PREFACE
Lettre ouverte à Bernard Lewis et quelques autres
par Yves Temon
Rien n’autorise un État à supprimer en masse une catégorie quelconque de ses citoyens. Si un État viole cet interdit, il tentera de se justifier en rejetant la responsabilité sur la victime qui l’a contraint à la tuer ou en niant contre toute évidence les faits qu’on lui reproche. J’ai pu me convaincre de la constance de ces réactions de rejet ou de négation en étudiant pendant vingt-cinq ans les mécanismes de liquidation massive par un État en différents moments et en différents lieux. J’ai commencé mes recherches il y a un quart de siècle par l’examen des comportements criminels de médecins allemands sous le national-socialisme1. Lorsqu’il me fallut constater que des hommes qui avaient fait serment de défendre et protéger la vie humaine avaient torturé leurs semblables lors d’expériences dites scientifiques ou avaient organisé la mise à mort des pensionnaires des asiles d’aliénés allemands sous le prétexte de les aider à mourir, je n’avais plus guère d’illusions à me faire sur l’avilissement de l’homme par un système despotique. Je doute que l’on parvienne à me convaincre de la culpabilité des victimes d’un génocide. Ceux qu’on assassine ne sont pas responsables de leur meurtre. On leur a volé leur vie et je ferai tout pour qu’on ne leur vole pas aussi leur mort. C’est de cette volonté de justice - et non d’une ascendance juive ou arménienne que je n’ai pas - que procède mon acharnement à préserver la vérité et, si elle est altérée, à la restituer. Je poursuis cette tâche avec l’obstination et la rigueur du chercheur, la précision du chirurgien, bien qu’aucune institution ne m’ait investi d’un quelconque pouvoir pour mener ces enquêtes. Pour y parvenir, je ne dispose que de sources documentaires. Celles-ci sont, dans le cas arménien, considérables: sources américaines, allemandes, britanniques, françaises, qui, toutes, corroborent les mêmes faits. La liquidation organisée des populations arméniennes d’Anatolie à la faveur d’une déportation générale est patente. Cela s’appelle un génocide. Ceux qui l’affirment disposent certes d’une énorme masse de preuves. Mais, alors qu’au procès de Nuremberg les accusés étaient les anciens dirigeants d’un État vaincu, l’accusation a en face d’elle un État qui met toute sa puissance au service de la négation de ce génocide. C’est donc à un lent et patient travail de contre-réfutation des déclarations de menteurs, qui savent qu’ils mentent mais qui, en aucun cas, quelle que soit la force des arguments qu’on leur oppose, ne reconnaîtront leur mensonge, qu’est condamné celui qui veut prouver que les Arméniens de l’Empire ottoman ont, en 1915 et 1916, été victimes d’un génocide programmé et perpétré par le Comité Union et Progrès - Ittihad ve Terraki - qui contrôlait alors le gouvernement ottoman.
Pour perpétrer son crime, le gouvernement ottoman utilisa la couverture d’une déportation. Il publia un ordre officiel expliquant la nécessité de transférer loin du front une population soupçonnée d’intelligence avec l’ennemi. C’est à partir de ce camouflage que les versions divergent. Il n’y a aucune différence de nature entre le massacre d’un groupe humain là où il vit, au cours d’une déportation ou dans un centre d’extermination. Pourtant, la négation turque s’attache aujourd’hui à nier l’intention de destruction. Il n’en fut pas toujours ainsi. Au terme de la Première Guerre mondiale, le gouvernement turc voulait démontrer que les massacres d’Arméniens avaient été organisés sur ordre du Comité central du parti Union et Progrès, dont la plupart des membres étaient en fuite et furent jugés in absentia et exécutés par des bandes de tueurs formées par ce parti. La délégation turque à la Conférence de la Paix ne chercha pas à dissimuler les responsabilités du Comité central et le gouvernement fit instruire des procès qui se tinrent en 1919 à Constantinople et dans les provinces et désignèrent comme coupables les dirigeants de l’Ittihad. La documentation recueillie montrait que les principaux exécutants appartenaient à une Organisation spéciale dépendant du ministère de l’Intérieur et à laquelle les autorités locales étaient tenues d’obéir2. Si le mot génocide avait alors existé, le doute n’aurait pas été permis. Puis les vents tournèrent. Les Arméniens ne disposèrent pas d’une représentation nationale et la Turquie kémaliste devint une pièce maîtresse de la géopolitique. Il était impératif qu’elle effaçât toute trace de ce forfait qui ternissait son image. Lorsque le mot génocide fut inventé et eut force de loi, la Turquie signa la Convention de 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide. Comme l’incrimination reposait sur la preuve de l’intention, la négation turque mit quiconque au défi de produire un ordre d’extermination des Arméniens signé par le Comité Union et Progrès ou un ministre ottoman. La manœuvre était grossière : une telle pièce n’a jamais existé dans aucun cas de génocide. Le génocide est un crime perpétré dans le plus grand secret et on ne peut le prouver qu’en produisant des preuves indirectes: ordres qui n’avaient pu être transmis oralement et que les destinataires n’avaient pas détruits après en avoir pris connaissance, dépositions des coupables, récits de témoins. Les historiens turcs veillent à rejeter comme un faux toute pièce officielle produite comme preuve et leur gouvernement les assiste en ouvrant, soixante-dix ans après, des archives qu’il a eu tout le temps d’épurer soigneusement, ouverture qu’il célèbre comme une démonstration de sa bonne foi et de son intégrité. Restent les archives étrangères, surtout celles d’Allemagne, alliée de la Turquie, et des Etats-Unis, qui conservèrent une représentation diplomatique dans ce pays jusqu’en avril 1917, en tant que puissance neutre3. Le contenu des archives de la Wilhelmstrasse avait été porté à la connaissance du public par le pasteur Lepsius en 19194. De même, le rapport de Lepsius sur la situation du peuple arménien en Turquie, paru en Allemagne en 1916, et le Livre Bleu du vicomte Bryce établissaient la volonté d’anéantissement du Comité Union et Progrès en se fondant sur plusieurs documents, dont les extraits d’une dépêche adressée par le consul américain de Kharpout, Leslie Davis, à son ambassade de Constantinople, dépêche communiquée par Y American Committee for Armenian and Syrian Relief5. C’est ainsi que le consul Davis fit son entrée dans l’histoire du génocide des
Arméniens.
Protégés par leur immunité diplomatique, les consuls ou agents consulaires purent observer les méthodes utilisées dans les provinces pour supprimer les Arméniens. Ils avaient, de leur poste, en urgence, adressé des dépêches à leurs ambassades dont certaines avaient été interceptées par la censure turque. Puis, de retour chez eux, ils avaient rédigé des rapports à l’intention de leur administration. Ce sont ces documents que des chercheurs, soucieux de reconstituer dans ses moindres détails le mécanisme du génocide des Arméniens, exhumèrent des archives dès qu’ils furent autorisés à les consulter. L’assemblage de ces documents, comme celui des pièces d’un puzzle, fournit une expertise de la preuve. Si les pièces restituent une image globale, sans décalage ni rupture, le doute est levé. Qu’ils soient allemands ou américains, et alors qu’ils n’avaient, à l’évidence, pu se consulter avant de rédiger leurs rapports, tous les agents consulaires affirment que les fonctionnaires turcs -civils et militaires - ont obéi à des ordres venus de la capitale et que la déportation était à la fois le prétexte et l’un des moyens de l’extermination. Chacun n’a observé qu’un moment du crime, en un seul lieu. Il n’a vu que ce qui se passait dans sa ville. Certains furent plus curieux et parcoururent les provinces pour découvrir l’étendue du carnage. Ce fut le cas du consul Davis.
J’aurais aimé évoquer avec respect les victimes de cette tragédie, réduire la distance qui nous en sépare et parler des morts de cette province comme s’ils étaient tombés hier, devant nous, victimes de l’intolérance d’État. Mais il me faut, expert commis dans un procès insolite pour faux et usage de faux, m’expliquer sur le document que je présente, me dispenser des formules d’usage sur le deuil et la mémoire blessée, autopsier le texte faute de pouvoir examiner des corps depuis longtemps disparus et affirmer mon intime conviction. Ceci contre un ministère public qui d’accusé se transforme en procureur, et devant un tribunal qui exige l’administration de la preuve afin de lever le doute que l’assassin a laissé dans son esprit.
Dans l’édition américaine où elle le produit pour la première fois, Susan Blair décrit le parcours de son enquête6. A son retour aux États-Unis à la fin de 1917, le consul Leslie Ammerton Davis est prié par le directeur du service consulaire au Département d’État, Wilbur J. Carr, de rédiger un rapport sur son activité à Kharpout où il fut en poste de mai 1914 à avril 1917. Ce rapport est remis en deux exemplaires classés confidentiels le 9 février 1918, l’un à Wilbur Carr, l’autre au Bureau consulaire. Chacun de ces exemplaires est certifié exact et commenté par le chef du service correspondant. Les annotations sont élogieuses pour le consul Davis qui « a effectué un excellent travail dans des conditions difficiles ». Ce rapport, « lu avec un vif intérêt, est considéré comme extrêmement précieux ». Mais il n’est pas destiné à être publié et n’est même pas utilisé par les représentants américains à la Conférence de la Paix. En 1949, le Département d’État remet aux Archives nationales ses archives de 1910 à 1929. Les éléments non classés sont accessibles au public, mais ceux qui sont classés ne peuvent être consultés qu’avec une autorisation du Département d’État. Le rapport Davis n’est « déclassé » qu’en 1961. L’exemplaire n° 2 est microfilmé en 1969, tandis que l’exemplaire n° 1, celui de Carr, reste dans le dossier Davis au Service du personnel. Il n’y a aucun doute : le rapport Davis, ainsi que les dépêches publiées en annexe, sont authentiques ; il est publié pour la première fois en 1989.
Pourquoi privilégier ce rapport et non, par exemple, publier le rapport Rôssler - consul allemand d’Alep - ou le rapport Jackson - consul américain dans cette même ville -, eux aussi accablants? Parce que l’expérience vécue par le consul Davis est unique. Il est le seul diplomate étranger en poste à Kharpout pendant la guerre. Il n’y a pas d’autre consul dans un rayon de plusieurs centaines de kilomètres. Kharpout est au cœur de l’Anatolie, un lieu inaccessible, éloigné de tout port et de toute voie ferrée. Il faut treize jours de voyage en charrette au consul pour atteindre Kharpout à partir de la mer Noire et dix-huit jours pour gagner une gare lorsqu’il quitte son poste. C’est dans le vilayet de Kharpout, sauvage, peu praticable, entaillé de profondes vallées, semé de vastes lacs, où personne ne va jamais, que l’Ittihad a organisé l’élimination d’une partie des déportés. Cette province, la « province abattoir » - The Slaughterhouse Province, comme la nomme Davis -, est une pièce centrale du dispositif criminel, un parc naturel propice à une mise à mort à l’échelle de dizaines de milliers de personnes.
Le consul est envoyé à Kharpout par son gouvernement pour préserver les intérêts des missions américaines. Il n’habite pas la vieille ville de Kharpout, mais Mamouret-ul-Aziz, à quelques kilomètres de là, dans la plaine où se trouvent les bâtiments administratifs et le commerce. Les Arméniens forment le tiers des habitants de ces deux villes et la plupart des élèves et professeurs de l’Euphrates College, principale mission américaine, sont arméniens. Leslie Davis est un honnête homme. Il est sensible à la souffrance des autres, bien qu’il n’ait pas de sympathie particulière pour les Arméniens. C’est un observateur précis qui rapporte ce qu’il voit, ce qu’il entend et ce qu’il fait. C’est aussi un diplomate avisé qui entretient de bonnes relations avec les autorités provinciales civiles et militaires. Il représente les États-Unis et la bannière étoilée le protège. Il transmet par dépêches à son ambassadeur, Henry Morgenthau - qui, lui, connaît la volonté exterminatrice des Jeunes-Turcs -, les événements dont il est le témoin de mai à juillet 19157. Les ambassades en place à Constantinople reçoivent des rapports réguliers qui les informent du déroulement des différentes phases du génocide. Comme elles, Davis constate l'assassinat des soldats arméniens de l’armée turque, l’arrestation, la torture et la disparition des notables, la mise à mort par petits groupes des hommes arméniens fusillés dans des vallées voisines de Kharpout, la déportation dans la première quinzaine de juillet du reste de la population arménienne. La rumeur lui apprend les viols et enlèvements de femmes et de jeunes filles arméniennes, les tueries sur les routes de la déportation. La route principale de la déportation par où s’écoule le flot des déportés passe plus à l’ouest, à Malatia, où confluent les convois venus des trois vilayets du Nord: Sivas, Trébizonde, Erzeroum. Une partie des déportés est détournée vers Kharpout, où ils disparaissent. Le consul Davis ne se fait aucune illusion sur le caractère systématique de ce qu’il appelle «ces terribles crimes contre l’humanité». Parlant du gouverneur de la province (vali), il écrit en effet : «He was one of the principal agents of the Turkish Government in committing its awful crimes against humanity.» Le vali et le commandant des troupes stationnées à Kharpout le lui confirment au cours de soirées consacrées au bridge dans le salon du consulat : ils exécutent les ordres du gouvernement. Que peut faire un homme de bonne volonté lorsqu’il est témoin de la perpétration d’un meurtre de masse par un État en guerre ? Sauver ce qui peut être sauvé. Le consul américain intercède auprès des autorités pour protéger le personnel arménien de son consulat et procurer des passeports et des ressources aux Arméniens de nationalité américaine ou qui ont des familles aux États-Unis. Pendant deux ans, il consacre la totalité de son activité à venir en aide aux Arméniens au-delà des limites que lui assigne sa fonction puisqu’il cache des fuyards dans les vastes locaux de son consulat.
Mais il y a plus, et c’est là que Leslie Davis devient un témoin capital du meurtre. A la fin de l’été, il sort de Mamouret-ul-Aziz et se rend dans les villages environnants pour vérifier les rumeurs de massacres. Partout, il constate le même spectacle : des dizaines de villages en ruine et vides. Puis il entreprend à la fin de septembre 1915 une « randonnée » vers le sud, jusqu’au lac Goekulp, où campaient jadis ses prédécesseurs pendant les chauds mois d’été. Un Turc qui lui avait appris l’existence d’un charnier se propose de l’accompagner. Il s’y rend une seconde fois avec un médecin américain, le docteur Atkinson, puis une troisième fois avec son drogman arménien. A chaque fois, il observe un spectacle d’épouvante. Il traverse des chemins encombrés de cadavres exposés, rarement brûlés, jamais enterrés, et, sur les rives du lac, découvre plus de dix mille corps des deux sexes et de tous âges, déjà à l’état de squelettes ou en putréfaction, quelques-uns plus récents, nus et mutilés. Ce sont les Arméniens de Kharpout ou ceux qu’il a vu passer à Kharpout avec les convois, et dont on vend les vêtements tachés de sang sur les marchés de Kharpout. Le consul Davis détient la preuve que des convois entiers ont été conduits là pour être détruits jusqu’au dernier. A la lecture du rapport Davis, toute personne de bonne foi est convaincue que la mise à mort était le but assigné à la déportation.
Si l’authenticité du document est certaine, dans quelle mesure peut-on être sûr que le consul n’a pas déformé la vérité ? Parce que la pièce s’emboîte sans défaut dans le reste du puzzle et que tous les recoupements confirment la véracité du témoignage. Les récits des survivants arméniens confirment les descriptions de Davis. L’entreprise de négation turque a tellement perverti le discours sur le génocide des Arméniens que l’on hésite à produire les souvenirs des survivants de crainte d’être taxé de partialité. Il s’agit pourtant là de sources fondamentales dont l’exploitation a à peine commencé. En se retenant de les étudier on se prive de connaissances précieuses et l’on offense ces témoins. Dans un autre registre, les dépositions des témoins américains, en particulier celles du président de l’Euphrates College, Ernest W. Briggs, recoupent celles de Davis8. Enfin, les dépositions faites en 1918 par les deux plus hauts responsables de la province, le vali Sabit bey et le colonel Vehib Pacha, viennent confirmer que le consul dit la vérité. Ces documents doivent cependant être examinés avec la plus grande prudence. Lorsqu’en novembre 1918 une commission d’enquête est constituée à Constantinople - la Commission Mazhar -, elle collecte tous les documents disponibles. Certains hauts fonctionnaires ont conservé des pièces compromettantes pour leurs supérieurs. Ainsi, Sabit bey remet à la commission un télégramme chiffré qu’il a reçu du chef de l’Organisation spéciale, Behaeddine Chakir, pour le transmettre au responsable de cette organisation à Resné, Nazim bey, dans lequel Chakir demande des informations sur les massacres et les exterminations. En fait, il s’agit là d’une «trop belle preuve» et le document serait daté du 21 avril 1915. Or, à ce moment, les déportations n’avaient pas encore commencé9. Sabit bey demandait qu’en échange de la remise de ce document on lui accorde l’indulgence. On peut donc se demander s’il n’a pas fabriqué cette pièce. Cependant, d’autres télégrammes - il faut rappeler que les télégrammes officiels étaient reçus chiffrés et étaient ensuite décodés, que la production de ces pièces se résume à celle du texte chiffré ou du texte décodé et que, s’ils sont apostillés par le destinataire, ils n’ont pas la valeur des pièces originales - font allusion à l’encombrement des routes et des fleuves par les cadavres ou à la répartition du butin10. La principale charge retenue contre les accusés au procès de Kharpout fut apportée par Vehib Pacha qui remit à la Commission Mazhar, le 5 décembre 1918, une déposition rédigée sur douze feuillets dans laquelle il fournit des détails sur l’extermination des Arméniens dans les sept provinces orientales et accuse Behaeddine Chakir et l’Organisation spéciale d’avoir organisé ce crime : « Toutes les tragédies humaines, toutes les incitations au meurtre et actes de dépravation [...] furent manigancées par Chakir qui recruta et dirigea les bandes de meurtriers. Elles étaient formées de gibier de potence et comprenaient des gendarmes aux mains sanglantes et aux yeux injectés de sang » H. Ailleurs, il affirme : «Le massacre et la destruction des Arméniens [...] furent le résultat d’une décision du Comité central de l’Ittihad»12.
En Turquie, ceux qui ont pour fonction de veiller à la désinformation récuseront le témoignage du consul Davis. S’ils ne se concertent pas pour rédiger une réponse unique, ils traiteront différemment ce document. Il leur sera difficile de prétendre que le consul Davis n’a pas existé, mais ils pourront dire qu’il a été acheté - il avait dans son coffre les bijoux d’Arméniens déportés. D’autres, plus subtils, diront que le consul n’a rien constaté qu’on ne connaisse, que la déportation s’est faite au grand jour et que les squelettes et les corps putréfiés n’ont pas d’identité : il pouvait aussi bien s’agir de villageois turcs assassinés par des Kurdes ou même par des bandes arméniennes.
La thèse officielle turque n’est guère crédible lorsqu’elle est soutenue par des historiens «à la botte». Mensonge, distorsion, inversion, retournement sont les méthodes traditionnelles de la négation et les historiens qui les pratiquent se discréditent suffisamment auprès de leurs collègues pour qu’il soit nécessaire de citer leurs noms ou de reproduire leurs textes.
Par contre, le risque de voir un mensonge habillé en vérité se précise lorsque le porte-parole de la dénégation est un savant de renommée mondiale. Lors d’un «entretien érudit et pertinent» sur le fondamentalisme islamique paru dans Le Monde du 16 novembre 1993, Bernard Lewis doute qu’il y ait eu génocide et parle, à propos des massacres de 1915, de «version arménienne de cette histoire». Trente intellectuels lui répondent dans le «Courrier» du Monde du 27 novembre. Ils lui rappellent courtoisement mais fermement que rien ne justifie qu’un savant de son autorité cautionne «le mensonge des criminels d’hier» en accréditant la thèse de la déportation. L’affaire en serait restée là si Bernard Lewis ne s’était accroché à sa position et ne s’était « expliqué » dans Le Monde du 1er janvier 1994. Cette réponse est, à plusieurs titres, incohérente. Nous avions, dans notre réplique, écrit ces phrases : « Ces actes caractérisent un génocide. Et c’est précisément parce qu’il est dangereux d’abuser du terme qu’il est important de reconnaître le génocide quand il ne fait pas de doute. C’est d’ailleurs l’entreprise de destruction des Arméniens de l’Empire ottoman qui a servi de référence aux juristes des années 30, alarmés par la montée du nazisme, comme le Polonais Lemkin, pour fixer le concept de génocide. » Nous avions pris la précaution d’éviter la comparaison entre le génocide des Arméniens et le génocide des Juifs afin de ne pas nous référer à un événement postérieur pour déterminer la nature du precommencé9. Sabit bey demandait qu’en échange de la remise de ce document on lui accorde l’indulgence. On peut donc se demander s’il n’a pas fabriqué cette pièce. Cependant, d’autres télégrammes - il faut rappeler que les télégrammes officiels étaient reçus chiffrés et étaient ensuite décodés, que la production de ces pièces se résume à celle du texte chiffré ou du texte décodé et que, s'ils sont apostillés par le destinataire, ils n’ont pas la valeur des pièces originales - font allusion à l’encombrement des routes et des fleuves par les cadavres ou à la répartition du butin10. La principale charge retenue contre les accusés au procès de Kharpout fut apportée par Vehib Pacha qui remit à la Commission Mazhar, le 5 décembre 1918, une déposition rédigée sur douze feuillets dans laquelle il fournit des détails sur l’extermination des Arméniens dans les sept provinces orientales et accuse Behaeddine Chakir et l’Organisation spéciale d’avoir organisé ce crime : « Toutes les tragédies humaines, toutes les incitations au meurtre et actes de dépravation [...] furent manigancées par Chakir qui recruta et dirigea les bandes de meurtriers. Elles étaient formées de gibier de potence et comprenaient des gendarmes aux mains sanglantes et aux yeux injectés de sang » ". Ailleurs, il affirme : « Le massacre et la destruction des Arméniens [...] furent le résultat d’une décision du Comité central de l’Ittihad»12.
En Turquie, ceux qui ont pour fonction de veiller à la désinformation récuseront le témoignage du consul Davis. S’ils ne se concertent pas pour rédiger une réponse unique, ils traiteront différemment ce document. Il leur sera difficile de prétendre que le consul Davis n’a pas existé, mais ils pourront dire qu’il a été acheté - il avait dans son coffre les bijoux d’Arméniens déportés. D’autres, plus subtils, diront que le consul n’a rien constaté qu’on ne connaisse, que la déportation s’est faite au grand jour et que les squelettes et les corps putréfiés n’ont pas d’identité : il pouvait aussi bien s’agir de villageois turcs assassinés par des Kurdes ou même par des bandes arméniennes.
La thèse officielle turque n’est guère crédible lorsqu’elle est soutenue par des historiens «à la botte». Mensonge, distorsion, inversion, retournement sont les méthodes traditionnelles de la négation et les historiens qui les pratiquent se discréditent suffisamment auprès de leurs collègues pour qu’il soit nécessaire de citer leurs noms ou de reproduire leurs textes.
Par contre, le risque de voir un mensonge habillé en vérité se précise lorsque le porte-parole de la dénégation est un savant de renommée mondiale. Lors d’un «entretien érudit et pertinent» sur le fondamentalisme islamique paru dans Le Monde du 16 novembre 1993, Bernard Lewis doute qu’il y ait eu génocide et parle, à propos des massacres de 1915, de «version arménienne de cette histoire». Trente intellectuels lui répondent dans le «Courrier» du Monde du 27 novembre. Ils lui rappellent courtoisement mais fermement que rien ne justifie qu’un savant de son autorité cautionne «le mensonge des criminels d’hier» en accréditant la thèse de la déportation. L’affaire en serait restée là si Bernard Lewis ne s’était accroché à sa position et ne s’était «expliqué» dans Le Monde du 1er janvier 1994. Cette réponse est, à plusieurs titres, incohérente. Nous avions, dans notre réplique, écrit ces phrases: «Ces actes caractérisent un génocide. Et c’est précisément parce qu’il est dangereux d’abuser du terme qu’il est important de reconnaître le génocide quand il ne fait pas de doute. C’est d’ailleurs l’entreprise de destruction des Arméniens de l’Empire ottoman qui a servi de référence aux juristes des années 30, alarmés par la montée du nazisme, comme le Polonais Lemkin, pour fixer le concept de génocide. » Nous avions pris la précaution d’éviter la comparaison entre le génocide des Arméniens et le génocide des Juifs afin de ne pas nous référer à un événement postérieur pour déterminer la nature du premier crime. Or, Bernard Lewis parle de « comparaison avec l’Holocauste » et s’engouffre dans cette brèche pour dresser un ensemble de propositions dont aucune n’est recevable. Sa «preuve par non» est exemplaire. «Il n’y a eu aucune campagne de haine, explique-t-il, visant directement les Arméniens, aucune démonisation comparable à l’antisémitisme en Europe.» C’est confondre le mobile du crime avec sa nature. La haine n’est pas le mobile exclusif du génocide. Les Arméniens n’avaient commis qu’une «faute» : ne pas être turcs et musulmans dans un pays destiné à n’être habité que par des Turcs. Il était inutile de les haïr, encore moins de les démoniser: leur statu, suffisait à les identifier. C’est la même «faute» qui fut reprochée plus tard aux Kurdes qui perdirent en Turquie leur identité et devinrent des «Turcs montagnards» afin que soit respectée la fiction de l’unicité ethnique. Quelle est, en matière historique, la crédibilité d’un État qui, de 1924 à 1991, nie officiellement l’existence d’un groupe ethnique dont on apprend durant la guerre du Golfe, par la bouche du chef de l’État turc, qu’il représente quelque 12 millions d’individus, soit 20 % environ de la population totale de la Turquie ! «La déportation des Arméniens, ajoute Lewis, quoique de grande amplitude, ne fut pas totale, et en particulier elle ne s’appliqua pas aux deux grandes villes d’Istanbul et d’Izmir.» La preuve de la destruction intentionnelle d’un groupe n’est pas apportée par la disparition du dernier membre du groupe, ni même par la volonté d’éliminer tout le groupe. L’extension à toute l’Anatolie et à la Cilicie de l’éradication de la présence arménienne suffit à démontrer l’exploitation de la guerre comme prétexte. A Istanbul, les Arméniens furent sauvés par la proximité des ambassades et le nombre des témoins étrangers. A Izmir, l’ordre de déportation fut rapporté à la demande du général allemand Liman von Sanders. Les Arméniens du Liban et de Palestine ne furent pas déportés. Pour les membres du Comité Union et Progrès, l’enjeu était territorial. Il advint que des fonctionnaires n’obéirent pas aux ordres et le gouvernement ottoman accueillit dans des orphelinats des enfants arméniens «trop jeunes pour se souvenir». Quand Bernard Lewis ajoute que «les actions turques contre les Arméniens, quoique disproportionnées, n’étaient pas nées de rien», on se demande ce qu’il veut prouver. Si le Comité Union et Progrès en vint à cette extrémité, c’est bien parce qu’il craignait les interventions russe, britannique et française en faveur des droits et de la protection des Arméniens dans l’Empire ottoman, qu’au-delà la communauté arménienne représentait un obstacle au panturquisme, et que l’occasion de régler définitivement cette question en suspens depuis la fin du XIXe siècle était trop belle pour ne pas la saisir. Comme tous les historiens qui ont analysé le génocide des Arméniens, je me suis attaché à évoquer les causes lointaines et immédiates de ce crime : à résumer le «contentieux turco-arménien» ; à parler du nationalisme arménien, des mouvements révolutionnaires arméniens et de la guérilla menée sur le territoire ottoman, parfois à partir de bases russes, par les fedaïs arméniens jusqu’à la révolution jeune-turque de 1908 ; à expliquer comment les événements de Van furent en avril 1915 saisis par l’Ittihad comme prétexte au déclenchement du plan d’extermination ; à rappeler l’existence d’unités de volontaires arméniens mises sur pied par les Russes en insistant sur le fait qu’il y avait parmi ces volontaires plusieurs personnalités arméniennes ottomanes13. Mais je mets au défi quiconque de prouver l’existence d’une organisation militaire d’Arméniens ottomans qui accréditerait la thèse de la trahison et permettrait, comme le soutient Bernard Lewis, de parler du «contexte d’un combat, inégal certes, mais pour des enjeux réels». Les soulèvements désespérés des Arméniens de Van, de Chabine-Karahissar, d’Ourfa ou du Mous-sadagh, à un stade souvent avancé de la persécution, ne furent que le sursaut de ceux qui préféraient mourir en combattant. La population arménienne était « prête à aider les envahisseurs russes », déclare encore Lewis. Depuis quand un gouvernement est-il autorisé à liquider en masse ses citoyens à la faveur d’une déportation parce qu’il met en doute leur loyauté ? Enfin, pour ne pas manquer un des arguments de la négation turque, le célèbre islamisant ne se prive pas de rappeler qu’il y eut des atrocités des deux côtés, sans mentionner de quel côté se trouve la violence organisée de l’État. C’est l’éternelle défense de l’assassin violenté qui ne supporte pas que sa victime ne soit pas consentante et réplique à un geste de résistance par un meurtre collectif. Ces arguments ayant été réfutés, la thèse négationniste de Lewis se résume à accepter la version de la déportation et à affirmer qu’en l’absence de «preuve sérieuse d’une décision et d’un plan du gouvernement ottoman visant à exterminer la nation arménienne», on ne peut porter l’incrimination de génocide. La déportation n’était pas pratiquée dans le seul Empire ottoman. Au début du XVIIe siècle, le chah Abbas Ier fit déporter 56 000 Arméniens : ils quittèrent la plaine de 1’Ararat pour gagner Ispahan, mais ils arrivèrent à destination. A propos des déportations, Arnold Toynbee n’a révélé qu’en 1967 dans quelle mesure l’opportunité de la déportation des Arméniens a été saisie par le gouvernement anglais. Lorsqu’en août 1914 le front russe est enfoncé à Tannenberg, le grand-duc Nicolas fait évacuer la partie polono-lithuanienne du territoire de peuplement juif dans des conditions de cruauté qui suscitent l’indignation des communautés juives du monde entier, soigneusement informées par les Allemands. Pour tenter de contrebalancer l’effet négatif de cette mesure aux États-Unis, que l’Entente espère gagner à sa cause, le gouvernement anglais prie un diplomate et historien réputé pour son intégrité, le vicomte Bryce, de réunir et de publier une collection de documents sur de plus grandes «barbaries» commises par les Turcs à l’encontre des Arméniens. Bryce comme Toynbee, qu’il prit comme adjoint, ignoraient cette manœuvre. Ils produisirent leurs preuves sans avoir en arrière-pensée la volonté de détourner la colère des communautés juives. Le raisonnement anglais était simpliste et le Livre Bleu n’eut pas l’effet escompté, ce qui amena le gouvernement anglais à songer à un geste plus significatif, ainsi que le signale Toynbee, pour se gagner les communautés juives, et plus particulièrement celle des États-Unis: ce fut la déclaration Balfour. Par contre, cette recherche permit à Toynbee d’établir sa certitude: la déportation « était délibérément conduite avec une brutalité calculée pour prendre "en route" le maximum de vies », écrit-il en 1967. Et il ajoute : « Cette étude que j’ai menée m’a laissé une impression qui ne fut pas effacée par le génocide commis avec un sang-froid plus grand et sur une plus grande échelle par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale »14.
En consultant les travaux de Bernard Lewis, on est en droit de s’étonner du glissement de ses propos. Dans The Emergence of Modem Turkey, son œuvre maîtresse sur la transformation de l’Empire ottoman, il ne fait que mentionner l’événement, mais il écrit que cette lutte entre deux nations pour la possession d’une seule patrie - vision très contestable du rapport de force et allusion à une intention arménienne d’indépendance qui n’existait que virtuellement - s’acheva avec «le terrible holocauste de 1915, quand un million et demi d’Arméniens périrent»15. La référence à l’Holocauste, aujourd’hui «biaisée», est spontanée - et d’ailleurs peu opportune. Quelques années plus tard, dans la traduction de ce livre, alors intitulé Islam et laïcité, la référence est modifiée: la lutte... «s’acheva par les terribles tueries de 1915, dans laquelle (sic) périrent un million et demi d’Arméniens, selon certaines estimations, et un nombre inconnu de Turcs»16. Le chiffre cité est plus élevé que celui retenu par les historiens: autour d’un million, estimation susceptible d’être révisée par des recherches plus poussées. La position actuelle de Bernard Lewis n’est pas la conséquence d’un complément d’information - il s’en serait expliqué - mais d’une soumission à la désinformation. Il se comporte non en savant mais en politique, mettant son prestige intellectuel au service des intérêts d’un Etat.
Cette longue digression sur «l’affaire Lewis» me ramène à mon point de départ, cette inébranlable certitude que si un État recourt au génocide pour résoudre ce qu’il estime être un problème politique, il commet un crime contre l’humanité. Je réaffirme donc, comme je le fais depuis vingt ans, que le Comité Union et Progrès a décidé, planifié et fait exécuter la destruction des Arméniens de l’Empire ottoman, qu’il a camouflé cette extermination en déportation. Celle-ci était l’instrument d’une mise à mort opérée à la faveur d’une guerre mondiale. Les preuves permettant d’établir sans que subsiste l’ombre d’un doute cette volonté criminelle sont inlassablement collectées depuis 1915 17. Elles peuvent être présentées devant un tribunal ou une commission internationale d’historiens. Parmi elles, pour paraphraser Lewis, l’une des «versions américaines de cette histoire», le rapport et les dépêches du consul Leslie Davis qui, de son consulat de Kharpout, a été témoin de tant de souffrances et de tant de malheurs.
Yves Temon
Notes
1 Histoire de la médecine SS ; Le massacre des aliénés ; Les médecins allemands et le national-socialisme (en collaboration avec Socrate Hel-man), Casterman, 1969, 1971 et 1973.
2 La documentation sur ces procès est disponible sous forme de microfilms au Zorian Institut, Cambridge, Massachussets.
3 Henry Morgenthau, Mémoires, suivis de documents inédits du Département d'État, Paris, Flammarion, 1983.
4 Archives du génocide des Arméniens, recueillies et présentées par Johannès Lepsius, Paris, Fayard, 1986.
5 Johannès Lepsius, Rapport secret sur les massacres d'Arménie (1915-1916), Paris, Payot, 1918 (réédition 1987). Livre Bleu du gouvernement britannique concernant le traitement des Arméniens dans l’Empire ottoman (1915-1916), Paris, Payot, 1987.
6 Leslie A. Davis (Edited by Susan Blair), The Slaughterhouse Province: An American Diplomat’s Report on the Armenian Genocide, 1915-1917, New Rochelle NY, Aristide Caratzas, 1989.
7 Plusieurs dépêches de Leslie Davis parvenues à l’ambassade américaine sont reproduites ci-après.
8 Viscount J. Bryce, The Treatment of the Armenians in the Ottoman Empire, London, H.M.S.O., 1916. (Documents 69, 70 et 71, pp. 278-283 ; seul le document 70 figure dans la traduction française [op. cit.] éditée pour la première fois en 1917 et amputée de plusieurs pièces.)
9 Cf. Tribunal permanent des peuples, Le crime de silence, Paris, Flammarion, 1984, p. 82 ; Yves Temon, Enquête sur la négation d'un génocide, Marseille, Éd. Parenthèses, 1989, p. 118. Ce télégramme est cité dans l’acte d’accusation du procès des Unionistes.
10 Cf. Y. Temon, op. cit., document C, p. 119 et document I, p. 121.
11 Ibid., p. 151. Cette référence, ainsi que la suivante, sont extraites de Vahakn Dadrian, « The Naim-Andonian Documents on the World War I Destruction of Ottoman Armenians : the Anatomy of a Genocide », International Journal of Middle East Studies (Cambridge), 18 (3), août 1986, pp. 311-360.
12 Ibid., p. 211.
13 Yves Temon, Les Arméniens. Histoire d'un génocide, Paris, Éd. du Seuil, 1977.
14 Arnold Toynbee, Acquaintances, Oxford University Press, 1967, pp. 148-153 ; et, pour la citation, p. 242.
15 Bernard Lewis, The Emergence of Modem Turkey, Oxford University Press, 1961, p. 356.
16 Bernard Lewis, Islam et laïcité. La naissance de la Turquie moderne, Paris, Fayard, 1988, p. 312.
17 Richard Hovannisian a regroupé les éléments de cette bibliographie dans une plaquette: The Armenian Holocaust, Cambridge, MA, National Association for Armenian Studies and Research, 1978.
Depuis, outre les ouvrages cités ci-dessus, il faut mentionner:
Gérard Chaliand et Yves Temon, Le génocide des Arméniens, Bruxelles, Éd. Complexe, 1980 (édition remise à jour en 1981).
Vahakn Dadrian, « Genocide as a Problem of National and International Law : The World War I Armenian Case and Its Contemporary Legal Ramifications », Yale Journal of International Law, 14 (2), 1989, pp. 221-334.
Richard Hovannisian, The Armenian Genocide in Perspective, Los Angeles, CA: University of California, 1986.
Richard Hovannisian, The Armenian Genocide, Politics, Ethics, London, Mac Millan et New York Saint Martins, 1992.
Robert Melson, Revolution and Genocide: on the Origins of the Armenian Genocide and the Holocaust, Chicago, University of Chicago Press, 1992.
Christopher Walker, Armenia : The Survival of a Nation, Croom Helm, New York, St. Martin Press, 1980.
Enfin, l’ensemble de la documentation concernant le génocide arménien dans les archives américaines, The Armenian Genocide in the U.S. Archives, plus de trente mille pages, a été reproduit en microfilms, classé chronologiquement et indexé en 1990 par un Advisory Board of the Armenian Genocide Project comprenant Israel Chamy, Vahakn Dadrian, Richard Hovannisian, Robert Melson et d’autres spécialistes du génocide. La documentation est reproduite par Chadwyck-Healey Inc., 1101 King Street, Alexandria, VA 22314.