer. Comment la liberté de la presse a-t-elle pu se développer dans la société kurde ?

Nous allons préalablement étudier les raisons de l'avènement, si ce n'est l'explosion de la presse après 1991, ainsi que la situation historique et politique de la presse sous le régime Bassiste avant cette date.
Au cours d'une seconde étape, afin de découvrir l'étendue de la liberté de la presse, nous effectuerons une présentation de tous les périodiques. Y seront analysés le contenu sous ses diverses dimensions, les thèmes prépondérants au travers d'interviews réalisées avec divers spécialistes en la matière, qui répondront entre autres aux questions suivantes : quels types de périodiques ont progressé, que ce soit en qualité qu'en quantité?

Nous procéderons d’autre part à une analyse détaillée des problèmes actuels rencontrés par la presse au Kurdistan.
Les sources et les méthodes seront citées, ainsi que les ouvrages et le nom de tous les journaux et magazines publiés dans cette région depuis 1991. Ayant vécu dix ans dans cette région et travaillé pendant cinq ans dans le milieu des médias de Duhok, nous avons pu bénéficier, au cours de notre enquête de l'aide gracieuse et compétente de ces derniers. Une mission de deux mois au Kurdistan d’Irak (décembre 2004 et janvier 2005) nous a permis de rapporter un maximum de journaux et de revues, ainsi que de nombreuses interviews de rédacteurs et de journalistes travaillant pour ces organes de presse. Nous avons également eu la possibilité de rencontrer un certain nombre de libraires qui ont bien voulu nous communiquer des chiffres relatifs au pourcentage de lecteurs. Étant donné qu’aucune recherche ou étude n’avait préalablement été effectuée dans le domaine des périodiques, nous avons privilégié les interviews de spécialistes qui nous ont fait part de leur expérience. Nous nous poserons un certain nombre de questions, à savoir : comment la presse au Kurdistan irakien a t-elle pu conserver sa liberté malgré la multiplicité de problèmes, politiques, économiques et sociologiques ? La loi promulguée par le parlement kurde est-elle suffisante pour assurer la liberté de la presse ? La publication de 405 périodiques était-elle une nécessité de la société kurde ?

¹ Hesen, Q., Serkuty rojnamegery kurdy li jêr siberi yasa de (Anéantissement des journalistes au nom de loi), Erbil, 1998, p.32.

² La guerre fratricide a débuté en décembre 1994 entre le PDK et l’UPK les partis plus puissants au Kurdistan. A partir de cette date, le Kurdistan irakien a été divisé entre ces deux partis. Au début, Erbil et Suleymanieh étaient sous la domination de l’UPK et Duhok sous celle du PDK. Mais à partir d’août 1996, Erbil s’est trouvée sous l’autorité du PDK. Malgré le cessez le feu de 1997, cette partie du Kurdistan est toujours restée divisée entre les deux gouvernements, l’un à Erbil et l’autre à Suleymanieh.

Première partie

La Presse Kurde : Une Experience Difficile du Point de Vue Politique, Social Et Culturel

Le Kurdistan irakien est une région marginalisée du monde extérieur, politiquement, géographiquement, mais aussi culturellement. Treize ans après sa création, elle n’était reconnue ni par les pays voisins, l'Iran, la Syrie et la Turquie, ni par le gouvernement central irakien. Les moyens de communication, y compris la poste et le téléphone y étaient officiellement très limités et souvent inaccessibles pour la majorité de la population. Jusqu’à la chute de Saddam en 2003, les entrées et sorties de la région étaient restreintes.

Comment une région aussi marginalisée peut-elle s’exprimer, sachant que depuis 14 ans elle se trouve dans une situation culturelle, politique, économique et sociale des plus délicates ?
Afin de comprendre plus justement la situation de cette région, nous évoquerons brièvement son histoire et ceci à partir du début du siècle passé.

A la fin de la première guerre mondiale le paysage politique au Proche et au Moyen -Orient a été littéralement bouleversé. Suite à cette guerre et après la signature du traité de Sèvres le 10 août 1920, on voit apparaître de nouveaux États, tels le Liban, la Syrie ; l’Irak, la Jordanie, le Koweït qui sont détachés de l’Empire ottoman. Ce traité prévoyait l'éventuelle constitution d’un Etat kurde, mais il n’a jamais été appliqué.³ Le processus de construction de ces nouveaux États réalisé en fonction des intérêts propres de la Grande Bretagne et de la France, a eu pour conséquence de susciter des conflits et entretenir des tensions permanentes dans la région du fait de la profonde hétérogénéité ethnique, religieuse, politique de ces nouveaux États.

L’émergence de ces nouveaux États sur la scène moyen-orientale a eu pour conséquence d’affecter durablement le destin « des Kurdistan » puisque le Kurdistan a été partagé entre quatre États : la Syrie, l’Irak, la Turquie, l’Iran. La répartition de la population kurde entre quatre espaces étatiques et le fait de la considérer en tant que minorité ont généré des effets négatifs quant à l’évolution des rapports de ce peuple avec la communauté internationale. ⁴

Mor, S., L’origine de la question kurde « comprendre le Moyen-Orient », Paris, L’Harmattan, 1994, p. 13.

⁴ Bozarslan, H., La question kurde « États et minorités au Moyen-Orient », Paris, presse de science Po, 1997, p.365.

 




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