
Manière de Voir: 1920-2020, le combat kurde, n° 169
Akram Belkaïd
Le Monde diplomatique
Au début du XIXe siècle, les monarques kurdes qui régnaient sur les principautés semi-autonomes aux confins de l’Empire ottoman et de l’Iran Qadjar n’ont pas compris que l’avenir de leur peuple passait par la création d’un État-nation. Il a fallu attendre la fin de la première guerre mondiale pour que cette revendication se concrétise, grâce notamment à des cercles d’intellectuels et de notables. C’est ce retard que paie, aujourd’hui encore, le « plus grand peuple du monde sans État», éparpillé entre l’Irak, l’Iran, la Syrie et la Turquie. Les raisons du malheur kurde, car c’est bien ainsi qu’il faut nommer cette longue succession d’indépendances refusées, de revers militaires, de révoltes matées, de trahisons et de massacres de populations civiles, ne se limitent pas à une absence de vision de la part de princes incapables de penser au-delà du fait tribal et de résister à l’hégémonie centralisatrice de l’Empire ottoman. L’histoire, elle aussi, n’a pas fait de cadeaux aux Kurdes. Au Proche-Orient et dans la péninsule arabique, de nombreux peuples ont bénéficié d’heureux coups du sort, souvent liés aux appétits coloniaux des grandes puissances occidentales. Il en fut ainsi... |